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Dermatologie

Publié le 09 nov 2008Lecture 12 min

Diagnostic des alopécies chez l’enfant

V. DESCAMPS, Service de dermatologie, Hôpital Bichat Claude Bernard, Paris

Les causes d’alopécie chez l’enfant sont dominées par quatre affections : l’effluvium télogène, la pelade, la trichotillomanie et les teignes tondantes. Le plus souvent le simple examen clinique avec un bon interrogatoire suffira au diagnostic.

 
Rarement, en cas d’alopécie congénitale, l’alopécie pourra être la conséquence d’une maladie génétique liée soit à une atteinte de la tige pilaire (dysplasie pilaire) ou de la structure même du follicule pileux (dysplasie ectodermique souvent associée à d’autres anomalies de l’ectoderme), soit liée à de rares maladies, telles que l’atrichie avec lésions papuleuses folliculaires (APL) (en relation avec une mutation du gène hairless). Exceptionnellement, des alopécies localisées cicatricielles pourront nécessiter une biopsie du cuir chevelu. Tout comme pour l’adulte, le traitement d’une alopécie chez l’enfant est bien sûr dépendant de ses causes. Ces alopécies peuvent, en particulier pour la pelade, avoir un retentissement psychologique important non seulement pour l’enfant mais aussi pour les parents. Certaines alopécies (trichotillomanie, pelade) peuvent aussi témoigner de problèmes psychologiques qu’il faudra savoir prendre en charge.   Rappel physiologique Le follicule pileux est une structure dont la mise en place s’ébauche entre la 9e et la 12e semaine de gestation tout d’abord au niveau de ce qui deviendra les sourcils et la lèvre supérieure. Ce n’est que dans un deuxième temps que les follicules pileux qui donneront naissance aux cheveux et aux poils se développeront selon une direction céphalocaudale pour un développement complet à la 22e semaine. Les premiers cheveux et poils seront un lanugo dont la tige pilaire est fine, sans médullaire et peu pigmentée (qui tombera entre le 8e et le 9e mois de la gestation) et sera remplacé dans un premier temps par un nouveau lanugo, qui tombe dans la première semaine après la naissance, puis par un duvet ou « vellus hair » avant de devenir un cheveu terminal. La formation des follicules pileux est un modèle tout à fait exemplaire de développement qui intéresse non seulement les dermatologues, mais de nombreux chercheurs en biologie cellulaire. La genèse d’un follicule pileux est en effet très complexe. Elle est la conséquence d’une interaction entre l’ectoderme et le mésoderme. Cette structure est tout à fait originale, car elle restera tout au long de la vie une structure dynamique évoluant suivant un cycle d’involution et de régénération : le cycle pilaire.   Le cycle pilaire Ce cycle pilaire est important à connaître pour comprendre les différents types d’alopécie (figure 1).   Figure 1. Cycle pilaire. Il est composé de trois phases qui se succèdent : la phase anagène qui dure de 3 à 6 ans, concerne la majorité des cheveux (80 %) et correspond à la phase de production de la tige pilaire ; la phase catagène intermédiaire durant quelques semaines, avec arrêt des synthèses ; et la phase télogène durant 3 à 6 mois au cours de laquelle le bulbe est ascensionné. Les cheveux peuvent alors être extraits par une simple traction. Ce sont les cheveux que nous retrouvons tous les matins dans notre cuve de douche. Cela correspond en moyenne à 50 à 100 cheveux. Alors qu’un follicule est en phase télogène, déjà dans le même temps s’ébauche un nouveau cycle avec « recréation » d’un nouveau bulbe pilaire qui donnera naissance à une nouvelle tige pilaire. Ce cycle pilaire est sous la dépendance de nombreux facteurs : saison, stress, hormones, médicaments… La multiplicité de ces facteurs illustre la complexité des éléments régulant le cycle pilaire. Cette « regénération » régulière tout au long de la vie des follicules pileux est sous la dépendance de la papille dermique, véritable « tour de contrôle » induisant la migration de cellules souches kératinocytaires et mélanocytaires situées au niveau d’une zone renflée qui se trouvent au point d’insertion du muscle arecteur, le « bulge » (figure 2).   Figure 2. Cellules souches folliculaires localisées au bulge. Principaux mécanismes d’une alopécie Une alopécie peut être la conséquence : •  d’une anomalie de la structure pilaire (dysplasie ectodermique) ou d’une anomalie de la tige pilaire (dysplasie pilaire) ; •  d’une destruction de la tige pilaire (teignes) ou d’un traumatisme du follicule pileux (trichotillomanie) ; •  d’une destruction du follicule pileux par une maladie inflammatoire (pseudo-pelade...) ; •  d’une diminution de la production de cheveux liée à une maladie auto-immune (pelade), une anomalie hormonale (dysthyroïdie…), une carence (fer, zinc…), une prise médicamenteuse (chimiothérapie…) ; •  d’une chute de cheveux excessive (effluvium télogène).   Quelques chiffres La densité (histologique) en follicule pileux du cuir chevelu diminue au cours du temps traduisant l’augmentation de la surface du cuir chevelu : elle est de 1 135/cm2 à la naissance, de 795 entre 3 et 12 mois, puis de 615 entre 20 et 30 ans.   Principales étiologies des alopécies chez l’enfant Les causes d’alopécie sont donc nombreuses. Nous développerons ici les principales. Après avoir recherché à l’interrogatoire une éventuelle histoire familiale et la présence d’autres anomalies, l’examen clinique précisera le caractère localisé ou diffus, l’aspect du cuir chevelu (sain ou inflammatoire, cicatriciel, présence de folliculites), les résultats du test de traction (une traction douce sur 10 cheveux ne retire normalement que 1 à 2 cheveux en phase télogène) et les anomalies associées.   Effluvium télogène De façon physiologique, la première et la deuxième chute du lanugo se fait dans une direction antéropostérieure. Chez le nouveau- né et pendant les 4 premiers mois, les cheveux sont encore synchronisés. L’alopécie occipitale est liée à la chute de ces cheveux entrés en même temps en phase télogène. Ensuite, les différents follicules formeront comme une mosaïque avec une désynchronisation des cycles. À l’occasion d’un stress, d’une intervention chirurgicale, d’une forte fièvre peut survenir un effluvium télogène. Il s’agit alors d’une alopécie témoignant d’une entrée prématurée des cycles pilaires de nombreux follicules vers la phase télogène avec une chute des cheveux survenant 3 mois après l’événement à l’origine de cet effluvium. La chute des cheveux est transitoire avec une repousse spontanée. Un effluvium télogène peut survenir à l’occasion d’un stress, d’une intervention chirurgicale ou d’une forte fièvre. Pelade La pelade est une maladie autoimmune dont le diagnostic clinique est généralement aisé. Elle réalise à la phase d’état une plaque alopécique complètement glabre, non inflammatoire (figure 3), avec en périphérie des cheveux en point d’exclamation (par amincissement à leur base de la tige pilaire) ou cadavérique facilement extrait au test à la traction. Typiquement, il s’agit d’une ou plusieurs plaques de taille variable. Le diagnostic peut être conforté par la mise en évidence au vidéomicroscope d’un aspect particulier : halo jaunâtre périfolliculaire (figure 4). Elle peut affecter aussi les autres follicules pileux (poils, sourcils, cils) et les ongles (donnant un aspect grèsé). Les formes sévères correspondent aux pelades avec début précoce, les formes étendues (décalvante totale et universelle), certaines localisations (ophiasique) (figure 5). Figure 3. Plaque de pelade typique. Figure 4. Vidéomicroscopie à la périphérie d’une plaque de pelade. Figure 5. Pelade décalvante totale. Cette affection est la conséquence d’une infiltration lymphocytaire au contact du follicule pileux en phase anagène avec arrêt de la croissance du cheveu. Il n’y a pas de destruction du follicule pileux. La pelade peut parfois apparaître dans les suites d’un choc affectif ou d’un stress. Il ne faut toutefois pas considérer la pelade comme un marqueur de problème psychologique, celle-ci pouvant évoluer en absence de toute circonstance déclenchante évidente. A contrario, elle peut être responsable de troubles psychologiques. L’évolution se fait ainsi le plus souvent vers une repousse spontanée, avec une phase de repousse sous la forme d’un duvet blanc, voire de cheveux blancs (figure 6).   Figure 6. Repousse blanche d’une plaque de pelade. En absence de repousse spontanée, différents traitements pourront être proposés dont la corticothérapie locale, le minoxidil topique. La corticothérapie générale, la sensibilisation topique par la diphencyprone sont d’utilisation plus difficile chez l’enfant. La puvathérapie n’est pas utilisée chez l’enfant. Chez les jeunes enfants, l’abstention thérapeutique est le plus souvent adoptée avec un suivi régulier. Une prise en charge psychologique sera proposée. Il ne faut pas considérer la pelade comme un marqueur de problème psychologique. Teignes Les dermatophytes sont responsables des teignes tondantes. Il s’agit aujourd’hui principalement d’agents à transmission interhumaine (Trichophyton soudanense, Trichophyton schoenleinii, Trichophyton tonsurans…) plutôt que d’agents à transmission animale (Microsporum canis...) (figures 7 et 8). Le diagnostic doit être évoqué systématiquement devant toute plaque alopécique, avec aspect de cheveux coupés courts et présence de lésions squameuses, érythémateuses ou de folliculite. Elles s’observent le plus souvent entre 3 et 7 ans. Le kérion est une forme clinique inflammatoire pouvant s’associer à des adénopathies et de la fièvre. Le diagnostic est confirmé par prélèvement par grattage et application d’une « moquette » pour examen au direct (à la recherche de filaments mycéliens) puis mise en culture sur milieu de Sabouraud. La culture est longue et nécessite 3 semaines. Le traitement repose sur la griséfuline à 20 mg/kg/j pendant 8 semaines. Le traitement local seul est insuffisant. Les autres membres de la fratrie et la mère devront être examinés et traités en cas de prélèvement positif (pour rechercher des porteurs aymptomatiques) ou au moindre doute. Des études récentes sont en faveur de traitements de plus courte durée comme la terbinafine pendant 4 semaines ou l’itraconazole pendant 2 semaines ou enfin le fluconazole qui ne disposent pas encore de l’AMM en France. Le traitement local sera associé pour limiter la période de contagiosité. Il ne faudra pas oublier de désinfecter les peignes, brosses, bonnets… L’éviction scolaire est préconisée en cas de teigne anthropophile jusqu’à vérification que l’enfant n’est plus contagieux par un nouvel examen direct.   Figure 7. Teigne trichophytique. Figure 8. Teigne microsporique. Trichotillomanie et pratiques cosmétiques La trichotillomanie et certaines pratiques cosmétiques (sociales ou culturelles) peuvent être à l’origine d’alopécie traumatique, tout comme de réels traumatismes du cuir chevelu (physique, chimique ou thermique). La trichotillomanie est la conséquence d’une manipulation compulsive des cheveux (traction à la main ou à l’aide de peigne, grattage...) consciente ou non, à l’origine d’une fracture de la tige pilaire et d’une destruction au long cours des follicules pileux. Elle peut s’observer entre 2 à 6 ans, avec un pic à 6 ans ou à l’âge prépubertaire. Elle réalise typiquement une alopécie localisée, mais peut prendre une présentation diffuse trompeuse (figure 9). Elle témoigne le plus souvent d’un problème psychologique voire psychiatrique. L’examen clinique, en particulier au vidéomicroscope, permet de voir les cheveux traumatisés et ce diagnostic peut être confirmé par un examen histologique montrant des traumatismes du follicule pileux avec des hémorragies périfolliculaires. La trichotillomanie s’observe entre 2 à 6 ans, avec un pic à 6 ans, ou à l’âge prépubertaire. Certaines pratiques cosmétiques (sociales ou culturelles) par défrisage chimique ou physique, traction par tressage pourront être à l’origine d’alopécie par traction chez les jeunes filles afroantillaises. Cet aspect est toutefois le plus souvent observé plus tardivement chez la femme après plusieurs années de ces pratiques cosmétiques (figure 10). Typiquement, il existe un éclaircissement aux pourtours des oreilles, ophiasique (occipital) et frontotemporal.   Figure 9. Trichotillomanie. Figure 10. Alopécie par traction chez l’adulte. Quelques particularités Le dessin formé par l’implantation des cheveux en spirale ou trichoglyphe peut être modifié en particulier en cas de malformations neurologiques sous-jacentes qui seront à rechercher ou s’observent en cas de syndrome dysmorphique (trisomie 21). Devant une alopécie circonscrite à la naissance devront être évoqués en fonction du siège et de l’aspect du cuir chevelu :   une aplasie cutanée en aire congénitale par défaut de fermeture du cuir chevelu in utero, avec possible cicatrisation dirigée à partir des berges laissant place à une zone glabre ou présence à la naissance d’une ulcération.     Plus rarement, un traumatisme obstétrical ou une pression sur le cuir chevelu.     Un nævus dont le diagnostic sera facilement évoqué cliniquement : nævus verrucosébacé devant une coloration un peu jaunâtre et verruqueuse qui deviendra plus évidente au cours du temps.     Une alopécie triangulaire temporale liée à l’absence de follicule pileux dans une zone de la région temporale.     Exceptionnellement, une plaque alopécique isolée peut révéler, surtout si elle est médiane, une malformation neurologique telle qu’un méningocèle.     Une pseudo-pelade avec un aspect anormal inflammatoire ou cicatriciel, atrophique, scléreux du cuir chevelu devant faire discuter les diagnostics de lichen pilaire ou lupus chronique (figure 11).     Figure 11. Pseudo-pelade. Devant une alopécie diffuse congénitale, d’autant plus qu’il existe une histoire familiale, devront être recherchés : • des anomalies du cheveu évoquant une dysplasie pilaire qui sera précisée par une étude en lumière polarisée ; • des anomalies associées « ectodermiques » : dysmorphie, neurologiques, dentaires, trouble de la sudation en faveur de dysplasies ectodermiques. Les alopécies chez l’enfant peuvent donc avoir des origines variées, mais restent en prévalence dominées par des affections dont le seul examen clinique (parfois aidé d’un examen mycologique) permettra d’orienter et le plus souvent poser le diagnostic. Le rôle majeur des cheveux et de la coiffure dans notre société comme image de soi ne fait que rajouter au retentissement psychologique de toute affection pouvant être à l’origine d’une alopécie. Cette dimension est toujours à prendre en compte.

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