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Cas cliniques

Publié le 30 juil 2008Lecture 8 min

Malaise… convulsion… ?

D. ARMENGAUD CHI, Poissy/Saint-Germain-en-Laye

Bernadette, âgée de 13 mois, est la première fille de parents sans antécédents médicaux notables. À l’occasion d’un retour en France de vacances chez les grands-parents paternels, ce nourrisson présente brusquement en fin d’après-midi vers 19 h 30, lors d’un change, au cours d’une colère, un malaise avec hyperextension, sans blockpnée, ni révulsion oculaire.

 
Histoire clinique L’enfant n’était pas fébrile et le SAMU appelé au domicile retrouve une enfant consciente, en bon état général, réactive avec un examen sensiblement normal. Aux urgences, les constatations sont similaires. La température est à 37°8, la fréquence  cardiaque à 156/min, la PA à 99/74 mmHg, la SaO2 à 98 % en air ambiant. La glycémie capillaire est à 4,7 mmol/l, le poids est de 7,530 kg et il ne semble pas y avoir de problème digestif particulier chez cette enfant nourrie au sein. L’examen clinique n’apporte rien de plus et l’ECG pratiqué est normal avec un QTc à 0,453 (figure 1).   Figure 1. ECG : rythme sinusal ; QTc : 0,453 s. En l’absence d’élément de gravité un retour au domicile est décidé. Deux jours plus tard, le SAMU est de nouveau appelé au domicile vers 21 heures, en raison d’un nouveau malaise, au moment du coucher, caractérisé par une fixité du regard, sans pleurs préalables, avec une phase d’hypertonie (trismus) et tremblements (ou clonies ?) qui conduit une nouvelle fois Bernadette aux urgences. Cette petite fille est née à terme (39 SA) avec un poids de naissance de 3 395 g, une taille de 51 cm, un périmètre crânien de 36,5 cm et le coefficient d’Apgar à 10. La lecture du carnet de santé ne retrouve pas la trace de vaccinations ; elles n’ont pas été effectuées, selon le souhait des parents qui vivent en Allemagne, expliquant qu’elles n’y sont pas « obligatoires » comme en France. L’enfant un peu pâle paraît  hypotonique mais les constantes sont normales. L’examen clinique paraît inchangé, il n’y a pas de syndrome fébrile, pas de détresse respiratoire. L’auscultation  cardiaque et pulmonaire est  normale. Il n’y a pas d’hépatosplénomégalie. L’examen neurologique ne décèle pas de troubles moteurs déficitaires, les ROT sont présents, un peu vifs,  le PC est normal (47 cm). Une radiographie du thorax est réalisée et un bilan biologique est prélevé (figure 2).   Figure 2. Radio de thorax. Discussion diagnostique Ce n’est pas un, mais en fait plusieurs « malaises » spontanément résolutifs qui se sont succédés ; leurs caractéristiques ne sont pas d’emblée évocatrices d’un diagnostic précis. • Une crise convulsive, sans fièvre, partielle « devrait » à cet âge s’accompagner d’autres troubles neurologiques ou du développement (qui sont absents), et il ne semble pas qu’une pathologie neurologique évolutive soit en cause. Mais un EEG serait de bon aloi afin d’avoir quelques éléments d’orientation • Un spasme du sanglot. Cela reste un diagnostic d’élimination ; il a comme caractéristique d’être « provoqué » ce qui était possiblement le cas la première fois, mais pas lors du deuxième épisode. • Une dystonie ou dyskinésie pouvant être en rapport avec : – Une pathologie neurologique évolutive, mais il n’y a pas eu d’altération du développement posturo-moteur et psycho-sensoriel jusqu’à l’apparition de ces manifestations. – Un syndrome extra-pyramidal iatrogène, habituel avec certains médicaments fréquemment utilisés en pédiatrie dans le cadre du reflux gastro-œsophagien tel le métoclopramide ou la dompéridone ; mais on ne retrouve pas la notion d’administration de tels médicaments. – Une hypertension intra-crânienne, mais la courbe de périmètre crânien est régulière et la  fontanelle, plutôt large… est normo-tendue. Il n’y a pas d’anomalie auscultatoire ; l’ECG montre un ryhtme sinusal et un QT corrigé à 0,453 s. Mais la lecture de la radiographie du thorax doit faire évoquer un diagnostic et le faire confirmer rapidement. Lequel ?   Figure 3. Radiographie de thorax. Cardiomégalie ;  élargissement  des jonctions chondrocostales (flèches). • La radiographie de thorax (figure 3) montre un cœur un peu gros (ICT à 0,55), mais surtout, les structures osseuses sont anormales avec un élargissement des métaphyses au niveau de la tête humérale (figure 4), mais aussi des jonctions chondrocostales (figure 5) faisant poser le diagnostic de rachitisme et demander la pratique d’une calcémie… oubliée lors de la transmission des résultats du prélèvement.   Figures 4. Élargissement métaphysaire au niveau de la tête humérale, et ostéopénie. On retrouve une hypocalcémie à 1,48 mmol/l qui semble responsable des troubles présentés.   Figure 5. Gril costal : élargissement des jonctions chondrocostales . • Le bilan phosphocalcique confirmera le diagnostic de rachitisme par carence en vitamine D chez cette enfant nourrie encore au sein et qui n’avait jamais été supplémentée, car ce besoin n’avait pas été rappelé par les médecins qui l’avaient pris en charge… – calcémie recontrôlée : 1,39 mmol/l ; – phosphorémie : 1,25 mmol /l (1,12-1,95) ; – phosphatases alcalines : 1174 UI/L(100-230) ; – calciurie < 0,1 mmol/l (1,2 -4) ; – 25 OH D3 : 2,3 ng /ml (20-50) ; – PTH : 346 pg/ml (15-65).   Commentaire • Le rachitisme existe toujours, mais c’est bien sa prévention qui peut, ou doit, le faire disparaître et le reléguer dans un chapitre de l’histoire de la médecine. Avec le temps, les choses s’effacent et peut-être la rareté de l’allaitement maternel, ici particulièrement prolongé, fait oublier que la supplémentation est nécessaire pour tout nourrisson (le lait de mère ne contient pas plus de vitamine D que le lait de vache) avant que, non pas l’alimentation diversifiée, mais l’exposition solaire modérée et contrôlée lui permette de couvrir ses propres besoins. • Les facteurs de risque de voir se développer une carence en vitamine D chez le nouveau-né sont bien identifiés : – la carence maternelle durant la grossesse, en sachant que le stock de vitamine D du nouveau-né est proportionnel à celui de la mère ; – la naissance prématurée, car le passage transplacentaire se fait principalement au cours du dernier trimestre de la grossesse ; – les grossesses gémellaires, ou rapprochées, pour les mêmes raisons, ce qui doit faire dépister une carence maternelle ou proposer une supplémentation systématique en présence de facteurs de risque, ou après évaluation du taux de vitamine D chez la mère. • La supplémentation du nourrisson se fait de deux manières possibles et plutôt complémentaires : – l’enrichissement des laits artificiels (mais non du lait de femme…) 1er et 2e âge institué en France par arrêté du 13 février 1992 qui permet un apport de l’ordre de 400 à 500 UI par litre reconstitué (contre < 32 UI pour le lait de vache natif) ; – ce qui n’est pas toujours suffisant et justifie l’apport de vitamine D2 ou D3 sous forme médicamenteuse (tableau) pour atteindre un apport de 1 000 à 1 200 UI/j ; – une supplémentation des produits laitiers frais de consom-mation courante a été rendue possible par une circulaire ministérielle du 11 octobre 2001 pour améliorer le statut vitaminique des adolescents (dont les besoins sont augmentés durant la puberté) et des adultes (femmes enceintes).   Évolution • Après recharge calcique intraveineuse continue sur 24 h (1 000 mg/m2 de calcium élément) et l’administration progressive de vitamine 25 OH  cholécalciférol  puis de vitamine D3 100 000 U per os renouvelée à 15 jours et 1 mois, la normalisation de la calcémie sera obtenue avec début de correction des anomalies osseuses (stries d’accrétion calcique) confirmant, s’il en était besoin, le caractère carentiel de ce rachitisme. • Si le lait mère ne permet pas sur ce point de couvrir tous les besoins de l’enfant, il n’est pas non plus protecteur des maladies infectieuses, et l’allaitement maternel prolongé ne dispense en rien des vaccinations. Si elles sont désormais plus recommandées qu’obligatoires, elles demeurent un impératif pour tous les enfants, ce d’autant que pour le rachitisme « historique » les maladies telles que le tétanos, la diphtérie ou la poliomyélite s’estompent dans l’inconscient collectif de notre population.   VITAMINE D Si la découverte de l’origine carentielle du rachitisme et de l’effet curateur de l’huile de foie de morue date du siècle dernier (1920), la mise en évidence de la photosynthèse en 1924, et de la biosynthèse de la vitamine D en 1952, la prévention du rachitisme reste toujours d’actualité. La vitamine D (calciférol) est une pro-hormone vitale (vitamine) qui a un  rôle essentiel dans la régulation du métabolisme  calcique. Elle comprend un ensemble de substances lipo-solubles d’origine végétale (vitamine D2– ergocalciférol) ou animale (vitamine D3 – cholécalciférol) produites sous l’effet des UV, mais qui doivent être di-hydroxylées par le foie en 1 OH,  puis par le rein 1-25 OHD3 qui en est le métabolite actif. Les besoins,  exprimés en UI ou en µg (1µg = 40 UI) sont variables dans le temps, mais persistent tout au long de la vie, en sachant que ce sont plus souvent les personnes âgées qui sont désormais le plus à risque de carence (besoins 15 µg/j > 70 ans). L’exposition solaire suffit à produire 80 à 90 % des besoins. Une exposition des mains, des avant-bras et du visage au soleil (mais sans écran), une quinzaine de minutes 3 fois par semaine suffirait à couvrir les besoins, en tenant compte évidemment de l’ensoleillement et de la carnation.

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