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Néonatologie

Publié le 23 fév 2011Lecture 10 min

Les grandes avancées des 50 dernières années en pédiatrie : le diagnostic prénatal et la réparation précoce des malformations congénitales

F. BARGY, département Chirurgie pédiatrique, service Chirurgie viscérale, hôpital Necker Enfants malades, Paris

De tout temps, l’enfant à naître et son développement ont été chargés de mystère, d’attente et d’anxiété. Inaccessible à l’oeil du commun, le foetus ne pouvait se découvrir que lors d’autopsies de femmes enceintes, figé dans son chemin vers la vie extra-utérine. Dans le dernier tiers du XXe siècle, les techniques d’imagerie et d’investigation se sont modernisées au même rythme que la médecine. Avec cette connaissance est apparue la possibilité de choisir de poursuivre, ou non, la grossesse, ou de préparer l’arrivée au monde d’un enfant en difficulté. 

 
Grâce aux progrès de l’échographie, il est devenu possible d’obtenir l’image d’un foetus vivant au sein de l’utérus maternel et de la comparer aux modèles anatomiques que l’on connaissait déjà. Ce foetus, que l’on pouvait enfin voir avant même de le sentir bouger ou d’écouter ses battements cardiaques, a commencé à devenir une personne à part entière. Dès lors, la progression de l’échographie prénatale, puis de la foetoscopie ont permis d’accéder de plus en plus finement à l’analyse morphologique du foetus. Les malformations congénitales, des grandes « monstruosités » d’Ambroise Paré aux anomalies plus mineures, sont devenues visibles avant la naissance. Certaines, incompatibles avec la vie, ont pu être dépistées. Pour le public, le désir enfoui d’engendrer un enfant sans défaut s’engouffre dans cette voie et exacerbe la notion de risque. Les futurs parents veulent la photo de l’enfant à naître pour enrichir l’album de famille. La société réclame le droit à la santé. Un des premiers moteurs du développement de la médecine prénatale (et des coûts qu’elle engendre) est la société humaine à laquelle nous appartenons.   Figure 1. L’atrésie de l’intestin grêle est à l’origine d’une occlusion néonatale où le pronostic vital est en jeu. Une intervention urgente permettra de lever l’obstacle par une dérivation ou une anastomose. Le monde médical y voit l’opportunité de faire progresser les soins, l’enseignement et la recherche, et les pouvoirs publics pressentent la nécessité de rationaliser les réseaux de prise en charge au regard de la santé publique. La conjonction de ces trois facteurs est à l’origine du formidable essor de la médecine prénatale qui fait désormais partie de la pratique quotidienne. Les questions que posent le diagnostic anténatal Lorsqu’une malformation congénitale est diagnostiquée avant la naissance, la première question qui se pose est celle de sa curabilité, et le couple parental interroge les médecins, et Internet, sur l’origine de l’anomalie. Il reste, presque toujours, dans l’imaginaire collectif, l’idée que l’enfant malformé est une faute parentale, que cela soit par la transmission d’un « mauvais » héritage ou par une inconséquence de comportement pendant la grossesse.   Figure 2. Certains défauts de fermeture de la paroi du tronc sont incompatibles avec la vie comme l’ectopia cordis (A) ou la pentalogie de Cantrell (B). Quelles que soient la gravité de la malformation et la position du couple face à l’annonce de celleci, le rôle médical est aussi de comprendre et d’alléger cette charge de culpabilité. Face au diagnostic, le médecin, fidèle au serment d’Hippocrate, n’a d’autre choix que de soulager la souffrance du patient et de mettre en oeuvre son art pour le guérir, si c’est possible. La particularité de l’exercice prénatal est ici que le patient est un ensemble complexe composé au moins du foetus et de ses parents. La souffrance n’y est pas également répartie, ni dans le corps et l’esprit, ni dans le temps à venir. Si l’anomalie est létale, sans ressource thérapeutique, la situation est douloureuse, mais finalement assez simple. L’accompagnement du couple peut se faire soit vers l’interruption de la grossesse, soit vers une issue paisible pour l’enfant gravement malformé, ce qui est une demande actuellement de plus en plus fréquente. Les difficultés concernent tous les cas où le pronostic vital de l’enfant est possiblement engagé, et ceux où le traitement est susceptible de laisser des séquelles dont l’impact sur la qualité de vie future est forcément partiellement subjectif. La démarche de soins en prénatal y sera toujours faite d’un mélange de science et d’humanité partagée, où les mots d’information claire, complète et loyale prennent tout leur sens. Chaque situation de ce genre devra trouver son propre chemin de prise en charge en fonction de la pathologie foetale, du couple parental et de l’équipe qui les accompagne. La démarche de soins en prénatal doit toujours être faite d’un mélange de science et d’humanité partagée. Les cas les plus satisfaisants sont évidemment ceux où la malformation est curable et peut guérir sans séquelles, éventuellement sous réserve d’une prise en charge néonatale rapide et organisée à l’avance. Un traitement précoce reste souvent un gage d’amélioration du pronostic dans tous les domaines de la médecine, y compris si le patient est un foetus.   Les pathologies accessibles à la chirurgie Les premières images pathologiques que les ultrasons ont su mettre en évidence sont les dilatations liquidiennes, urinaires, digestives et cérébrales.   Figure 3. L’omphalocèle est une coelosomie moyenne où les malformations associées sont présentes dans un tiers des cas. Lorsqu’elle est isolée, cette malformation est curable chirurgicalement. Le diagnostic prénatal permet de prévoir une prise en charge adaptée en centre spécialisé dès la naissance. ● Les uropathies malformatives sont de loin les plus fréquentes (1/200 grossesses) et le recul est désormais suffisant pour mesurer les progrès accomplis. En 1970, près de la moitié des patients adultes inscrits en hémodialyse étaient porteurs de séquelles à long terme d’une uropathie malformative non ou mal traitée dans la petite enfance. Les néphrectomies réalisées chez des enfants de 8 à 12 ans pour les mêmes raisons étaient courantes. Le nombre de reins sauvés par le diagnostic prénatal est inestimable. En termes de prise en charge au quotidien et de progrès de santé publique, il s’agit là d’un des plus importants apports du diagnostic prénatal. En 1970, près de la moitié des adultes inscrits en hémodialyse étaient porteurs de séquelles à long terme d’une uropathie malformative congénitale. ● Les dilatations digestives peuvent concerner tous les segments de l’intestin primitif. Les dilatations qui siègent sur l’intestin moyen sont le fruit d’accidents de la croissance foetale, il n’y a donc pas, en règle, de malforma tions associées. Les atrésies digestives nécessitent une prise en charge néonatale immédiate et une intervention chirurgicale rapide pour lever l’occlusion intestinale (figure 1) et sauver la vie du nouveau-né. L’existence d’un diagnostic prénatal permet un transfert in utero vers un centre spécialisé où l’intervention urgente pourra être programmée. La mortalité des atrésies digestives a, de ce fait, radicalement chuté ces vingt dernières années. L’atrésie de l’oesophage (1/3 000 naissances) reste plus difficile à reconnaître in utero et n’est souvent que suspectée, voire non vue, car l’imagerie prénatale ne sait pas encore « tout faire ». ● Les défauts de formation de la paroi du tronc peuvent correspondre à des défauts de fermeture précoce lors de la première délimitation de l’embryon ou à des accidents plus tardifs de la croissance embryonnaire ou foetale. Certaines sont incompatibles avec la vie (figure 2), d’autres vont guérir sans séquelles dans plus de 90 % des cas (figures 3 et 4). Le diagnostic prénatal permet de les différencier et de faire la part des embryopathies, où les malformations associées sont fréquentes, et des accidents de la croissance où elles sont absentes. Figure 4. Le laparoschisis est un défaut de la croissance pariétale du foetus et ne s’accompagne pas de malformation associée. Son traitement néonatal dans de bonnes conditions, grâce à une prise en charge précoce, dès avant la naissance, permet une guérison dans plus de 90 % des cas. Dans ces cas, lorsque la malformation est isolée ou que les malformations associées sont curables, le transfert in utero vers un centre spécialisé et la prise en charge immédiate permettent une amélioration significative du pronostic. Dans certains cas de laparoschisis (figure 4), une amnio-infusion en période prénatale permet de diminuer les lésions intestinales liées à l’extériorisation des anses et à la compression du mésentère. ● Les hernies diaphragmatiques proviennent d’un défaut du développement du septum transversum. C’est une embryopathie avec des malformations associées dans un tiers des cas. Il en résulte une absence de tout ou partie d’une coupole diaphragmatique. L’ouverture diaphragmatique permet aux viscères abdominaux de se développer dans le thorax et de comprimer les poumons et le coeur (figure 5). Si le foie est intra-abdominal le taux de survie dépasse 90 %, s’il est intrathoracique la survie ne dépasse pas 10 %. De nombreuses études ont été entreprises pour mieux apprécier le pronostic avant la naissance et adapter la thérapeutique à la gravité de la maladie. Grâce aux progrès de la réanimation, le pronostic global de survie est passé, toutes formes confondues, de 50 à 60-70 %, mais il reste sévère.   Figure 5. La hernie diaphragmatique congénitale conduit à la compression des poumons et du coeur pendant la vie intra-utérine. Les lésions continuent de s’aggraver au fil de la gestation, ce qui a conduit à envisager des traitements in utero. La notion d’aggravation des lésions pulmonaires au cours de la grossesse a conduit à développer des pistes de traitement chirurgical prénatal de cette anomalie. C’est ainsi que dans les formes graves, on peut avoir recours à la chirurgie in utero. Initialement ouverte (figure 6) dans les années 90, celle-ci est devenue moins invasive ces dernières années par la mise en place de ballonnets intratrachéaux, dont le but est d’agir avant la phase alvéolaire du développement pulmonaire (26 SA) pour enrayer l’aggravation des lésions à mesure que la gestation progresse. Cette évolution technique montre que la médecine et la chirurgie foetale, nées il y a 30 ans, ont encore une marge de progression importante. La médecine et la chirurgie foetale, nées il y a 30 ans, ont encore une marge de progression importante.   Conclusion L’obtention d’un meilleur traitement, avant et après la naissance, et l’amélioration radicale du pronostic de nombreuses malformations congénitales curables chirurgicalement expliquent l’essor de la médecine prénatale. Dans le même temps, la réanimation néonatale et la prise en charge pédiatrique des nouveau-nés prématurés a progressé de façon spectaculaire. Toutes ces avancées sont le fruit des recherches multidisciplinaires. La mise en place de formations spécifiques à partir des centres de diagnostic prénatal universitaires contribue à la diffusion du savoir et à l’augmentation du nombre des praticiens impliqués dans les divers secteurs concernés.   Figure 6. Chirurgie foetale à utérus ouvert. Le foetus est extériorisé et monitoré avant la réparation chirurgicale proprement dite. La prise en charge des fentes labiopalatines, des anomalies du système nerveux, des malformations des membres, des maladies génétiques, des anomalies du développement de l’appareil génital, des malformations ano-rectales et d’autres anomalies, va continuer de bénéficier des progrès de la médecine prénatale et cette revue est loin d’être exhaustive. La société, elle aussi, évolue, et le nombre de couples qui ne demandent pas d’interruption de la grossesse pour des raisons personnelles, morales ou religieuses, est en augmentation. Le monde médical doit apporter des réponses puisque son devoir est de soigner, et c’est à la société de définir les moyens qu’elle souhaite y consacrer.

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