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Neurologie

Publié le 13 avr 2009Lecture 15 min

Manifestations paroxystiques non épileptiques de l’enfant : ce qui ressemble à « l’épilepsie » sans l’être…

S. AUVIN, Hôpital Robert-Debré, Paris
Un certain nombre de circonstances cliniques en pédiatrie peuvent mimer ou faire croire à une crise épileptique. Les mouvements paroxystiques non épileptiques partagent des caractéristiques communes avec les crises épileptiques, telles que la survenue et la fin brutale suivie d’un retour à l’état d’équilibre entre les symptômes. La méconnaissance de ces événements peut faire conclure faussement à une épilepsie pouvant conduire à un traitement non justifié.
Plusieurs études ont déjà souligné le nombre d’erreurs diagnostiques par défaut ou par excès devant une première crise épileptique (1). La connaissance des diagnostics différentiels des crises épileptiques permet d’éviter ces erreurs et de rassurer la famille. La séquence clinique des symptômes permet souvent de faire le diagnostic. Il faut retracer précisément la chronologie des événements. Le développement des capacités d’enregistrements vidéo (téléphone ou appareil photographique) permet de demander à la famille de filmer leur enfant lorsque l’interrogatoire est difficile (figure 1).   Figure 1. Nourrisson filmé par ses parents lors de mouvements paroxystiques pendant le sommeil. Si un doute persiste malgré l’analyse sémiologique et l’examen clinique, l’enregistrement vidéo-EEG de l’événement permettra d’apporter la réponse. Toutefois, un électroencéphalogramme qui n’a pas permis l’enregistrement de l’événement ne permet pas de conclusion. Il faut également rappeler qu’un EEG avec des anomalies de type pointes ou pointes ondes peut être observé chez des enfants non épileptiques (2). Les manifestations paroxystiques non épileptiques de l’enfant peuvent être analysées en fonction de l’âge de survenue et de leur relation avec le sommeil, et bien entendu selon les symptômes observés (figure 2). Nous séparerons artificiellement les phénomènes en fonction de leur survenue nocturne ou diurne, puis en fonction de l’âge de survenue. Nous n’aborderons que les phénomènes les plus fréquents en mettant en exergue le ou les éléments caractéristiques dans chaque entité clinique (3). Un EEG avec des anomalies de type pointes ou pointes ondes peut être observé chez des enfants non épileptiques.   Figure 2. Synthèse des événements paroxystiques non épileptiques en fonction de l’âge et de la survenue nocturne ou diurne. Manifestations paroxystiques non épileptiques en lien avec le sommeil Myoclonies bénignes du sommeil du nouveau-né Il s’agit de sursauts myocloniques répétitifs qui intéressent les membres ou tout le corps. Ils sont observés quasi exclusivement lors du sommeil, plus rarement à l’endormissement. Les myoclonies sont habituellement observées au cours des 6 premiers mois dès les premiers jours de vie. Le diagnostic est quasiment confirmé par la disparition des symptômes avec le réveil. L’enregistrement EEG ne retrouve pas de modification du tracé lors des sursauts myocloniques (4).   Myoclonies d’endormissement Il s’agit d’événements physiologiques qui existent quasiment chez tout individu. Les myoclonies d’endormissement sont souvent isolées, pouvant être parcellaires, multifocales ou généralisées. De façon non exceptionnelle, l’enfant raconte qu’il les ressent. Elles donnent alors le plus souvent une sensation de chute dans le vide. Elles surviennent toujours à l’endormissement et n’existent pas lors de la veille. Il n’est pas rare qu’elles entraînent un éveil (figure 3). Elles sont parfois très intenses pouvant entraîner un saut du plan du lit. Chez les patients ayant une épilepsie, elles sont facilement mal interprétées. Il faut, en particulier, connaître l’attitude « hyper-attentive » des parents de ces patients. Ils sont très souvent inquiets et observent énormément leur enfant à la recherche de crise épileptique, les amenant à signaler ces événements. Il faut parfois savoir aller jusqu’à l’enregistrement EEG afin de certifier la nature non épileptique de l’événement. Le tracé électroencéphalographique ne doit pas enregistrer d’anomalie de façon concomitante à l’événement. La polygraphie EMG-EEG apporte une information importante (figure 3).   Figure 3. Tracé EMG-EEG montrant une myoclonie du sommeil responsable d’un éveil. Sur les deux lignes les plus basses, on observe la bouffée d’EMG lors de la myoclonie. On notera la modification du tracé de l’EEG avant (sommeil) et après la myoclonie (tracé de veille avec rythme alpha). Rythmies d’endormissement Les rythmies d’endormissement ne sont pas observées pendant le sommeil mais à l’endormissement. Dans des cas plus rares, on les voit lorsque l’enfant s’ennuie ou est fatigué. Il s’agit de mouvements répétitifs de balancements de la tête et/ou du tronc, le plus souvent de droite à gauche et parfois de haut en bas. Elles prennent parfois une forme extrême avec des enfants qui se cognent la tête sur les bords du lit. Il existe fréquemment un caractère familial à ce phénomène. Il est possible d’entrer en contact avec l’enfant. Il obéit si on lui demande de cesser les mouvements. Aucun traitement n'est nécessaire. Le plus souvent, ces mouvements cessent entre 2 et 3 ans, mais perdurent parfois jusqu’à l’adolescence.   Cauchemars Les cauchemars ne sont pas rares. Ils surviennent lors du sommeil profond, donc surtout en fin de nuit ; ce sont des rêves menaçants et désagréables, entraînant un réveil nocturne. L’enfant est rassuré par la présence de ses parents. Il faut les distinguer des terreurs nocturnes (tableau).   Terreurs nocturnes On note deux pics d’incidences : dans la petite enfance ou vers une dizaine d’années. Il s’agit d’un réveil brutal avec une profonde angoisse que l’on devine sur le visage et par le comportement d’agitation. L’enfant pleure sans que l’on arrive à le calmer ou à le raisonner. Le phénomène cède brutalement et l’enfant se rendort. Il ne se souvient en général pas de l’événement le lendemain matin. Elles peuvent être aisément confondues avec une épilepsie frontale nocturne où les symptômes peuvent être très polymorphes. En pratique, on évoque plus souvent une parasomnie qu’une épilepsie frontale nocturne. En cas d’épilepsie frontale, même si les symptômes peuvent être déconcertants, les caractéristiques cliniques sont la survenue à début brutal, le caractère stéréotypé de chaque épisode ainsi que leurs répétitions. En cas de doute, il faut réaliser un enregistrement vidéo-EEG nocturne. Les terreurs nocturnes peuvent être aisément confondues avec une épilepsie frontale nocturne.   Somnambulisme Le somnambulisme dans sa forme simple n’est pas rare. Le somnambulisme est plus fréquent chez les garçons, il débute vers l'âge de 4 ans et disparaît après la puberté. On retrouve le plus souvent des antécédents familiaux. L'accès de somnambulisme survient en général dans le premier tiers de la nuit. Les accès peuvent se répéter 2 fois, voire 3, dans la même nuit. Il s’agit d’un éveil dissocié : le système moteur est actif, et le système relationnel est en état de sommeil (le contact est quasi impossible et le sujet n’a aucun souvenir de l’épisode). L'enfant se lève, il a les yeux grands ouverts, mais ne paraît pas voir. Le visage est inexpressif, la déambulation est lente. Bien qu’il puisse réaliser des actions relativement élaborées, il est souvent maladroit. Le comportement est organisé, plus ou moins adapté mais ralenti. L’enfant est généralement docile, et se laissera facilement reconduire dans son lit. Les épisodes durent de quelques minutes à parfois plus de 30 minutes. Il faut savoir que somnambulisme et terreurs nocturnes peuvent coexister.   Manifestations paroxystiques non épileptiques au cours de la veille Nouveau-né et nourrisson  Torticolis paroxystique bénin Il s'agit d'épisodes récurrents de torticolis pouvant durer de quelques heures à quelques jours. Ils débutent vers l’âge de 3 mois. Les accès cèdent spontanément. Entre les accès paroxystiques, l'examen neurologique est strictement normal. Le torticolis est fréquemment précédé ou accompagné d'une irritabilité, de pâleur, de vomissements. Les accès ont tendance à survenir fréquemment au début (parfois 1 à 2 fois par mois), puis ils disparaissent spontanément. Le torticolis paroxystique bénin du nourrisson est un diagnostic d'élimination : il ne peut être retenu qu'après avoir éliminé une autre étiologie. Il faudra en particulier évoquer une tumeur de la fosse postérieure, une malformation de la charnière occipito-cervicale, un syndrome de Sandifer…  Spasmes du sanglot C’est la cause la plus fréquente de syncope entre 6 mois et 3 ans. De façon exceptionnelle, ils peuvent être observés dès la période néonatale. Le diagnostic se fait sur la séquence clinique suivante : événement déclenchant, pleurs ou surprise, blocage bouche ouverte sans bruit, enfin modification de la coloration cutanée. Il existe un facteur déclenchant qui est souvent le même pour chaque patient. Il s’agit souvent d’une colère suivant ou non un refus ou une contrariété. Le diagnostic se fait à l’interrogatoire, il faut donc mener une anamnèse de qualité pour parvenir au diagnostic. On note deux formes cliniques différentes : la forme dite « bleue » et la forme dite « blanche » (5). • La forme « bleue » avec cyanose est la plus fréquente. Le spasme survient à la suite d’un facteur émotionnel déclenchant : contrariété, peur, colère… L’enfant en pleurant reprend de moins en moins son souffle, avec une phase expiratoire de plus en plus longue jusqu’à un blocage thoracique. Ces épisodes peuvent aller jusqu’à la perte de conscience avec une hypotonie globale. • La forme « blanche » est souvent déclenchée par la peur. Il peut exister un cri bref. Il s’agit d’un épisode de pâleur suivi d’une perte de conscience pouvant entraîner une chute. Dans cette forme blanche, il existe parfois des secousses cloniques oculaires ou des membres (syncope convulsivante). C’est dans ces formes que l’on peut penser à une crise épileptique. Enfin, les formes blanches peuvent être liées à une hypertonie vagale qui peut aller jusqu’à une asystolie. Il faut rechercher ce facteur. Les formes « blanches » de spasme du sanglot avec secousses chroniques oculaires ou des membres peuvent parfois évoquer une crise épileptique.  Myoclonus bénin du nourrisson Le myoclonus bénin du nourrisson apparaît entre 3 et 9 mois, sa fréquence augmente rapidement à plusieurs épisodes quotidiens, puis il disparaît en quelques mois. Les épisodes se caractérisent par des sursauts myocloniques de la tête et des épaules, touchant parfois les membres supérieurs. Ces manifestations surviennent souvent en série, parfois favorisées par l’excitation ou la frustration. Il existe un équivalent que l’on nomme shuddering attacks (frémissements). Les shuddering attacks sont observées au même âge ; il s’agit dans ce cas de tremblement de la tête et/ou des épaules. Dans ces deux entités, les nourrissons ont un développement psychomoteur normal et l’enregistrement EEG intercritique et critique est normal. Ces enfants sont souvent adressés pour suspicion de spasmes infantiles. L’évaluation clinique et l’enregistrement permettent d’écarter la nature épileptique. L’enregistrement EEG intercritique et critique des myoclonies bénignes du nourrisson est normal.  Hyperekplexie (ou maladie des sursauts) L’hyperekplexie est une maladie à part entière. Elle se caractérise par la survenue d’accès d’hypertonie lors de stimulations inattendues (bruits, contacts, etc.). Les symptômes peuvent commencer dès la période néonatale par des myoclonies pathologiques et/ou des accès d’hypertonie. Les sursauts sont déclenchés par des stimuli minimes et ne disparaissent pas à leur répétition. Plus tard, les accès hypertoniques sont de survenue nocturne pouvant être responsables d’apnées parfois prolongées pouvant aller jusqu’à un malaise. Sur le plan clinique, la percussion de la racine du nez entraîne un accès d’hypertonie ou des sursauts. L’EEG lors des accès et entre les accès est normal. L’hyperekplexie est une maladie rare qui se transmet selon le mode autosomique dominant ou plus rarement autosomique récessif, en rapport avec des mutations du gène GLRAI (codant pour la sous-unité α1 du récepteur de la glycine) situé sur le chromosome 5q33-35. L’hyperekplexie est une maladie rare qui se transmet selon le mode autosomique dominant, ou plus rarement autosomique récessif. Un diagnostic moléculaire existe. Le traitement le plus efficace est le clonazépam(6).   Enfant et adolescents  Vertige paroxystique bénin Le vertige paroxystique bénin touche en général l'enfant entre 2 et 4 ans, exceptionnellement audelà de 10 ans. Il s’agit d’un vertige paroxystique qui dure de quelques secondes à une minute, récurrent, accompagné de manifestations objectives ou subjectives. Les épisodes rotatoires à début brutal entraînent un arrêt de l’activité en cours. L’enfant paraît anxieux. Des signes cliniques tels que pâleur, sueurs, nausées et vomissements peuvent s’observer. Il n’y a pas de perte de connaissance. S’il arrive à se déplacer, on peut observer une ataxie. Dans de rares cas, un nystagmus horizontal peut être observé. Chez le nourrisson, un torticolis peut être noté. L’évolution est spontanément favorable en quelques mois, voire années, et c’est à l’occasion des récurrences que le diagnostic est habituellement posé. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination. Aucun examen paraclinique ne permet d’affirmer le diagnostic. L’évolution des vertiges paroxystiques bénins est spontanément favorable en quelques mois, voire années.  Syncope La survenue des syncopes est plus fréquente chez les adolescents. Deux éléments sont souvent retrouvés à l’anamnèse : la présence d’un facteur déclenchant et le souvenir d’une « aura » précédant la perte de connaissance(7). La syncope est une perte de connaissance complète et brève, liée à une diminution brutale du débit sanguin cérébral. Elle s’accompagne d’une chute du tonus postural. Dans le cas le plus typique, le sujet s’effondre à terre, reste inerte quelques secondes ou dizaine de secondes et revient à lui d’un seul coup, spontanément. On distingue la syncope des lipothymies qui sont des malaises subits et passagers caractérisés par une impression angoissante d’évanouissement imminent et d’un brouillard visuel sans perte de connaissance. Le diagnostic peut être difficile chez le jeune enfant chez qui l’interrogatoire ne permet pas d’affirmer un événementant ou l’existence d’une « aura ». Les malaises représentent une cause fréquente de consultation en pédiatrie et la plupart d'entre eux sont bénins. Les syncopes vagales ou secondaires à une hypotension orthostatique sont fréquentes. Mais d'autres peuvent révéler un trouble sévère du rythme ou de la conduction, et un ECG devrait donc être fait systématiquement chez tout enfant ayant fait un malaise. L'interrogatoire est primordial. Les syncopes survenant pendant un effort (sport, baignade) ou lors d'émotions méritent des investigations poussées. Une syncope prolongée peut entraîner une crise épileptique occasionnelle rendant le diagnostic difficile. Un ECG devrait être fait systématiquement chez tout enfant ayant fait un malaise.   Tics Il s’agit de mouvements très fréquents puisqu’ils touchent 1 à 5 % des enfants. Le pic de survenue est situé vers 10 ans. Il s’agit de mouvements stéréotypés, involontaires, brusques, rapides et involontaires. Ils sont le plus souvent bien identifiables, mais dans certains cas leur diagnostic est difficile. Ils s’observent le plus souvent au niveau du visage (clignements d’yeux, contraction des joues ou succion, mâchonnement, mordillement et léchage des lèvres, etc.), du cou (hochements de tête, rotation, etc.) ou des épaules (haussements, etc.). La volonté permet de les contrôler temporairement. Ils sont aggravés par l’émotion, l’angoisse ou la colère. La réalisation d’une tâche mettant en jeu la motricité fine et l’attention fait disparaître les tics lors de sa réalisation. La présence de tics verbaux, notamment d’une écholalie (répétition des mots entendus) ou d’une coprolalie (prononciation de mots orduriers), doit faire évoquer le diagnostic de syndrome de Gilles de la Tourette et conduire à un avis spécialisé. L’évolution est le plus souvent simple. Les tics simples de l'enfant sont peu intenses et n’ont pas de retentissement social. Ils finissent par disparaître. Dans certains cas, l’évolution est capricieuse avec disparition-réapparition, modification du type de tics, voire persistance plus ou moins définitive. Le traitement de première intention repose surtout sur les explications, la dédramatisation et la psychothérapie…   Manifestations d’origine psychogène Il faut également savoir évoquer des événements d’origine psychogène. L’allure polymorphe des symptômes doit faire évoquer le diagnostic. Les anomalies de l’examen neurologique ne répondent en général à aucune systématisation neurologique. Il ne faut pas confondre les symptômes simulés avec ceux qui sont « subis » car inconscients. L’enregistrement vidéo-EEG de l’événement paroxystique permettra de se prononcer sur la nature de l’événement.   Conclusion La plupart de ces phénomènes paroxystiques non épileptiques sont des diagnostics cliniques. Dans certaines circonstances, des examens paracliniques sont nécessaires afin d’éliminer d’autres diagnostics. Si un doute persiste, l’enregistrement simultané de l’EEG avec vidéo sera l’examen de référence pour éliminer une épilepsie. Certaines situations sont parfois complexes. Il faut savoir aussi évoquer le syndrome de Münchausen. Nous avons abordé ici les événements paroxystiques relativement fréquents, il en existe bien d’autres. Une analyse sémiologique fine est parfois difficile. Un avis spécialisé de neurologie pédiatrique est alors nécessaire…  

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