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Environnement

Publié le 23 jan 2024Lecture 7 min

Menaces environnementales et périnatalité - Quels conseils proposer aux futurs et jeunes parents ?

Claire SUNYACH(1) et coll.*, Pôle Parent-Enfant, hôpital de la Conception, Assistance publique hôpitaux de Marseille

Les fœtus, les jeunes enfants et les adolescents sont particulièrement sensibles aux agressions environnementales. Les obstétriciens, les sage-femmes, les pédiatres et les personnels en charge de jeunes enfants ont donc besoin de connaissances pour définir les expositions prioritaires. Il est possible de proposer des recommandations pour incorporer ces notions dans la pratique clinique. Nous faisons ici un point – non exhaustif – sur les expositions domestiques et les conseils que l’on peut proposer aux couples ayant un désir de grossesse, aux femmes enceintes et aux jeunes parents pour les diminuer lorsque cela est possible.

Depuis de très nombreuses années, scientifiques, personnels soignants, associations et médias attirent l’attention sur les risques que fait courir notre mode de vie sur notre santé et notre environnement. Nous sommes exposés à de nombreux facteurs physiques ou chimiques, le plus souvent de façon chronique et tout au long de la vie, ce que l’on résume sous la notion d’exposome(1). Un large corpus de données scientifiques indique que ces expositions, que l’on peut qualifier d’environnementales sont un déterminant important de la santé physique et psychique d’un individu. Des expositions précoces (préconceptionnelles, in utero et dans la petite enfance) peuvent affecter négativement la fertilité, la grossesse et le développement fœtal. Des conséquences néonatales, infantiles puis à l’âge adulte ont été rapportées avec potentiellement des effets multigénérationnels. Si nous sommes sensibles à ces facteurs tout au long de la vie, les 1 000 premiers jours – de la période périconceptionnelle aux 2 ans de l’enfant – représentent une période d’extrême vulnérabilité. Les expositions au cours du développement embryonnaire, foetal et chez le jeune enfant impactent la santé à l’âge adulte. C’est le concept de l’origine développementale de la santé et des maladies(2) (DOHAD, en anglais). Des molécules potentiellement toxiques sont le plus souvent détectées à très faible concentration dans de nombreux objets d’utilisation courante mais l’effet cocktail de ces produits reste très difficile à évaluer.   Expositions environnementales   L’exposition aux produits chimiques et à certains agents physiques, ayant des propriétés de perturbation endocrinienne ou non, potentiellement reprotoxiques ou neurotoxiques, est particulièrement préoccupante. Ils sont présents dans les écosystèmes et les environnements domestiques. Les voies d’exposition de la femme enceinte et du jeune enfant sont respiratoires, digestives et cutanées (figure 1). Figure 1. Schéma conceptuel de l’exposition des femmes enceintes et des jeunes enfants aux agents toxiques environnementaux.   Lieu de vie : pollution de l’air et de l’eau Beaucoup de régions françaises présentent une pollution atmosphérique qui dépasse les seuils de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de nombreux jours de l’année. Les facteurs déterminant la qualité de l’air sont principalement l’industrialisation, le trafic routier, aérien et maritime, les exploitations agricoles, etc. Les facteurs météorologiques, géologiques, les incendies participent également à la dégradation de la qualité de l’air à laquelle les populations sont exposées. Le dérèglement climatique majore le plus souvent cette dégradation. Récemment, ces notions ont été remises dans le contexte de la santé reproductive et la Fédération internationale des gynécologues obstétriciens s’est jointe à une large coalition de chercheurs internationaux et de la communauté médicale en affirmant que la crise climatique actuelle présente un risque pour la santé des femmes enceintes et de leur fœtus en développement(3). De plus, la plupart des polluants incriminés sont retrouvés dans les écosystèmes aquatiques et les nappes phréatiques via le cycle de l’eau. Les actions à mener pour diminuer ces facteurs relèvent majoritairement des pouvoirs publics. Cependant les professionnels de la périnatalité ont leur rôle à jouer(4,5).   Habitus : air intérieur Au quotidien, nous sommes exposés à des contaminants chimiques en raison de nos habitudes de vie. L’exposition et les conséquences de l’alcool, du tabac et du cannabis sur les femmes enceintes et leur fœtus sont connues et prises en compte dans la pratique clinique. Le tabagisme passif et les autres facteurs de dégradation de la qualité de l’air intérieur sont moins systématiquement pris en considération. Or, les habitudes domestiques telles que le tabagisme de l’entourage, le vapotage, l’utilisation de produits d’entretien, de parfums d’intérieur, de bougies, d’huiles essentielles, d’insecticides, de produits de bricolage, et de certains matériaux d’ameublement dégradent eux aussi la qualité de l’air intérieur. Ces considérations sont importantes à deux titres : certaines familles passent une grande partie de leur temps à l’intérieur et les modifications de certaines pratiques peuvent sans trop de contraintes contribuer à l’amélioration de la qualité de l’air respiré dans les lieux clos.   Alimentation maternelle et du jeune enfant L’alimentation et les modes de préparation sont des déterminants importants de l’exposition à de nombreux polluants environnementaux dès la grossesse et pendant la petite enfance. La nourriture ultra-transformée contient des excès de sucres, de graisses et de conservateurs, dont les effets sont en partie connus. Les produits fumés ou grillés contiennent des hydrocarbures aromatiques polycycliques. La friture produit de l’acrylamide. Les emballages et leur utilisation pour le chauffage des aliments sont responsables de la contamination par des phtalates, des phénols, le PFOA (acide perfluorooctanoïque) et le PFOS (sulfonate de perfluoro-octane). Certains fruits et légumes peuvent contenir des traces de pesticides. Des métaux lourds peuvent être présents dans certains poissons. Les ustensiles de cuisine antiadhérents lorsqu’ils sont en mauvais état libèrent des composés perfluorés (PFOS et PFAS) (figure 1). Les plats traditionnels décorés ou les poteries peuvent libérer du plomb. Certaines molécules sont retrouvées dans le lait maternel, ce qui pourrait entrer dans les critères de choix du mode d’allaitement. Cependant, il est important de garder en tête que de nombreux contaminants chimiques sont présents également dans les laits animaux entrant dans la formulation des préparations pour nourrisson(6). La supériorité du lait maternel avec sa composition unique et vivante ne doit pas être remise en cause. L’allaitement maternel reste donc le mode d’allaitement recommandé par l’OMS.   Produits d’hygiène et de soins, produits cosmétiques, objets de puériculture, jouets et vêtements Les femmes enceintes peuvent avoir tendance à utiliser plus de produits cosmétiques en raison de modifications physiologiques de la peau. L’utilisation de produits de maquillage traditionnels peut exposer au plomb. Chez les nouveau-nés et les jeunes enfants, les lingettes, dont la composition est controversée, restent très utilisées. Certaines études indiquent que l’exposition des enfants de moins de 3 ans via les produits cosmétiques est plus élevée que chez les adultes(7) en raison entre autre de l’immaturité de leur peau. Les jouets portés à la bouche peuvent également exposer à certains agents toxiques, dont des plastifiants. De même, certains vêtements exposent à des traces intentionnelles ou non de pesticides, retardateurs de flammes ou plastifiant(8).   Impacts sur les déroulements et issues de grossesse   Un nombre croissant d’études rapporte l’association de certains facteurs environnementaux avec l’augmentation du risque de survenue de complications obstétricales. Ainsi, la pollution atmosphérique, l’exposition professionnelle aux solvants organiques ou aux pesticides, les perturbateurs endocriniens présents dans notre vie quotidienne augmenteraient le risque d’hypertension gravidique, de prééclampsie, de petite taille pour l’âge gestationnel, de malformations congénitales, de fausses couches précoces et de naissances prématurées(9,10), ainsi que les complications néonatales qui leurs sont associées.   Impacts sur les nouveau-nés et les jeunes enfants Les perturbateurs endocriniens revêtent une importance particulière pour les pédiatres. Chez les enfants, l’absorption cutanée ajustée au poids corporel est plus importante que celle des adultes. Le métabolisme de certains xénobiotiques est différent de celui des adultes en raison d’une immaturité enzymatique. Du fait de leurs besoins importants en lipides, les nourrissons sont particulièrement exposés aux perturbateurs endocriniens liposolubles. De plus, les jeunes enfants passent du temps au sol et portent des objets à la bouche. En conséquence, ils sont plus sensibles que les adultes aux contaminants de l’environnement. Ainsi, les en ants exposés présentent des risques augmentés de certains cancers pédiatriques, de diabète, d’obésité, de maladies respiratoires, de maladies thyroïdiennes, de troubles de la puberté, de troubles de l’appareil reproducteur, de changements neurologiques et comportementaux(8).   Prévention et conseils   En réponse, plusieurs sociétés savantes, médecins et scientifiques ont proposé des recommandations visant à limiter les expositions environnementales. Ainsi lors des consultations préconceptionnelles, prénatales et pédiatriques, il est possible de diriger l’interrogatoire afin d’identifier les expositions principales et de proposer des actions simples de prévention(9). Elles sont largement transposables à la période néonatale et infantile (tableau et encadré). Des recommandations spécifiques concernant l’utilisation de produits cosmétiques par les femmes enceintes et allaitantes ont été proposées par le Collège national de sage-femmes de France(7) (encadré). FCS : fausse couche spontanée ; RCIU : retard de croissance intra-utérin. *Afrique, Moyen-Orient, Asie du sud-est, Antilles, Europe de l’est.   En conclusion, on retiendra   La grossesse et la petite enfance sont des fenêtres de sensibilité aux agressions environnementales mais aussi une période d’opportunité de changements destinés à diminuer ces expositions. En conseillant les couples dès le désir d’enfant et tout au long des 1 000 premiers jours, les professionnels de santé ont une chance de limiter les impacts de l’environnement sur la santé. Ces conseils de prévention doivent faire partie du suivi de grossesse et être relayés à la sortie de la maternité. Les effets des expositions environnementales étant majorés par les inégalités sociales et la précarité, il convient également d’être particulièrement attentif aux populations fragiles. L’ensemble de ces petits gestes pourraient contribuer à la préservation des écosystèmes et de la biodiversité.   * Pôle Parent-Enfant, hôpital de la Conception, Assistance publique hôpitaux de Marseille 1 Plateforme CREER (Couple, reproduction, enfant, environnement et risque), soutenue par l’ARS PACA et la région Sud

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