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Psycho-social

Publié le 05 juil 2015Lecture 10 min

Risques de noyade en piscine

J. LAVAUD, Pédiatre réanimateur, Président du Comité national de l’enfance, Ancien responsable du SMUR pédiatrique de l’Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris

Malgré quelques progrès, les noyades des enfants en piscines, notamment privées, restent trop nombreuses et grevées d’une mortalité élevée. La loi de 2003 et la réglementation qui en découle n’ont pas permis de les réduire de façon importante. Elle est insuffisamment appliquée et ne peut être contrôlée. La surveillance rapprochée et effective des adultes reste le meilleur garant de la prévention.

Les noyades de l’enfant représentent un très faible pourcentage des accidents de l’enfant (entre 400 et 450 noyades chaque année), mais la première cause de mortalité accidentelle, avant les chutes et les brûlures(1,2). La part qui revient aux noyades en piscine a régressé depuis 2003, après le vote de la loi sur l’obligation d’installer un système de sécurité pour les piscines enterrées, familiales ou privées à usage collectif. Cependant, le risque en piscine n’est pas uniquement celui de la noyade, ce peut être également un traumatisme crânien ou cervical, pouvant générer des séquelles irréversibles, surtout motrices. Depuis de nombreuses années, les pouvoirs publics, les organismes et associations privés ou semi-publics, mènent des campagnes annuelles de prévention pour limiter le risque en piscine, car une information permanente doit s’associer aux dispositions législatives et réglementaires. Enfin, rien ne saurait remplacer la surveillance humaine rapprochée, indispensable, alors qu’elle fait souvent défaut dans de nombreux cas de noyade, notamment de l’enfant de moins de 10 ans.   Les différents types de piscine   On distingue : – les piscines privées familiales enterrées et les bassins hors-sol ; – les piscines privées à usage collectif ; – les piscines publiques ou privées à accès payant. Plus de 50 000 piscines enterrées sont en général construites chaque année ; leur nombre a doublé en 12 ans, passant de 720 000 en 2000 à 1 248 000 en 2006 et 1 661 550 au recensement de décembre 2012, selon les données de la Fédération des professionnels de piscines. Ce nombre recense les piscines enterrées et les hors-sol, dont le nombre exact ne peut être déterminé en raison des ventes en kit.   Les noyades en piscine : un constat inquiétant(3)   Même si les enquêtes ne couvrent que 4 mois d’exploitation, du 1er juin au 30 septembre, celles menées par l’Institut national de veille sanitaire (InVS) en 2003, 2004, 2006, 2009 et 2012, ont un intérêt épidémiologique certain. Elles recensent le nombre de cas de noyade observés, selon leurs caractéristiques principales liées au sexe, à l’âge, aux circonstances de survenue et à l’évolution (décès, séquelles, vivant sans séquelle).   Typologie générale   Les noyades survenant en piscine privée ou publique concernent des enfants ne sachant pas nager (45 %), échappant à la surveillance d’un adulte (56 %) ou chutant fortuitement dans l’eau (32 %). Les taux d’incidence de noyade les plus élevés sont relevés chez les enfants de moins de 6 ans. Quand on suit l’évolution des noyades d’enfants au fil des années et des enquêtes, on note que leur nombre reste élevé, mais que la mortalité baisse (tableau 1). PPFE : piscine privée familiale enterrée ; PPUC : piscine privée à usage collectif ; PPPap : piscine publique et privée à accès payant ; N : nombre ; DC : décès ; S : séquelles. Ainsi, pour les piscines familiales enterrées ou non, et les piscines privées à usage collectif, le nombre de décès a chuté de 25 à 11 de 2003 à 2012. Du fait que le nombre de piscines privées a explosé en 10 ans, le taux de noyades pour 100 000 piscines est passé de 18 en 2003 à 9,33 en 2012, soit une diminution de près de la moitié. Les pics observés en 2003, année de la canicule, et en 2006 (fortes chaleurs), sont liés à l’augmentation de la fréquentation des lieux de baignade lorsque la température extérieure est élevée. Quatre régions sont préférentiellement touchées : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et Aquitaine. Elles sont suivies de près par la région Rhône-Alpes, celle des pays de Loire, et toutes les régions au sud de la Loire, très ensoleillées et chaudes.   Les enseignements de la dernière enquête 2012 de l’InVS(4)   Pour les piscines enterrées et hors-sol   Plus de la moitié des accidentés (n = 87 ; 55 %) était âgé de moins de 6 ans et 56 % (n = 89) étaient de sexe masculin. Soixante-treize pour cent des noyés résidaient dans le département où est survenu l’accident (tableau 2). PPFE : piscine privée familiale enterrée ; PPUC : piscine privée à usage collectif ; PPPap : piscine publique et privée à accès payant ; N : nombre ; DC : décès ; S : séquelles. Sur les 100 piscines enterrées où une noyade a eu lieu, 67 seulement possédaient un dispositif de sécurité. Dans les noyades en dehors de la baignade, un tiers des piscines étaient hors-sol et non intéressées par le dispositif législatif et réglementaire de 2003 à 2006. Sur les 39 noyades d’enfants de moins de 6 ans, 21 ont eu lieu en dehors de la baignade. Deux ont été suivies de décès. Dans ces deux cas, l’abri n’était pas en place et le portillon de la barrière était resté ouvert, sans surveillance. Pour 19 noyades non suivies de décès, 14 ont eu lieu en présence d’un système de sécurité (6 alarmes, 6 barrières, 2 couvertures), mais 4 seulement étaient conformes aux dispositions réglementaires. Dans un cas, l’alarme n’a pas fonctionné, mais dans 10 cas, les dispositifs n’étaient pas activés au moment de l’accident par chute accidentelle, et un défaut de surveillance a été constaté. Trois enfants seulement portaient un équipement de protection individuel (EPI) comme le gilet flottant ou des brassards. Quatre noyades d’enfants entre 6 et 12 ans sont survenues lors d’une activité de baignade sans aucun décès.   Pour les piscines privées enterrées à usage collectif (PPUC)   Sur 47 cas, 20 noyades sont survenues chez les moins de 6 ans, toutes au cours d’une baignade, mais aucun décès. En revanche, sur les 14 noyades survenues chez des enfants de 6 à 12 ans, également au cours d’une baignade, 4 ont été suivies d’un décès.   Pour les piscines publiques ou privées d’accès payant   L’enquête a recensé 35 victimes de moins de 19 ans, mais 30 d’entre elles avaient moins de 12 ans (tableau 3). Elles ont été toutes enregistrées lors d’une baignade, mais 50 % des victimes ne savaient pas nager, 43 % n’étaient pas surveillées et 69 % étaient des garçons. Il n’y a eu que 5 décès (14,5 %). Cette faible mortalité est certainement à mettre sur le compte de la rapidité et de l’efficacité des secours prodigués par les maîtres nageurs et les surveillants éducateurs.   Dispositions législatives et réglementaires en vigueur   Suite à la loi du 3 janvier 2003 relative à la sécurité des piscines privées, un décret d’application a été publié au JO le 1er janvier 2004(5). Depuis cette date, les piscines privées nouvellement construites, à usage individuel ou collectif, doivent être pourvues d’un dispositif de sécurité visant à prévenir les risques de noyade. Depuis le 1er mai 2004, les piscines existantes dans des habitations en location saisonnière doivent être pourvues d’un tel dispositif. Depuis le 1er janvier 2006, toutes les autres piscines existantes doivent en être équipées. Les dispositifs de sécurité normalisés, que les propriétaires et futurs propriétaires de piscine privée ont l’obligation de faire installer sont : – des barrières de protection dont la hauteur minimale est de 1 m, 10 m entre deux points d’appui ; – des couvertures de sécurité fixées efficacement et hermétiquement au pourtour de la piscine, sans possibilité pour l’enfant de pouvoir se glisser dessous ; – un abris de piscine à refermer après son utilisation. Son ouverture ne doit pouvoir s’effectuer que par un adulte ; – des alarmes électroniques de piscine, qui nécessitent la présence d’un adulte à proximité immédiate, capable d’intervenir, si le système de détection se déclenche. À noter qu’au cours des baignades, ils sont désactivés et que seule une surveillance humaine, effective et rapprochée, permanente d’un adulte peut empêcher une noyade.   Les insuffisances de la réglementation et les erreurs   Pour les piscines privées familiales   Les bassins hors-sol, très nombreux, environ un tiers du total des piscines familiales, ne sont pas couverts par la réglementation. Les portillons n’ont pas l’obligation d’être automatiques, avec un déclencheur d’entrée à la hauteur de la tête d’un adulte. Un portillon resté ouvert n’offre plus aucune sécurité pour les moins de 6 ans, qui sont les principales victimes. Certains confondent couvertures de sécurité et bâches souples flottantes, qui ne sont pas des équipements de protection. Si l’enfant tombe ou marche dessus, la bâche s’enfonce dans l’eau et piège l’enfant, qui va être empêtré dedans, provoquant rapidement la noyade. Les alarmes électroniques doivent être vérifiées régulièrement, notamment avant la saison de baignade, car les piles s’usent et le système devient inopérant. En outre, par grand vent, mistral en PACA, tramontane ou vent d’autan en Languedoc-Roussillon, les propriétaires arrêtent les alarmes électroniques pendant plusieurs jours pour éviter qu’elles se déclenchent intempestivement. Les équipements de protection individuels sont peu utilisés chez les enfants qui ne savent pas nager. Les adultes sous-estiment le risque avec les piscines privées familiales, quand les enfants jouent à proximité du plan d’eau, car ils pensent qu’ils pourront intervenir rapidement, ce qui est faux. Les plongeons dans une eau peu profonde sont à l’origine de traumatismes crâniens ou cervicaux, pourvoyeurs de séquelles motrices graves, comme une paraplégie ou une tétraplégie. La profondeur des bassins privés doit être inscrite sur le bord comme pour les piscines publiques. En 2007, la région Aquitaine avait enregistré en deux mois 7 accidents dramatiques de ce type.   Concernant les piscines publiques   • La pratique de l’apnée est interdite et inscrite dans le règlement de toutes les piscines publiques. Cela n’a pas empêché la survenue d’un nouvel accident en octobre 2013 ; l’enfant était en arrêt cardiaque lors du repêchage. • La présence d’un maître nageur autour du bassin est obligatoire, tant qu’il existe un seul baigneur dans l’eau ou autour du bassin. Elle devrait être aussi obligatoire tant que la piscine n’est pas vide de tout public. Des accidents, certes rares, surviennent encore lorsqu’un enfant échappe à la surveillance dans les douches ou les vestiaires et retourne à l’eau à l’insu de tous. • Des enfants ont été bloqués sur la bonde d’aspiration au fond du bassin, entraînant noyade ou graves lésions du périnée. Certes, il existe désormais une grille de protection au-dessus qui doit être en permanence en place, et un système d’arrêt immédiat de l’aspiration dans le local technique de l’établissement. Il serait souhaitable qu’un gros poussoir d’arrêt de couleur rouge soit également installé autour du bassin, comme cela se fait au niveau des escalators, pour gagner du temps. Dans tous les cas, il faut encourager les parents à faire porter un EPI (équipement piscine import) à tous les enfants qui ne savent pas nager, que ce soit pour la baignade ou pour des jeux autour du bassin. Il faut recommander l’apprentissage de la natation dès l’âge de 6 ans, quand l’enfant a acquis une bonne coordination motrice au niveau de ses membres supérieurs et inférieurs. Une surveillance rapprochée, effective et permanente d’un adulte est nécessaire pour que la joie d’aller à l’eau ou de jouer dans l’eau ne se transforme pas en drame. Aucun dispositif ne remplace une bonne surveillance.

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