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Neurologie

Publié le 15 oct 2009Lecture 10 min

Mouvements anormaux paroxystiques non épileptiques

A. ROUBERTIE, B. ECHENNE, S. SOËTE Service Neuropédiatrie, hôpital Gui de Chauliac, Montpellier

Les deux premières années de vie sont une période d’intense maturation cérébrale au cours de laquelle la motricité du nourrisson se structure, les fonctions telles que sommeil mais aussi les fonctions sensorielles se mettent en place. Durant cette période, des mouvements « inhabituels » paroxystiques sont fréquemment observés.

 
La connaissance de ces manifestations doit conduire à un diagnostic adéquat, évitant parfois des investigations inutiles. Dans la grande majorité des cas, aucun traitement n’est nécessaire et il est possible de rassurer les familles. On désigne sous le terme de « paroxystiques » des accès intermittents de mouvements anormaux, de durée variable (quelques secondes, voire plusieurs heures ou jours), le patient étant asymptomatique entre ces épisodes. Les mouvements anormaux paroxystiques d’origine épileptique sont probablement les plus fréquents chez le nourrisson, qu’il s’agisse de crises partielles, de spasmes, de crises avec automatismes moteurs ou clonies. Ils ne sont pas l’objet de notre propos, mais constituent le principal diagnostic différentiel des manifestations que nous allons décrire. Les mouvements anormaux paroxystiques d’origine épileptique constituent le principal diagnostic différentiel.   Les différents types de mouvements Le myoclonus bénin néonatal du sommeil Les myoclonies du sommeil surviennent dès la période néonatale. Elles peuvent être uni- ou bilatérales, et apparaissent souvent en brèves séries changeant de côté. Ces myoclonies sont plus fréquentes durant le sommeil non paradoxal, mais peuvent être observées quel que soit le stade de sommeil ; elles disparaissent brutalement dès que le nouveauné se réveille. Elles sont parfois intenses et fréquentes, mais leur nature non épileptique est confirmée par la normalité de l’examen neurologique et surtout de l’enregistrement EEG.   Les trémulations Il s’agit de mouvements oscillatoires des extrémités, ou de tremblements du menton, principalement observés chez le nouveau- né ou le jeune nourrisson. Ces manifestations sont brèves, souvent déclenchées par un mouvement soudain, un cri. Elles disparaissent au changement de position ou lorsque le segment de membre atteint est tenu dans la main. Les trémulations peuvent être favorisées par un trouble ionique (hypoglycémie, hypocalcémie), un sevrage médicamenteux (benzodiazépines), une anoxie. Des trémulations intenses peuvent également être observées chez des nouveau-nés tout à fait sains. Elles disparaissent spontanément en quelques semaines, mais peuvent persister jusqu’au 2e mois de vie chez un quart des nouveau-nés concernés. Les trémulations peuvent être favorisées par un trouble ionique, un sevrage médicamenteux, une anoxie. Les accès de frissons Ces manifestations, appelées « shuddering » par les Anglo- Saxons, consistent en des épisodes très brefs (5 à 15 secondes) de tremblements très fins et rapides de la tête et des membres, rappelant un accès de frissons, sans fièvre. Ces épisodes apparaissent durant les premiers mois de vie ; ils peuvent survenir une centaine de fois par jour et sont favorisés par l’excitation ou la frustration. Il s’agit de manifestations bénignes, qui disparaissent spontanément en quelques mois ou années.   Les stéréotypies Il s’agit de mouvements involontaires coordonnés, répétitifs et rythmiques, comportant une séquence motrice toujours identique, sans objectif, touchant la tête, le tronc ou les extrémités. Les stéréotypies peuvent être particulièrement favorisées par les émotions vives et l’excitation (agitation des mains, secousses des jambes) ou surviennent quand l’enfant est calme ou inactif (mouvements d’extension du cou, grimaces). Les stéréotypies sont surtout observées chez les enfants autistes ou déficients mentaux, dont elles constituent parfois un symptôme majeur (comme les stéréotypies de « lavage de mains » des fillettes atteintes d’un syndrome de Rett). Les stéréotypies sont surtout observées chez les enfants autistes ou déficients mentaux. Les stéréotypies peuvent également s’observer dès la première année de vie chez des enfants sans déficience mentale ni syndrome dysharmonieux, et peuvent persister à l’âge adulte. Les rythmies d’endormissement (balancements de la tête ou du tronc), aussi appelées jactatio capitis nocturna, représentent une forme très fréquente de stéréotypies observées chez 6 à 19 % des enfants normaux. Ces stéréotypies d’endormissement peuvent parfois être spectaculaires (l’enfant secoue très bruyamment son lit, ou le déplace du fait de ses balancements), mais elles demeurent bénignes et ne doivent pas être considérées comme pathologiques. Dans la majorité des cas, un monitoring vidéo EEG permet d’étayer le diagnostic différentiel entre stéréotypies et crises épileptiques. Les rythmies d’endormissement représentent une forme très fréquente de stéréotypies observées chez 6 à 19 % des enfants normaux. Les conduites d’autostimulation Ce terme semble plus approprié que celui d’ « accès masturbatoire » pour décrire des manifestations débutant entre 3 et 12 mois. Les conduites d’autostimulation s’observent préférentiellement chez la petite fille. Ces épisodes stéréotypés se caractérisent par une posture dystonique des membres inférieurs en hyper extension, avec des mouvements de frottement de cuisses ou des mouvements exerçant une pression sur la région pubienne ou sus-pubienne. Ils peuvent être acccompagnés d’une rubéfaction du visage, de sudation, de vocalisation et il n’y a pas de perte de conscience. Ces épisodes surviennent particulièrement lorsque l’enfant est calme, inactif, ou avant l’endomissement. La durée des accès est variable, ces épisodes cédant lorsqu’on interpelle l’enfant. Les conduites d’autostimulation sont tout à fait bénignes et ne justifient pas de traitement ni de mesure préventive particulière. Les épisodes d’autostimulation cèdent lorsqu’on interpelle l’enfant. La déviation tonique du regard vers le haut Ce type de manifestation débute généralement avant l’âge de 1 an (âge moyen de début à cinq mois et demi) et se caractérise par des épisodes de déviation conjuguée et soutenue des yeux vers le haut, associée à une flexion compensatrice de la tête. Lorsque le nourrisson essaie de regarder vers le bas, des secousses nystagmiformes apparaissent, alors que les mouvements oculaires horizontaux sont normaux. Certains patients présentent une petite ataxie du tronc. Ces épisodes durent quelques minutes à plusieurs heures, sont particulièrement favorisés par la fatigue ou les infections, et sont améliorés par le sommeil. Entre les crises, l’examen des patients est tout à fait normal. Ces manifestations disparaissent spontanément en quelques années, avant l’âge de 5 ou 7 ans. Le diagnostic de déviation tonique du regard vers le haut ne peut être retenu qu’après avoir éliminé d’autres causes de mouvements oculaires anormaux (crises épileptiques oculogyres, lésion cérébrale). Sa physiopathologie est mal élucidée. Des cas familiaux ont été décrits, suggérant une transmission autosomique récessive ou dominante selon les familles. Le diagnostic de déviation tonique du regard vers le haut ne peut être retenu qu’après avoir éliminé d’autres causes de mouvements oculaires anormaux. Le torticolis paroxystique bénin Il s’agit d’épisodes récurrents de torticolis, durant quelques heures à quelques jours. Les accès cèdent spontanément, et entre les crises l’examen neurologique est strictement normal. Ils apparaissent durant la première année de vie et avant l’âge de 3 mois dans la moitié des cas. Les épisodes débutent souvent le matin, parfois précipités par un changement brutal de position. Le torticolis peut être précédé ou accompagné d’une irritabilité, de pâleur, de vomissements, d’une ataxie. Les accès ont tendance à survenir fréquemment au début (parfois une à deux fois par mois), puis ils disparaissent spontanément avant l’âge de 5 ans. Le torticolis paroxystique bénin du nourrisson représente un diagnostic d’élimination, qui ne doit être retenu qu’après avoir éliminé une autre cause à ces manifestations (épilepsie, intoxication médicamenteuse, tumeur de la fosse postérieure, malformation de la charnière occipito-cervicale, syndrome de Sandifer). Les accès de torticolis paroxystique bénin disparaissent spontanément avant l’âge de 5 ans. Le spasmus nutans Le spasmus nutans est constitué d’une triade qui associe un nystagmus, le plus souvent asymétrique voire monoculaire, à un tremblement de la tête le plus souvent en négation et à un torticolis. Ces manifestations débutent généralement entre 4 et 12 mois et disparaissent en quelques mois. Le spasmus nutans doit être distingué d’un nystagmus congénital, et le diagnostic devra s’attacher à éliminer un nystagmus secondaire (tumeur des voies optiques notamment).   Autres mouvements paroxystiques Notre description n’est probablement pas exhaustive et d’autres entités ne seront qu’évoquées.  Syndrome de Sandifer : accès d’hypertonie axiale postérieure au décours d’un reflux gastro-oesophagien.  Hyperekplexia : sursauts excessifs spontanés ou provoqués par les stimuli somesthésiques (percussion de la pyramide nasale), chez des nouveau-nés hypertoniques, en rapport avec une mutation d’un récepteur à la glycine).  Opsoclonies : secousses oculaires rapides, associées dans le syndrome opso-myoclonique à des myoclonies et à une ataxie. Ces manifestations sont d’origine post-infectieuse ou paranéoplasique (un neuroblastome est identifié dans plus d’un tiers des cas).  Les dyskinésies paroxystiques : accès intermittents de dystonies, de choréo-dystonie, ou de choréo-athétose, déclenchés par les mouvements (forme kinésigénique) ou survenant spontanément (forme non kinésigénique). Ce qu’il faut retenir • Les mouvements paroxystiques sont fréquents chez le nourrissson. • Leur diagnostic doit être un diagnostic d’élimination, après avoir écarté une origine épileptique, ou d’autres causes, nécessitant souvent la réalisation d’examens complémentaires (EEG, imagerie cérébrale, examen ophtalmologique). • L’âge de début est souvent assez spécifique et est un élément d’orientation diagnostique important. • La réalisation de vidéo familiale est très utile au diagnostic. • Certaines de ces situations sont physiologiques, parfois transitoires, et s’améliorent spontanément en quelques mois. • Il s’agit le plus souvent de situations bénignes qui ne justifieront pas de traitement spécifique.   Commentaires Les mouvements anormaux paroxystiques du nourrisson ne sont pas rares, ils constituent un groupe hétérogène de situations, très polymorphes du point de vue sémiologique. Leur fréquence est probablement sous-estimée. Leur diagnostic repose sur une analyse sémiologique minutieuse, fondée sur l’interrogatoire des parents. La réalisation d’enregistrement vidéo (monitoring vidéo EEG ou vidéo familiale) est souvent indispensable pour établir le diagnostic. La survenue de ces manifestations paroxystiques est étroitement corrélée à l’âge : l’âge de début constitue souvent un élément clef du diagnostic. L’enregistrement vidéo ou EEG-vidéo est souvent indispensable pour établir le diagnostic. Quoi qu’il en soit, le diagnostic de certitude ne peut être retenu qu’après avoir éliminé une origine épileptique (intérêt d’un monitoring vidéo-EEG) ou d’autres causes aux mouvements anormaux (exclure des troubles ioniques en présence de trémulations chez un nouveau-né, une malformation de la charnière devant un accès de torticolis, ou une tumeur cérébrale devant des épisodes de déviation tonique du regard vers le haut ou face à un torticolis). Dans la majorité des cas, les mouvements anormaux paroxystiques du nourrisson sont des manifestations bénignes, certains d’entre eux étant par ailleurs transitoires puisqu’ils disparaissent spontanément en quelques années (torticolis paroxystique bénin du nourrisson, déviation tonique du regard vers le haut).  

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