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Néonatologie

Publié le 19 fév 2009Lecture 13 min

Rôle du pédiatre libéral dans le suivi du nouveau-né à risque

L. CRET - Bagnols-sur-Cèze

Nombre d’anciens prématurés ont besoin d’être régulièrement suivis. Cela a conduit à la création des réseaux ville-hôpital. Le pédiatre libéral se trouve naturellement placé comme acteur important de ces réseaux. Cet article fait le point sur le rôle joué par les pédiatres libéraux dans les réseaux ville-hôpital français.

Pourquoi le pédiatre de ville doit-il participer au suivi des nouveaux-nés à risque La mise en place du suivi structuré et à long terme des nouveau-nés à risque est préconisée par le rapport de la « Mission périnatalité » remis en septembre 2003. En effet, après les études britanniques Épicure 1 et 2 en Grande Bretagne, l’enquête Epipage (1), coordonnée par l’Unité 149 de l’Inserm à partir de 1997, dans neuf régions de France, dont le Languedoc-Roussillon, sur l’avenir des anciens prématurés, montre qu’un nombre non négligeable de ces enfant présentent des incapacités dont le diagnostic et la prise en charge n’ont pas été assez précoces (2). D’autres travaux menés également en France sur le devenir cognitif de ces enfants (3,4) montrent une diminution des performances intellectuelles et attentionnelles des anciens prématurés indemnes de handicap neurologique et plaident pour leur suivi systématique. Celui-ci doit s’accompagner d’une prise en charge précoce des enfants à problème (5). Enfin, des enquêtes s’intéressant au vécu des parents au sortir de l’unité de soins de néonatologie, dans le cadre de l’enquête Epipage (6), ou 2 ans après le séjour en réanimation néonatale dans l’enquête du CRES en Languedoc- Roussillon en 2003 (7), montrent les difficultés des familles à s’organiser pour les soins de leur enfant, et leur besoin de pouvoir s’adresser à un référent « pilote » unique pour le suivi. • Le nombre d’enfants à suivre est important : 1 200 enfants par an (4,4 % des 27 000 naissances) en Languedoc- Roussillon, ce nombre se cumulant au fil du suivi. Dans cette cohorte sont inclus : les prématurés répartis en 3 sous- groupes : ≤ 29 SA ; 29-32 SA ; ≥ 32-36 SA ; les RCIU (– 2DS) ; les nouveau-nés à terme avec anoxie périnatale sévère (sévérité clinique et/ou EEG) ; les nouveau-nés issus de grossesse triple ; les jumeaux (si l’un des deux est décédé) ; les porteurs de malformations de la face et/ou du SNC ; les enfants atteints de foetopathie infectieuse, alcoolique, toxique, de handicap sensoriel (visuel et/ou auditif), et d’anomalies génétiques. • La durée de la surveillance doit être de 6 à 8 ans selon les équipes, en général après le début des apprentissages fondamentaux à l’école primaire. • Les familles souhaitent recevoir des soins proches de chez eux. Ces constats ont naturellement conduit à la création de réseaux de soin ville-hôpital impliquant les médecins libéraux et la PMI.  Le pédiatre libéral se trouve naturellement placé comme acteur important de ces réseaux : – il a la compétence et l’expérience du suivi du développement de l’enfant sur le plan neurologique, physique et pyscho-intellectuel, des dépistages sensoriels et de l’accompagnement de l’enfant et de sa famille dans son environnement ; – il offre une prise en charge de proximité ; – il a la capacité de suivre ces enfants à long terme et de dépister en particulier les troubles des apprentissages pour lesquels ces enfants sont à risque. Cette compétence dans le suivi des anciens prématurés n’était jusque-là pas bien reconnue. Pourtant un grand nombre de pédiatres de ville ont été volontaires (par exemple : la moitié des pédiatres en Languedoc- Roussillon). Les médecins généralistes, quant à eux, ont une place limitée au sein de ces réseaux : soit ils se sont peu impliqués dans les formations (moins de 5/140 en Pays de Loire), soit, bien que formés et membres du réseau, ils ne suivent que très peu de patients (30 pour 46 MG formés en Bourgogne sur les 17 premiers mois de fonctionnement du réseau), soit ils n’y ont pas été invités.  La surveillance par la PMI a également une place importante, en particulier pour les familles qui ont besoin d’une intervention à domicile et pour les bébés dont le suivi risque d’être compliqué par des difficultés sociales ou culturelles. La PMI doit faire appel à des médecins également formés.   Implication des pédiatres libéraux dans les réseaux   Acteurs de la création des réseaux   Les pédiatres libéraux se sont impliqués dans l’élaboration des réseaux, certains sont membres des « comités de pilotage » à l’origine de la constitution des réseaux. Ainsi, en Languedoc-Roussillon, ils ont participé : – à l’évaluation des besoins de la Région et à l’élaboration des chartes familles et professionnels ; – à la définition des populations à suivre ; – au choix des calendriers, des outils du suivi et des critères d’évaluation du réseau. Ils ont aussi travaillé sur le dossier de demande de dotation régionale des réseaux (DRDR). De même, les réseaux « Grandir Ensemble en Pays de Loire », de Bourgogne, de Toulouse (réseau d’aval du Réseau Maternip), le « Réseau pédiatrique du Sud et Ouest francilien » , le réseau grenoblois « Naître et Devenir »,« Naître et Devenir » en PACA Ouest, ont eux aussi bénéficié de la participation plus ou moins importante des libéraux. La présence de praticiens libéraux est requise, par définition, dans le fonctionnement des réseaux villehôpital. Le financement par les DRDR permet d’obtenir les moyens humains et matériels nécessaires à la coordination et la logistique. Des dossiers pour obtention de fonds d’amélioration de la qualité des soins de Ville (FAQSV) ont été montés par les pédiatres de ville au nom de leurs associations, pour le cofinancement, notamment pour la formation des professionnels du réseau. Par exemple, le FAQSV obtenu en Languedoc-Roussillon au nom de l’Association de pédiatrie ambulatoire du Languedoc-Roussillon (APAL-R) a permis la formation sur 2 ans de 200 praticiens hospitaliers, libéraux, des centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) et de PMI. Les DRDR ou les FAQSV financent les « prestations dérogatoires », c'est-à-dire les rémunérations des libéraux du réseau, qui peuvent parfois être un sujet de blocage dans la mise en place effective du réseau. Les associations de pédiatres libéraux ont une expérience importante dans la FMC. Acteurs de la formation des pédiatres Les pédiatres libéraux ont organisé la formation des participants au réseau. Les associations de pédiatres libéraux ont en effet acquis l’expérience de la FMC. En Languedoc- Roussillon, après le choix de l’utilisation de l’évaluation neurologique avec la grille d’examen de C. Amiel Tison et J. Gosselin(8), l’APAL-R a proposé, organisé et permis de financer le programme de formation de 200 professionnels : en 2006, 5 journées de formation dont 2 avec l’équipe du Dr C. Amiel-Tison ; en 2007, 2 journées de « rappel » sur l’examen neurologique ; en 2008, la formation a concerné l’utilisation par les médecins des « questionnaires parentaux ». En Bourgogne, un CD-Rom de formation a été financé par un FAQSV demandé par l’AFPA. À Grenoble, la formation pédiatrique grenobloise est également organisatrice des formations.   Après la mise en place du réseau  Médecin « pilote » ou « référent » Les réseaux fonctionnent avec un médecin « pilote » ou « référent » qui réalise les examens à des dates définies, s’assure de la réalisation des examens complémentaires, propose une prise en charge ou oriente vers une consultation de recours s’il détecte un problème. Le médecin pilote n’est pas le médecin traitant de l’enfant. Les pédiatres libéraux suivent entre 0 et 50 % (réseau PACA Est) des nouveau-nés inclus dans le réseau. Le médecin pilote occupe une place soit équivalente à celle du pédiatre hospitalier (Pays de Loire), soit dans un programme d’alternance (Grenoble), soit, le plus souvent, à côté des médecins de PMI, à un « niveau de risque » différent, comme par exemple en Languedoc-Roussillon (tableau 1).      Les obligations des membres du réseau Ces obligations sont : – la signature de la charte ; – le suivi de la formation ; – l’utilisation du dossier papier du patient (dupliqué ou tripliqué) laissé en possession des parents (PACA) ou du médecin, ou de fiches de retour (LR) (à l’avenir, il est prévu d’informatiser les documents) ; – le respect du calendrier établi pour le suivi (tableau 2) ; – l’emploi des outils prévus (tableau 3) ; – la communication des examens effectués. Le patient est informé de l’intérêt et de la nécessité du suivi au sortir de l’unité de soins niveau III (ou II), il signe la charte et choisit son médecin « référent » sur la liste qui lui est fournie. La moitié des pédiatres de ville ont souhaité faire partie de ces réseaux. Ce choix d’un médecin libéral, proposé à la sortie des unités de soins, n’a apparemment pas posé de problème de confraternité. Le premier rendez-vous est généralement pris avant la sortie de l’enfant. Le cahier de suivi peut être ou non dans les mains de la famille, cela pourra éventuellement poser un problème lors du passage à l’informatique.      Lorsque l’enfant est vu au cabinet Un créneau horaire particulier doit lui être réservé, d’au moins une demi-heure, au mieux 45 minutes. Le droit légitime à indemnisation de cet acte en raison de la compétence requise, de l’exhaustivité de l’examen et du temps passé n’est pas toujours reconnu. La rémunération à l’acte est variable (de 0 à 60 €) (tableau 4) ; elle est perçue par l’intermédiaire du réseau, en général versée annuellement en sus des honoraires habituels ; dans certains réseaux, l’acte est gratuit pour le patient.   Est-ce que cela fonctionne ? Globalement, les rapports avec le réseau ne posent pas de problème de fonctionnement au quotidien dans le transfert des données et les relances. Des conflits sont possibles au fil du temps s’il y a un problème de ressources ou s’il s’installe une lassitude dans la gestion de la politique du réseau. Dans certains secteurs géographiques où les hospitaliers ont un peu de mal à « déléguer », la motivation des libéraux diminue. Les rapports entre libéraux et hospitaliers ne sont pas toujours faciles, car il peut exister de la méfiance au départ des deux côtés : les pédiatres ont peur d’être « utilisés » par l’hôpital ; ceux qui n’exercent pas en maternité craignent que les enfants ne leur soient pas adressés, même s’ils habitent dans leur secteur géographique. Le fonctionnement des réseaux ville-hôpital nécessite de préserver la motivation des pédiatres libéraux. Ces relations se sont améliorées grâce à la compétence des libéraux en matière de FMC, et à leur possibilité d’obtenir des financements. Les mois et les années de collaboration à l’élaboration des projets ont également permis d’établir de meilleures relations. Trois contextes différents apparaissent dans la plupart des réseaux : – les secteurs hospitaliers qui « jouent le jeu » et laissent le suivi des enfants à risque au secteur libéral en fonction des protocoles établis. Cela permet à certains pédiatres isolés du CHU de suivre jusqu’à 60 patients du réseau ; – les secteurs qui continuent à suivre tous les nouveau-nés à risque ; cela posera à court terme un problème de saturation des consultations et démotive les pédiatres formés ; – les secteurs intermédiaires déléguant partiellement le suivi. Le suivi alterné pratiqué dans certains réseaux (Grenoble) pourrait être une solution en déchargeant l’hôpital de certaines consultations et en organisant une bonne coopération ville-hôpital.   Intérêt de ce suivi au cabinet du pédiatre libéral   Avantages pour le patient   Le principal avantage pour le patient est la proximité, avec la possibilité d’avoir affaire à un pédiatre formé et compétent qu’il a parfois déjà rencontré, qui connaît son médecin traitant (pédiatre ou généraliste) et auquel il peut avoir recours plus facilement. Le suivi global de l’enfant et de son entourage permet de mieux déceler les difficultés des parents et les dysfonctionnements familiaux et sociaux. Les parents ayant bien compris le programme de la surveillance s’astreignent mieux aux visites ; ils voient l’importance du développement et des acquisitions de leur enfant. L’annonce de la découverte d’un problème est moins difficile, car les parents savent que le but du suivi est la prise en charge précoce de leur enfant. L’utilisation des moyens locaux est prioritaire pour les examens complémentaires et les prises en charge qui peuvent être indiqués. Le pédiatre peut travailler en liaison avec la PMI et les services sociaux, qui apporteront éventuellement le soutien et les aides nécessaires, notamment à domicile. Enfin, si les liens tissés au départ avec l’unité de soins sont étroits, il apparaît, pour le suivi prolongé, que les familles préfèrent être vues plus près de chez elles ; surtout lorsque l’enfant atteint 2 à 3 ans. Par exemple en Région PACA, avant 2 ans, deux tiers des enfants sont suivis à l’hôpital, alors qu’après 2 ans, deux tiers sont suivis en dehors. Avantages/inconvénients pour le pédiatre La principale difficulté pour le pédiatre est de gérer le temps à consacrer à ces enfants : 30 à 45 minutes par consultation ; tout le monde a connu le cas de paires de jumeaux qui manquent leur rendez-vous… Le pédiatre rencontre également des difficultés avec les familles posant des problèmes sociaux, les familles vulnérables, notamment monoparentales et les très jeunes parents, qui risquent de se déplacer et de quitter le réseau. Le pédiatre a en revanche la possibilité : – de dépister précocement des anomalies mineures qui sont habituellement confiées directement en rééducation ; – de découvrir des anomalies plus importantes du développement qui sont habituellement adressées aux consultations de recours ; En Languedoc-Roussillon, ce recours est prévu auprès des CAMSP (Centres d’Action Médico- Sociale Précoce) qui sont relativement nombreux dans la Région. Les pédiatres libéraux participant aux réseaux ont globalement amélioré leur pratique. Conclusion Malgré certaines difficultés, les pédiatres, qui ont bénéficié des formations et qui participent aux réseaux, sont unanimes pour affirmer que cela a amélioré globalement leur pratique. Cela a été particulièrement ressenti en Languedoc-Roussillon après les formations à l’examen neurologique des Drs C. Amiel-Tison et J. Gosselin et au dépistage des troubles des apprentissages.  

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