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Douleur

Publié le 03 fév 2016Lecture 8 min

Distraire les enfants lors des soins douloureux : pourquoi ? comment ?

C. DEVOLDÈRE*, F. GALLAND** - *Service onco-hématologie pédiatrique, CHU d’Amiens ; présidente de l’association SPARADRAP, Paris ; **Cofondatrice et directrice de l’association SPARADRAP, Paris

Distraire un enfant pendant un soin douloureux ou inquiétant est un moyen efficace pour diminuer la douleur. En effet, peur et douleur sont intimement liées et pour soulager un enfant, les moyens médicamenteux ne suffisent pas toujours. Il faut agir à la fois sur les composantes sensorielle et émotionnelle. Alors pourquoi et comment s’investir dans cette approche du soin ?

S’appuyer sur la complémentarité des moyens antalgiques   La perception de la douleur provoquée lors d’un soin est largement influencée par le contexte dans lequel l’enfant est placé. Même un soin ou un examen considérés comme a priorinon douloureux (un examen radiologique, un examen des oreilles ou de la gorge, etc.) peuvent devenir problématiques si l’enfant est très anxieux. Peur et douleur sont intimement liées et pour soulager efficacement un enfant, il faut agir non seulement sur la composante sensorielle (grâce aux médicaments, une anesthésie, etc.), mais aussi sur la composante émotionnelle (anxiété, peur, etc.) et cognitive (souvenirs d’expériences antérieures, compréhension de la raison du geste, etc.) de la douleur. La distraction est un moyen non pharmacologique de lutte contre la douleur dont l’efficacité est scientifiquement prouvée en complément des moyens pharmacologiques. On peut parler d’un « co-analgésique » (voir références sur les sites du CNRD, de PÉDIADOL et de SPARADRAP : www.cnrd.fr; www.pediadol.org; www.sparadrap.org).   Un enjeu à court et long terme   Cette approche complémentaire est nécessaire à double titre : – pour s’assurer que les premiers soins soient de qualité et éviter des phobies ultérieures ; – pour rassurer les enfants inquiets ou refusant des soins, et conserver ou renouer la confiance. Ainsi, de la même manière qu’une équipe prévoit l’utilisation de moyens médicamenteux adaptés au type de soin (crème anesthésiante, antalgique, solutions sucrées, MEOPA, anesthésie locale, etc.), elle peut envisager à l’avance et de façon systématique des moyens de distraction. Seule cette systématisation garantit que tous les enfants puissent en bénéficier, que le soin soit long ou court, exceptionnel ou répétitif, programmé ou réalisé en urgence. L’enjeu est de réaliser le soin dans un contexte le plus serein possible et bénéfique à tous (enfants, parents et soignants), de prévenir ou de limiter au maximum la contention de l’enfant et d’éviter une mémorisation négative du soin.   S’organiser avant le soin   Pour s’assurer de l’efficacité de la distraction, un minimum d’anticipation et de concertation s’impose.   Commencer la distraction en amont Que le soin soit programmé ou non, un minimum de temps d’adaptation au lieu, à la situation, aux personnes présentes est nécessaire à l’enfant et à sa famille. Ensuite, il est préférable de commencer la distraction avant le début du soin et l’installation du matériel, et de ne pas interrompre la relation au moment où le soin est réalisé.   Définir un référent   Lorsque cela est possible, il est préférable qu’une seule personne soit responsable de la distraction de l’enfant. Soit un des parents s’il le souhaite et s’en sent capable, soit un soignant et, dans ce cas, il est conseillé qu’il ne réalise pas le soin. Cette organisation permet également d’éviter que l’enfant soit l’objet d’une multitude de stimulations par chacune des personnes présentes si la diversion ne semble pas efficace tout de suite.   Choisir la distraction adaptée à l’âge de l’enfant et au contexte   Il existe de nombreux moyens pour détourner efficacement l’attention des enfants : écouter une histoire, de la musique, regarder des images, la télévision, des mobiles, des animations visuelles, jouer à des jeux sur un écran, se faire masser, chanter, compter, dessiner, faire des bulles de savon, respirer des odeurs, manipuler des objets ludiques, etc.   Un préalable : une ambiance sereine   Tous les enfants sont très sensibles à l’ambiance qui règne dans le lieu de soins. Ainsi, soignants et parents s’attacheront à créer une ambiance sereine : voix calmes, pas de précipitation, ni d’énervement, etc. Les bébés seront particulièrement réconfortés par la présence de leurs parents, le contact physique et oral avec eux, et leur doudou, s’ils en ont un. De nombreux soins peuvent être réalisés alors que l’enfant est installé à côté du parent, dans ses bras, sur ses genoux. Quand le soin le permet, privilégier la position assise ou semi-allongée aide les enfants à mieux maîtriser la situation, en particulier les plus jeunes.   Différents canaux pour capter l’attention de l’enfant   Chaque enfant est plus ou moins sensible aux stimuli visuels, auditifs, kinesthésiques (le toucher), olfactifs ou gustatifs (pour simplifier ou s’en souvenir, on dit aussi « le VAKOG »). Selon sa personnalité, son âge, ses expériences, l’enfant privilégie l’un ou l’autre canal qu’il s’agit de repérer et d’activer, parce qu’il sera plus efficace qu’un autre au moment du soin. Par ailleurs, associer plusieurs stimuli peut renforcer l’efficacité et la captation de son attention.   Repérer les centres d’intérêt de l’enfant, être force de proposition   Chaque enfant est différent et pour être sûre de l’amener dans un univers qu’il apprécie le plus rapidement possible, il est utile de pouvoir repérer quels sont les sujets qui l’intéressent, ses canaux sensoriels privilégiés. Lorsque l’enfant est jeune et/ou ne s’exprime pas bien, les parents ont un rôle primordial à jouer. Ils connaissent leur enfant et ses centres d’intérêts : musique préféré, personnages, livres, BD, séries, sports, loisirs, animaux, souvenirs de vacances, etc. Lorsque l’on ne connaît pas l’enfant, il est important de disposer d’un panel important de moyens de distraction pour être sûre de trouver le plus adapté, d’autant plus que les plus jeunes ne restent pas concentrés très longtemps sur une même stimulation.   Des boîtes de jeux   Dans les services, qui accueillent des enfants de 0 à 18 ans, on peut schématiquement définir trois grandes catégories d’âge (les 0/3 ans, les 4/10 ans et les plus de 10 ans) et constituer des « boîtes de jeux » en fonction. Néanmoins, certains objets peuvent intéresser quasiment tous les âges. Les objets multisensoriels ou surprenants sont plus susceptibles de détourner l’attention des enfants : son + mouvement + lumière + effet de surprise. D’autres critères sont à étudier : la facilité d’utilisation, les moyens de désinfection, la possibilité de les fixer pour qu’ils soient toujours disponibles et limiter les disparitions, le coût, etc.   Bien choisir ses mots pendant le soin   Difficile de capter l’attention de l’enfant vers quelque chose de positif, si régulièrement on le ramène à la réalité du soin en lui expliquant ce qu’on lui fait. Que l’enfant ait exprimé le souhait ou pas d’être informé du déroulement du soin, il est toujours possible d’informer sur le geste tout en faisant de la distraction. Il faut par contre être attentif au vocabulaire employé, utiliser certains mots plutôt que d’autres, par exemple « Je vais prélever» au lieu de « Je vais te piquer »… Certaines remarques censées rassurer l’enfant, telles que «Rassure-toi, ça ne va pas faire mal », peuvent être contre-productives, car l’enfant risque de retenir le mot « mal » plutôt que la négation.   Un projet partagé par toute l’équipe   Introduire la distraction lors des soins ne vient pas modifier profondément les pratiques soignantes. C’est souvent à partir de l’initiative personnelle d’une ou deux personnes que le projet est initié dans un service. Pour motiver les autres membres de l’équipe et pour qu’ils s’inscrivent durablement, voici quelques pistes à suivre : – organiser une réunion de service, la projection d’un film ; – constituer un groupe de travail avec le soutien du CLUD ; – faire un audit sur la prise en charge de la douleur, une enquête de satisfaction, une évaluation des pratiques professionnelles ; – se former, car même si distraire peut paraître simple, cela ne s’improvise pas. Se former permet d’être convaincu de l’efficacité, d’être rassuré sur ses capacités, d’élaborer une démarche d’équipe, de créer des références communes, des protocoles, etc. ; – obtenir le soutien médical et de la direction. Dégager du temps pour distraire les enfants trouve difficilement une visibilité administrative, surtout à l’ère de la T2A (tarification à l’activité). L’activité peut néanmoins être valorisée lors de la certification des établissements (critères 12a et 19a). Et enfin : – se procurer des jeux, prendre du plaisir à les découvrir, à les tester, à jouer avec, etc. ; – évaluer l’efficacité de la distraction qui permet : de faire le soin plus rapidement, d’obtenir des scores de douleur plus bas, dans certains cas d’utiliser moins d’antalgiques et surtout d’apporter une grande satisfaction aux enfants, aux parents comme aux professionnels.  

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