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Psycho-social

Publié le 18 juin 2009Lecture 9 min

Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante

J.-C. TERRASSIER, Psychologue de l’enfance, Nice

En France, l’appellation « enfants surdoués » désigne des enfants présentant un développement intellectuel précoce qui concerne seulement 2 à 5 % de la population du même âge. L’Éducation nationale a opté pour l’appellation « enfants intellectuellement précoces ». Nous l’adoptons également pour exprimer clairement que nous ne traitons ici que du potentiel intellectuel et non d’autres types d’aptitudes, artistiques, physiques ou sociales. Ces enfants présentent une précocité du développement intellectuel qu’il s’agit de percevoir et d’évaluer afin de pouvoir les comprendre et les aider à éviter des difficultés qu’ils vivent de façon spécifique.

 
Identifier l’enfant précoce Le pédiatre, par sa formation et son expérience, est certainement le mieux placé pour être le premier à percevoir des signes de précocité chez un enfant. Sa connaissance des stades de développement de la petite enfance et ses observations quotidiennes lui permettent d’évaluer le développement psychomoteur, relationnel et langagier, et ce n’est pas au psychologue que je suis de leur faire la leçon sur un domaine qu’ils maîtrisent déjà. Je reçois fréquemment en consultation des enfants adressés par un pédiatre interpellé par la vivacité intellectuelle exprimée par des enfants au langage mature. En effet, le langage est un bon indice de précocité, mais parfois certains enfants, qui vont s’avérer ultérieurement très doués, présentent initialement ce qui ressemble à un retard de langage. Puis, subitement, vers l’âge de 3 ans, ils libèrent la parole et expriment une pensée cohérente avec des phrases construites et un vocabulaire riche et précis. Un retard de langage n’est pas exclu chez l’enfant précoce. Inversement, d’autres enfants, particulièrement les filles, peuvent inciter à évoquer une précocité, car ils s’expriment abondamment avec un langage bien maîtrisé. Or, lors de tests de développement intellectuel, on s’aperçoit que leur niveau se situe dans la bonne norme de l’âge, mais ne correspond pas à une précocité, leur langage relevant plutôt du verbiage de peu de contenu. Identifier une précocité chez un jeune enfant est difficile, car elle peut s’exprimer ou être masquée par des comportements très divers allant de l’attitude discrète et retenue jusqu’au comportement hyper expressif et hyperactif. Toute précocité de langage ne signifie pas une précocité intellectuelle.   Les tests de développement intellectuel Les tests de développement de la petite enfance aboutissent à un résultat en termes de QD (quotient de développement) et non de QI (quotient intellectuel). Ils sont utiles pour évaluer le processus de développement, mais peu fiables en tant qu’indicateurs d’une précocité intellectuelle ultérieure en partie du fait qu’ils comportent une forte proportion d’épreuves psychomotrices. Or, le développement psychomoteur d’un enfant précoce se situe habituellement en retrait relatif par rapport à son développement intellectuel. Ce n’est qu’à partir de l’âge de 2 ans et demi que les tests de QI peuvent commencer à évaluer de façon valide une précocité intellectuelle. Les tests de Wechsler sont les plus utilisés en France et dans le monde :   WPPSI III. Il comporte deux versions : • l’une s’adresse à des enfants de 2 ans et demi à 4 ans et évalue la richesse du vocabulaire, la capacité de compréhension verbale et la capacité d’analyse et de synthèse de l’espace figuratif et géométrique ; • l’autre s’adresse à des enfants de 4 ans à 7 ans et évalue en plus la capacité de raisonnement verbal et non verbal, la capacité d’abstraction et la maîtrise de l’attention.     WISC IV. Utilisable dès 6 ans et jusqu’à 17 ans, il évalue par 10 subtests différents le développement verbal, culture et intelligence, la capacité d’abstraction verbale et non verbale, l’aptitude au raisonnement analogique, la maîtrise visiospatiale, le contrôle de la mémoire à court terme et de l’attention, et le rythme d’activité. Les tests de QI ne commencent à évaluer de façon valide une précocité intellectuelle qu’à partir de 2 ans. Au-delà du QI, il importe d’analyser le profil de développement car le niveau de réussite est rarement homogène entre les divers secteurs évalués. Les tests sont le seul moyen permettant à un enfant d’exprimer tout son potentiel, car l’école ne lui propose qu’un programme de développement fondé sur la norme. Le QI indique le rang de l’enfant par rapport aux enfants du même âge, mais il est nettement plus fructueux pour les parents et les enseignants de traduire également les résultats en termes de niveau atteint ou d’âge mental dans les divers types d’activités, car une même note standard peut cacher des niveaux de maturité très différents selon les épreuves. Le profil de développement des enfants précoces présente statistiquement certaines particularités qu’il faut connaître pour éviter les erreurs d’interprétation. Ces enfants réussissent mieux les épreuves qui font véritablement appel à l’intelligence, au raisonnement, à la compréhension et à la culture, mais ils sont moins efficients dans les épreuves qui font peu appel à la réflexion. Plus particulièrement, l’épreuve « Code », copie rapide de signes simples, est généralement la moins réussie car, elle fait en plus appel à une maîtrise graphique qui est rarement à la mesure du développement intellectuel. Les tests de QI sont également des tests de personnalité, car ils permettent d’observer le comportement de l’enfant devant les difficultés proposées, sa stabilité, sa persévérance, sa confiance en son potentiel, son plaisir à utiliser son intelligence, sa fatigabilité, sa curiosité intellectuelle, son autonomie. Au-delà du QI, il importe d’analyser le profil de développement.   La dyssynchronie des enfants précoces La dyssynchronie interne Les enfants précoces intellectuellement présentent généralement un rythme de maturation moins rapide dans d’autres secteurs de la personnalité, telles la maturité affective et la maîtrise psychomotrice. C’est ce que l’on nomme la dyssynchronie interne. Ainsi, au coucher, les craintes de l’obscurité sont au moins aussi fréquentes que chez les autres enfants, craintes accentuées par leur forte sensibilité et leur riche imaginaire. De plus, leur intelligence exerce un « effet loupe » sur leur perception de l’environnement et des évènements, ce qui peut amplifier leur inquiétude. Ils sucent leur pouce aussi tard que les autres et ont besoin des mêmes rituels. Ces mêmes enfants, vers 4-5 ans, vont commencer à s’intéresser aux lettres, aux chiffres et à la lecture. Hélas, leur comportement apparemment peu mature en classe va inciter certains enseignants à refuser de prendre en compte leur potentiel intellectuel et leur désir d’apprendre. C’est ainsi que beaucoup d’enfants précoces sont des déçus d’une école dont ils attendaient beaucoup, mais qui ne leur propose qu’une routine creuse et non les apprentissages espérés. Certains vont se résigner discrètement, se désintéresser de l’école, mais d’autres vont heureusement réagir par de l’instabilité, ce qui pourra attirer l’attention sur leur inconfort. Souvent, ces enfants catalogués d’instables en classe deviennent des modèles de stabilité et de persévérance lors des tests, car là, enfin, ils trouvent des activités méritant leur attention et à la mesure de leur potentiel. Certains enfants précoces vont se résigner discrètement, se désintéresser de l’école, alors que d’autres vont réagir par de l’instabilité. Une admission précoce en CP est parfois la réponse adaptée au besoin de comprendre et de connaître de ces enfants. Cependant, dans le cadre de leur dyssynchronie interne, leur maîtrise graphique se situe généralement en retrait relatif par rapport à tous les autres secteurs de compétence, et l’écriture sera leur seul apprentissage moins facile, particulièrement chez les garçons qui n’ont souvent pas la même persévérance que les filles devant un apprentissage qui leur résiste. L’écriture est souvent l’activité la moins bien maîtrisée par ces enfants. La dyssynchronie sociale Les enfants précoces doivent s’intégrer à un contexte social peu adapté à leur norme, ce qui va leur demander un effort d’adaptation particulier. Ainsi, l’école fonctionne selon des normes de développement décalées par rapport à leur rythme de maturation intellectuelle et fait parfois peu d’effort pour répondre à leurs besoins. Cependant, l’Éducation nationale, depuis le rapport Delaubier (2002), a admis l’existence de ces enfants et la nécessité de tenter de leur éviter les difficultés que provoquent les rigidités du système éducatif. Quelques textes incitent à répondre à leur précocité, mais leur application est très inégale selon les écoles. Il faut parfois beaucoup de persévérance aux parents appuyés par leur médecin et leur psychologue pour obtenir une réponse adaptée. L’application des textes en faveur des enfants précoces est très inégale selon les écoles. Un autre aspect de la dyssynchronie sociale concerne les relations avec les autres enfants. Très souvent, les enfants précoces recherchent la relation avec des enfants plus âgés qu’eux pour établir une communication plus équilibrée compte tenu de leur âge mental et de leurs centres d’intérêt. Ils sont parfois rejetés et maltraités par les autres enfants, particulièrement au niveau du collège, et doivent renoncer à exprimer leurs facilités pour payer le prix de leur intégration. Les diverses pressions sociales n’encouragent pas les enfants précoces à exprimer normalement leur potentiel et l’on estime qu’un tiers de ces enfants n’ira pas au Bac, particulièrement ceux d’origine sociale modeste. On estime qu’un tiers des enfants précoces ne va pas jusqu’au Bac. Conclusion Il faut comprendre que la précocité intellectuelle apporte, bien sûr, de grandes facilités, mais aussi des difficultés spécifiques et qu’il faut aider l’enfant à surmonter pour préserver son équilibre. En outre, comme tous les autres enfants, les précoces peuvent éprouver des difficultés d’ordre dyslexique, dysgraphique, dyspraxique, etc., qui peuvent masquer une précocité qui ne pourra être révélée que par les tests.  

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