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Environnement

Publié le 08 jan 2024Lecture 6 min

Tiques et maladies à tiques en expansion : quel risque pour la santé ? Impact du réchauffement climatique et de l'effondrement de la biodiversité

Nathalie BOULANGER, Pharmacien et enseignant-chercheur en parasitologie à l'Université de Strasbourg

Au même titre que les moustiques, les tiques sont en expansion géographique et susceptibles de transmettre des maladies invalidantes, voire dans certains cas mortelles. Les changements climatiques et les pratiques humaines en sont responsables : climat plus doux, hypervégétalisation, expansion de certains grands ongulés sauvages, dont le chevreuil. Bien diagnostiquées, les infections bactériennes associées aux tiques se traitent bien : il n’y a pas d’antibiorésistance. En absence de vaccins pour la plupart des maladies à tiques, la prévention primaire est essentielle.

Les tiques et maladies à tiques sont en expansion à travers le monde suite à des modifications environnementales, socio-économiques et climatiques(1). Dans les zones tempérées de l’hémisphère Nord, c’est la borréliose de Lyme, infection bactérienne due au complexe d’espèces Borrelia burgdorferi sensu lato qui impacte la santé humaine, mais d’autres pathologies sont de plus en plus en émergence car mieux connues et donc mieux diagnostiquées. Ce sont avant tout des zoonoses pour lesquelles l’être humain est un hôte accidentel. Les tiques sont des acariens à la forme globulaire ayant trois stades de développement après l’œuf : la larve (3 paires de pattes, les nymphes et les adultes mâles et femelles [4 paires de pattes]). Elles sont strictement hématophages. Parmi les 900 espèces connues actuellement, on distingue deux grandes familles : les tiques molles ou Argasidés et les tiques dures ou Ixodidés. Les tiques molles comptent environ 200 espèces avec les genres Argas et Ornithodoros. Elles sont surtout actives la nuit et ont des repas sanguins plutôt courts. Les tique dures comptent environ 700 espèces avec les genres Amblyomma, Hyalomma, Ixodes, Dermacentor et Rhipicephalus les plus importants(2). Elles sont plutôt actives dans la journée et ont des repas sanguins longs de 3 à 10 jours environ. Le cycle de vie d’une tique dure plusieurs années, 2 à 3 ans en moyenne.   Quelles tiques en France ?   En France, on trouve trois principaux genres de tiques qui sont susceptibles de piquer l’homme : Ixodes, Dermacentor et Rhipicephalus. La plus répandue dans l’environnement est I. ricinus (figure 1). Figure 1. Tique Ixodes femelle (A) et tique Dermacentor femelle. B : Noter les pièces piqueuses longues et l’écusson noir pour la tique Ixodes et les pièces piqueuses courtes et l’écusson marbré pour la tique femelle Dermacentor.   C’est une tique plutôt forestière que l’on trouve à l’affût sur la végétation ou dans la litière des feuilles, et qui est très sensible à la dessiccation. On la retrouve de plus en plus en zone urbaine et périurbaine. Elle se nourrit sur plus de 300 espèces animales dont les rongeurs, les oiseaux et les ongulés sauvages. La modification des pratiques forestières et des pratiques de chasse favorise largement leur expansion depuis la moitié du XXIe siècle. Le couvert forestier est devenu plus permissif à cette tique et l’expansion des chevreuils est essentielle au maintien des populations de tique(3). La tique Dermacentor, en expansion dans toute l’Europe, peut également piquer l’être humain, surtout les enfants au niveau du cuir chevelu (figures 1 et 2 A). Elle est présente surtout en plaine dans des espaces ouverts hypervégétalisés. Ce sont majoritairement les adultes qui piquent. Enfin, R. sanguineus, la tique du chien, peut également piquer. Son agressivité vis-à-vis de l’homme augmente avec la chaleur. Elle est surtout présente sur le pourtour méditerranéen. Figure 2. Les piqûres les plus fréquentes. A : femelle Dermacentor dans le cuir chevelu d’un enfant. B : nymphe Ixodes ricinus.   Quelles maladies à tiques craindre pour l’être humain ?   La tique I. ricinus est la plus à craindre car les nymphes de petite taille passent souvent inaperçues (figure 2 B) et sont uniformément répandue dans l’environnement. Elle transmet avant tout des bactéries dont celle de la borréliose de Lyme (B. burgdorferi) avec 10 à 20 % des tiques infectées, mais également de l’anaplasmose (Anaplasma phagocytophilum ; 1 à 2 % des tiques positives), d’une fièvre récurrente (Borrelia miyamotoi ; 1 à 2 % des tiques positives) et de la neoerhlichiose (Neoerhlichia mikurensis ; 2 à 10 % des tiques infectées). I. ricinus peut aussi transmettre un parasite, Babesia spp. et un virus, celui de l’encéphalite à tique. La borréliose de Lyme induit le plus souvent un érythème migrant au point de piqûre (80 % des patients) et sans fièvre, alors que les autres agents infectieux induisent une fièvre et d’autres symptômes plus spécifiques(ref). Il est également à noter que pour les autres pathologies disctinctes de la borréliose de Lyme, le statut immunitaire (immunodépression au sens large) est un facteur favorisant. Concernant Dermacentor et Rhipicephalus, ces deux tiques sont susceptibles de transmettre des bactéries du genre Rickettsia(4) avec au point de piqûre une escarre d’inoculation associée à une lymphadénopathie cervicale (Dermacentor et R. slovaca ou R. raoulti) (figure 2 B) et une possible éruption cutanée (Rhipicephalus et la fièvre boutonneuse méditerranéenne – R. conorii)(5). La doxycycline traite bien les infections bactériennes associées aux tiques chez l’adulte ; l’amoxicilline est utilisée chez l’enfant(6), mais il convient de faire le bon diagnostic et les différencier des infections virales (virus TBE) et parasitaires (Babesia).   Comment se protéger des piqûres de tiques ?   Les tiques sont actives dès que la température dépasse 7 °C, et elles ont leur pic d’activité maximum d’avril à juin. Le moyen le plus simple et le plus efficace est le port de vêtements couvrants et chez les enfants du port d’un chapeau, non pas parce que les tiques tombent des arbres mais parce que certaines tiques adultes sont retrouvées assez haut sur la végétation et piquent donc plus facilement les enfants au niveau du cuir chevelu. Au retour de la promenade, l’examen corporel minutieux est également très important sans oublier le cuir chevelu, les organes génitaux, le nombril, les oreilles et les plis. L’extraction rapide est essentielle car pour les bactéries et les parasites, un délai d’environ 24 h est nécessaire pour la transmission (maturation de l’agent infectieux dans la tique), alors que les virus sont transmis immédiatement(7). En cas de piqûre, utiliser un tire-tique ou mieux une pince fine et prendre la tique à sa base et tirer. Si elle est fixée depuis peu, l’extraction est facile, parfois une résistance peut apparaître car autour des pièces piqueuses, la salive de tique se solidifie, ce qui complique l’extraction. Si les pièces piqueuses restent, ne pas triturer la plaie, le système immunitaire de la peau résorbera le petit nodule qui se formera. Bien désinfecter et se laver les mains. Il faut ensuite surveiller le point de piqûre pendant un mois, au cas où un érythème migrant apparaît (au moins 5 cm de diamètre et d’extension progressive ; apparition entre 3 et 30 jours environ). Le différencier d’une réaction à la salive de tique où dans ce cas, il existe bien une rougeur mais elle n’est pas extensive. Si des maux de tête apparaissent ou une fièvre, il faut consulter pour pratiquer des examens plus approfondis. À noter également, que le virus de l’encéphalite à tique est en expansion en France (L’encéphalite à tiques - Santé publique France : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-prevention-vaccinale/encephalite-a-tiques), il est maintenant présent dans les régions Grand-Est et Ardèche Rhône-Alpes. Il existe une vaccination efficace. L’utilisation des répulsifs cutanés est possible mais ne pas oublier que ce sont des substances chimiques qui passent la barrière cutanée. Chez l’enfant, il convient d’évaluer le bénéfice/risque et de suivre en cas d’utilisation les recommandations officielles (BEH-Conseils aux voyageurs) qui sont actualisées annuellement. À noter également, que l’imprégnation vestimentaire à base de perméthrine n’est plus recommandée en France (Recommandations sanitaires 2023 pour les voyageurs : https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=1314).   Conclusion   Les tiques sont présentes dans nos environnements, forestiers aussi bien qu’urbains et péri-urbains. Avec les modifications climatiques, leur répartition géographique change de même que leur période d’activité. La borréliose de Lyme est la plus fréquente en France avec environ 50 000 cas par an. Toutes ces maladies se préviennent avec des vêtements couvrants et un examen corporel minutieux au retour d’une promenade où les tiques deviennent de plus en plus omniprésentes. Il faut savoir cohabiter avec cette nouvelle biodiversité.

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