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Apprentissages

Publié le 10 déc 2015Lecture 10 min

Trouble d’acquisition de la coordination (TAC) - C’est quoi ? Et comment ça se soigne ?

J.-M. ALBARET*, Y. CHAIX**,***, *Université Toulouse III, UPS, PRISSMH EA 4561, **Inserm ; Imagerie cérébrale et handicaps neurologiques UMR 825 ; CHU Purpan, Toulouse, ***Unité de neurologie pédiatrie, hôpital des enfants, CHU Purpan, Toulouse

Terminologie peu utilisée en France mais pourtant consensuelle au niveau européen et mondial, le TAC ou trouble d’acquisition de la coordination désigne ce que les Français nomment la dyspraxie développementale. Il concerne 5 à 8 % des enfants d’âge scolaire et reste pourtant méconnu et encore peu étudié si l’on compare à d’autres troubles du développement comme la dyslexie développementale ou le trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité (TDA/H).

Définition Le terme de trouble de l’acquisition de la coordination est utilisé pour désigner des enfants dont le développement psychomoteur et les différentes capacités psychomotrices soutenant la motricité intentionnelle sont perturbés malgré un équipement sensoriel et neurologique, ainsi que des capacités intellectuelles préservés. Tant l’apprentissage que la réalisation des activités motrices finalisées se caractérisent par de la lenteur et un manque de précision. Ces difficultés peuvent porter aussi bien sur la motricité fine que sur la motricité globale, avec ou sans utilisation d’objet. Dans le DSM-V(1), le TAC fait partie des troubles neuro-développementaux à l’instar des autres troubles psychomoteurs comme le TDA/H mais aussi des troubles du spectre autistique, des troubles spécifiques des apprentissages, des troubles de la communication et des troubles du développement intellectuel. La dernière conférence de consensus organisée par l’European Academy for Childhood Disability(2) préconise l’utilisation du terme de TAC ou de « trouble spécifique du développement moteur » pour désigner ce syndrome, appelé également dyspraxie de développement, dont la prévalence est de 5 à 8 % des enfants d’âge scolaire, avec un nombre plus élevé de garçons.   Les critères diagnostiques du DSM-V(1) sont les suivants : A - L’acquisition et l’exécution d’habiletés motrices coordonnées sont nettement au-dessous du niveau escompté compte tenu de l’âge chronologique du sujet et en dépit d’occasions d’apprentissage et d’utilisation de ces habiletés. Les difficultés se traduisent par de la maladresse (ex. : laisser tomber ou heurter des objets), ainsi que de la lenteur et de l’imprécision dans l’exécution des habiletés motrices (ex. : attraper un objet, utiliser des ciseaux ou des couverts, écrire, faire du vélo, pratiquer une activité sportive, etc.) ; B -Le déficit en habiletés motrices du critère A interfère de façon significative et persistante avec les activités de la vie courante appropriées à l’âge chronologique (ex. : soins et entretien de soi) et a des conséquences sur la réussite scolaire, les activités préprofessionnelles et professionnelles, les loisirs et les jeux ; C - Le début des symptômes se situe dans la première enfance; D -Le déficit en habiletés motrices n’est pas mieux expliqué par une déficience intellectuelle (trouble du développement intellectuel) ou un déficit visuel, et n’est pas dû à une affection neurologique qui atteint les mouvements (ex. : paralysie cérébrale, dystrophie musculaire progressive, trouble dégénératif).   Les principales manifestations, liées à l’incoordination motrice et au défaut de contrôle moteur, sont les suivantes (encadré 1) : – déficits perceptifs (visuel, tactile et kinesthésique) ; – contrôle postural et équilibre altérés ; – difficultés visuo-motrices ; – dextérité manuelle défaillante ; – dyspraxies gestuelles et visuoconstructives.   Les difficultés d’apprentissage moteur sont manifestes, aussi bien lors de nouvelles tâches que devant l’adaptation d’un apprentissage suite à une modification ou une augmentation des contraintes de tout ordre liées à la tâche, à l’environnement ou au sujet lui-même. Ces difficultés ont des conséquences sur l’implication de l’enfant dans des activités à forte composante motrice, et l’ensemble constitue autant de facteurs de risque sur les plans physique (surpoids et obésité) et cardiovasculaire(6). D’un point de vue psychologique, les conséquences sont également graves et durables avec une baisse de l’estime de soi et l’apparition de troubles secondaires comme les troubles dépressifs et les troubles anxieux(3).   Évaluation diagnostique du TAC : rôle central du bilan psychomoteur Le pédiatre aura pris soin initialement d’éliminer des causes acquises ou développementales mais secondaires de troubles de la motricité : les pathologies d’origine centrale (comme l’infirmité motrice cérébrale), mais le contexte périnatal est le plus souvent évocateur et l’examen clinique révèle des signes de souffrance de la voie pyramidale ou extrapyramidale ; les pathologies neuromusculaires périphériques (comme les myopathies) mais l’examen révèle des signes d’insuffisance de la force musculaire. • Dans la démarche diagnostique, le bilan neuropsychologique apporte souvent des éléments d’orientation. Il peut révéler, même si cela n’est pas systématique, une dissociation entre les composantes verbales et les composantes non verbales de l’intelligence aux dépends de ces dernières. Il donne des indications sur les capacités attentionnelles, qui sont limitées chez un enfant sur deux présentant un TAC. • Le bilan psychomoteur évalue les aptitudes motrices, la motricité fine, ainsi que les fonctions exécutives. Les professionnels ont à leur disposition un certain nombre d’outils étalonnés en France pour évaluer ces différentes fonctions (encadré 2). Pour les habiletés motrices, la batterie d’évaluation du mouvement (M-ABC) est la plus utilisée. Elle comporte 8 items différents selon les tranches d’âge (4-6 ans, 7-8 ans, 9-10 ans, 11-12 ans), répartis en trois grandes catégories : dextérité manuelle (vitesse et précision uni manuelles, coordination bi-manuelle), coordination oculo-manuelle ou contrôle graphomoteur ; maîtrise de balles (lancer d’objet, attraper) ; équilibre statique et équilibre dynamique (marche avec contraintes, saut). Elle apprécie la dégradation de la performance motrice : les scores les plus élevés sont les plus pathologiques. Pour répondre au critère A de la définition en pratique clinique, on retient un score total < 15e percentile lorsque le critère B est présent. Des questionnaires peuvent être utilisés pour apprécier le critère B (M-ABC, Little DCD-Q).     • La vision est un élément important du contrôle du mouvement et son examen fait partie des évaluations systématiques à réaliser dans cette situation au même titre qu’une évaluation de l’audition est systématique dans les troubles du langage. L’objectif est d’éliminer une atteinte sensorielle à l’origine d’un trouble du mouvement. Toutefois dans le TAC, les études montrent l’existence de troubles visuo-spatiaux, notamment lorsqu’une composante motrice est impliquée, une limitation de la composante visuo-spatiale de la mémoire de travail et des troubles de motricité oculaire coordonnées. Aussi, il sera utile dans cette situation de demander l’aide d’un orthoptiste.   Prises en charge du TAC ou comment aider les enfants atteints de TAC ? La prise en charge de l’enfant atteint de TAC repose sur quelques principes : le contenu des interventions est spécifique, s’appuyant sur les difficultés rencontrées dans les activités de la vie quotidienne. La thérapie s’organise autour de l’enfant en lien avec les parents et les enseignants qui ont un rôle à jouer dans l’accompagnement et la généralisation des acquis. Sont privilégiées les thérapies ayant fait leurs preuves et reposant sur un modèle théorique explicatif de la nature des troubles du TAC. Les méta-analyses montrent en effet une efficacité nettement supérieure des approches portant sur des habiletés spécifiques comparativement aux approches globales, qui masquent souvent une indigence des soubassements théoriques. Les thérapeutiques sont d’autant plus efficaces que les enfants sont âgés de plus de 5 ans et que la fréquence des interventions est élevée. Cependant, il est difficile en pratique (emploi du temps de l’enfant et de sa famille, ainsi que des professionnels) de pouvoir proposer 3 séances par semaine à un enfant(7). Deux catégories d’approches thérapeutiques sont classiquement distinguées : celles orientées vers le déficit ou les processus, et celles orientées sur la performance ou la tâche. • Les approches orientées vers le déficit ont pour but la restauration des fonctions altérées chez les enfants atteints d’un TAC et celles qui sont centrées sur la performance cherchent à favoriser l’activité et la participation des enfants au sein de diverses activités dans le cadre d’une interaction constante entre le sujet, l’environnement et l’activité. Les thérapies portant de façon exclusive sur les processus, notamment l’intégration sensorielle et l’entraînement kinesthésique, ont en revanche très peu d’effets sur l’amélioration des performances motrices de l’enfant atteint de TAC. • Parmi les approches orientées vers la performance, qui fournissent les meilleurs niveaux de preuve, les thérapies méta cognitives utilisent une méthodologie de type résolution de problèmes. Par exemple dans l’approche CO-OP (Cognitive Orientation to Daily Occupational Performance), quatre étapes se succèdent : déterminer avec l’enfant le but poursuivi et le lui rappeler le cas échéant ; envisager ensuite la stratégie qu’il entend utiliser ; exécuter la stratégie en question et s’y tenir ; faire le point sur l’efficacité de la stratégie mise en œuvre au regard de l’objectif final et des objectifs intermédiaires, si besoin est. L’enfant est incité à réfléchir à la nature des difficultés présentées et à rechercher des solutions pour y faire face. L’adulte l’accompagne dans la découverte des processus impliqués et la validation des stratégies. En cas d’échec, il facilitera par des questions la découverte guidée des raisons de celui-ci et amènera une modification des stratégies. L’efficacité d’un entraînement associant des exercices d’anticipation-coïncidence, de la relaxation segmentaire et des mises en situation combinant l’observation, l’imitation et la pratique en imagination d’actions, présentées au sujet par le thérapeute ou à l’aide d’un support vidéo, montre que le recours à l’imagerie mentale est également une piste à envisager. Dans une métaanalyse récente, les données collectées montrent aussi que les rééducations traditionnelles (psychomotricité, kinésithérapie, ergothérapie en individuel ou en groupe) sont efficaces sur l’amélioration des habiletés motrices lorsqu’elles se fixent des objectifs spécifiques reposant sur des tâches en lien avec le quotidien de l’enfant, en intégrant le cas échéant un travail sur les aspects perceptifs ou encore sur l’estime de soi. Si des défaillances du contrôle oculomoteur ont été décelées, une rééducation orthoptique spécifique, associée à la rééducation psychomotrice, s’avère indiquée, comme l’ont montré Coetzee et coll.(5) sur deux groupes de 16 sujets atteints de TAC combinant sur 18 séances hebdomadaires des exercices perceptifs et moteurs (équilibre, coordination oculo-manuelle, coordinations bilatérales et intégration vestibulaire) et des exercices portant sur le contrôle moteur oculaire, avec un maintien des résultats positifs à 2 ans.  

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