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Cas cliniques

Publié le 23 fév 2009Lecture 7 min

Un adolescent un peu gros…

D. ARMENGAUD - CHI de Poissy/Saint-Germainen Laye
Dominique est un garçon de 13 ans, régulièrement suivi par son médecin traitant, notamment chaque année pour un certificat d’aptitude au sport. À l’occasion de cet examen annuel, il est constaté une prise de poids importante avec une majoration du BMI alors que ni ses habitudes alimentaires ni ses activités physiques ne semblent avoir été significativement modifiées.
Histoire clinique Dominique est le quatrième enfant d’une fratrie de quatre garçons. Dans ses antécédents personnels, on note un syndrome de la jonction pyélo-urétéral gauche opéré à l’âge de 6 mois et une pneumopathie à pneumocoque 2 ans auparavant. Il est scolarisé en 4e sans problème particulier. Alors qu’à 12 ans il pesait 38 kg (+ 0,5 DS) pour une taille de 142 cm (– 0,5 DS), il pèse désormais 48,5 kg pour une taille de 144 cm ; devant le caractère « évolutif » de cette prise de poids, il est adressé en consultation.   Figure 1 : Courbes de croissance staturopondérale au diagnostic. Ce jeune homme ne se plaint d’aucun trouble particulier si ce n’est une fatigabilité à l’effort qu’il attribue lui-même à sa prise de poids. La reconstitution de sa courbe de croissance et de BMI confirme une progression rapide, de 18,9 (> 75e percentile) à 23,4 (> 97e percentile). La puberté est en cours (A2, S2 [adipomastie]), P3), avec une augmentation de la taille de la verge et des testicules mesurés à 25 mm. Il n’y a pas d’acné, pas d’éruption, pas d’Acanthosis nigricans. L’examen somatique est par ailleurs sans particularité, l’auscultation cardio-pulmonaire est normale, la pression artérielle à 105/60 mmHg. Il n’y a pas d’hépato- splénomégalie. L’examen neurologique est normal.   Discussion  La prise de poids de ce jeune adolescent est effectivement inhabituelle par son caractère récent et par l’absence d’une alimentation anarchique ou excessive à l’interrogatoire. Le caractère inadapté de l’alimentation est souvent difficile à mettre en évidence du fait d’une négation habituelle de l’enfant ou de ses parents.  En fait, c’est surtout la mise en évidence d’une inflexion de la courbe staturale, sur la courbe de croissance reconstituée (figure 1), qui doit alerter, car cette association n’est pas banale et rarement fortuite. En effet, dans les cas d’obésité commune, la croissance est toujours normale, ou un peu supérieure au couloir « cible » ; cela reste le meilleur argument orientant vers une origine « comportementale » (excès d’alimentation, déficit d’activité).  Il pourrait s’agir d’un retard pubertaire « simple » du garçon — la vélocité de croissance reste constante, ou s’infléchit un peu, comparée aux enfants de son âge, entraînant un changement progressif de couloir ; mais, dans le cas présent, la puberté est amorcée, comme l’atteste la taille des testicules > 20 mm.  En fait, l’augmentation du BMI (P/T2) semble remonter à plus de 18 mois et paraît plus en rapport avec une faible augmentation de la taille qu’avec une forte augmentation du poids… C’est donc plus ce retard de croissance qu’un excès pondéral qu’il convient d’investiguer ; il faut ainsi évaluer les différents systèmes hormonaux, dont la synergie est nécessaire à la puberté. Explorations et hypothèses hormonales  Un déficit en GH peut se manifester à tout âge, mais en période pubertaire, il peut être seulement « fonctionnel », notamment dans un contexte de retard pubertaire (ce qui n’est pas le cas ici), ou dans le cadre de troubles nutritionnels graves (dénutrition, obésité morbide). Le dosage de l’IGF1 peut être, par sa normalité, rapporté à l’âge et au stade pubertaire, un premier élément d’orientation. IGF1 : 376 ng/ml.  Une hypot h y r o ï d i e , en rapport à cet âge avec une thyroïdite plutôt qu’avec un trouble de l’hormonogenèse, est écartée : il n’y a pas d’anomalie à l’examen de la loge thyroïd i e n n e e t l e bilan thyroïdien demandé i n f i r m e r a l e d i a g n o s t i c ( T S H u l t r a - sensible normal à 1,22 mUI/l [0,10-3,50]) ; l ’ â g e osseux e s t é v a l u é à 12,5 ans.  Un déficit en hormones sexuelles d’origine centrale (hypogonadisme hypogonadotrophique) ou périphérique (dysgénésie gonadique) ou séquellaire d’une pathologie antérieure (hernie, torsion, chimiothérapie…). Mais la normalité de l’examen clinique des organes génitaux et le développement pubertaire en cours sont rassurants.  Il faut aussi savoir s’interroger sur d’autres stéroïdes, comme les glucocorticoïdes, qui interviennent sur la croissance. Leur effet freinateur est bien connu, le plus souvent en rapport avec une corticothérapie au long cours, justifiée par une maladie chronique connue (et ici absente), ou par une sécrétion excessive dont l’origine peut être périphérique (surrénalienne) ou centrale (hypophysaire). Une évaluation de la sécrétion du cortisol est impérative avec le dosage de la cortisolémie effectuée le matin à 8 h et surtout de la cortisolurie des 24 heures. La cortisolémie se révèlera à deux reprise normale à 471,6 et 670,2 nmol/l (N : 154-797), mais la cortisolurie des 24 heures est retrouvée à 877 nmol/24 h (N < 83), soit 10 fois la normale, confirmant un hypercortisolisme (maladie ou syndrome de Cushing).   Autres explorations   Figure 2. TDM abdominal sans injection (a) et avec injection (b) : absence de syndrome tumoral abdominal ou surrénalien. Un scanner abdominal est rapidement réalisé ; il ne met pas en évidence de tumeur au niveau des loges surrénales (figure 2). L’adolescent est adressé en service d’endocrinologie pédiatrique où seront effectués les tests endocriniens de freination. L’origine centrale de ce syndrome de Cushing sera démontrée par : − un cycle circadien de la cortisolémie aboli ; − une sécrétion partiellement diminuée au test de freinage fort à dexaméthasone ; − une absence de modification de la sécrétion sous test de stimulation au CRH, confirmant « l’autonomie » de la sécrétion ; − une absence d’anomalie des fonctions thyréotrope, somatotrope et surrénalienne (corticostéroïdes). La réalisation d’une IRM céphalique (figure 3) mettra en évidence une formation nodulaire donnant un hyposignal en T1 au niveau de l’aileron hypophysaire gauche, de 5 mm de diamètre (micro-adénome), se rehaussant moins que le parenchyme hypophysaire après injection de gadolinium.    Figure 3. IRM avec injection de gadolinium (a) : absence de renforcement au niveau de la zone suspecte, en faveur d’un micro-adénome hypophysaire (maladie de Cushing) ; séquence T1 (b) : aspect hétérogène de l’hypophyse avec une zone arrondie donnant un hyposignal.     Figure 4 : Courbes de croissance SP 1 an après le diagnostic (7 mois après l’intervention). Suite et évolution L’ablation de l’adénome sera effectuée par voie transphénoïdale, permettant l’exérèse d’un micro-adénome corticotrope de 5 mm de diamètre situé dans l’aileron hypophysaire gauche, avec nécessité de résection d’une petite portion de post-hypophyse pour que l’exérèse soit considérée comme complète. L’étude histologique et en immuno-histochimie confirmera le caractère corticotrope de l’adénome à l’origine de cette maladie de Cushing. Les suites opératoires seront simples, sans fuite de LCR ni diabète insipide. Un traitement substitutif sera mis en place par hydrocortisone (25 mg/m2/j) pour être ensuite progressivement diminué (10 mg/m2/j) à 1 mois postopératoire. Quatre mois après l’intervention, le poids est de 47,5 kg (– 4 kg), la taille de 146,5 cm (+ 1,5 cm) ; le développement pubertaire se poursuit (A3 [adipomastie], P4, testicules à 35 mm) et le bilan endocrinien effectué retrouve : − un taux d’IGF1 normal à 1337 μg/ml, mais un pic de sécrétion de GH sous glucagon limite à 16,7 mUI/ml (déficit partiel), faisant décider un traitement par hormone de croissance ; − un déficit thyréotrope persistant nécessitant une compensation par L thyroxine (50 μg/j) ; T4 8,71 pmol/l avec TSH 1,91 mU/l ; − une insuffisance c o r t i c o t r o p e nécessitant le maintien d’une hormonothérapie substitutive d’hémisuccinate d’hydrocortisone de 10 mg x 2/j ; − une testostéronémie normale à 2,80 ng/ml. Sept mois après l’intervention, la taille était de 151,5 cm pour un poids de 45 kg (figure 4).

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