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Pédiatrie générale

Publié le 04 nov 2012Lecture 12 min

Paralysie faciale périphérique de l’enfant : que faire dans l’immédiat et quel suivi ?

N. TEISSIER, Hôpital Robert Debré, Paris

La paralysie faciale (PF) concerne une personne sur 2 000 par an. Dans 70 % des cas, adultes et enfants, il s’agit d’une paralysie faciale de Bell ou a frigore. Celle-ci est d’évolution le plus souvent favorable.

Chez l’enfant, il faut différencier les paralysies faciales acquises (PF), des congénitales rentrant éventuellement dans le cadre d’un syndrome. Cependant, toute la complexité de la prise en charge des paralysies faciales réside dans l’importance de ne pas méconnaître une paralysie faciale d’une autre origine, pour laquelle le pronostic et le traitement peuvent être spécifiques. Il ne faut donc poser le diagnostic de PF a frigore qu’après élimination des autres diagnostics. Certains critères cliniques ou nosologiques doivent donc être considérés comme des signaux d’alerte remettant en doute le diagnostic de paralysie faciale simple.   Comment reconnaître une paralysie faciale ? La paralysie faciale périphérique se définie par une immobilité plus ou moins marquée de l’hémiface correspondante, touchant le territoire supérieur ainsi que le territoire inférieur. Au niveau du territoire supérieur, on constate la disparition des rides frontales. L’oeil est ouvert, les battements palpébraux sont rares ou inexistants. Le signe de Bell se caractérise par le roulement postérieur de l’oeil lors de la fermeture palpébrale, alors que le signe de Souques se définit par l’existence de cils plus long du côté de la PF lors de la fermeture des yeux. Le sillon naso-génien est effacé. Au niveau du territoire inférieur, la bouche est déviée du côté sain et la déformation est particulièrement visible lors des pleurs ou des rires. On peut aussi retrouver le signe de la pipe, avec un défaut d’étanchéité labiale au gonflage des joues. Par ailleurs, s’y associent l’absence de larme et une hyposialie du côté paralysé. À l’examen audiométrique, le réflexe stapédien peut être aboli en fonction de la hauteur de l’atteinte sur le trajet du nerf facial. La gravité de l’atteinte peut être évaluée selon la gradation de House et Brackman qui cote de I à VI l’importance de la paralysie faciale (tableau 1) ou par la gradation de Freyss qui répartit l’hémivisage en dix groupes musculaires. L’activité musculaire de chacun est chiffrée de 0 (absence de mouvement) à 3 (mobilité normale) pour un total maximal de 30 (figure 1).   Quels autres signes faut-il rechercher lors de l’examen initial ? L’interrogatoire doit préciser le mode de survenue, l’existence de la PF dès la naissance ou secondaire, et la vitesse d’installation. La douleur ou l’existence de céphalées ne sont pas retrouvées dans les tableaux de PF simples. On recherchera l’existence d’une baisse de l’audition, d’acouphènes, une notion de traumatisme ou de vertiges. L’examen clinique doit s’appliquer à rechercher des signes associés qui remettraient en question le diagnostic de PF de Bell. En particulier, il faut savoir éliminer une atteinte centrale, dont la prise en charge sera différente et surtout plus urgente. En effet, dans le cas d’une atteinte centrale (en dehors de l’atteinte du noyau du VII), compte-tenu de l’innervation croisée du territoire supérieur, on ne retrouve qu’une atteinte de l’hémiface inférieure. Les autres paires crâniennes doivent être systématiquement explorées.   Tendons l’oreille aux signes ORL L’examen ORL peut permettre d’orienter vers une étiologie locale. En particulier, il faut s’atteler à rechercher des signes de l’oreille externe tels que des vésicules douloureuses du conduit, qui orientent vers une origine zostérienne (4,5 % des PF), et de l’oreille moyenne tels qu’une otite moyenne aiguë (1,3 % des PF), des signes évocateurs d’un cholestéatome ou d’une autre pathologie de l’oreille moyenne. La palpation de la parotide et de la région pétreuse permet de rechercher l’existence d’une lésion tumorale (1,7 % des PF), ceci d’autant plus que l’installation de la PF s’est faite sur plusieurs semaines. De plus, il faut rechercher des signes évocateurs d’une origine traumatique (10 % des PF), telle une chute avec fracture du rocher (4 % des PF). La moindre anomalie retrouvée à l’examen justifie d’effectuer un scanner éventuellement couplé à une IRM. Caractéristiques de la PF a frigore (ou de Bell) La PF de Bell correspond à 60 % des paralysies faciales de l’enfant, soit moins que chez l’adulte. Elle touche autant les garçons que les filles, préférentiellement entre 3 et 15 ans.   Figure 1. Gradation de Freyss Le diabète est reconnu comme un facteur de risque (3 % des PF). La littérature récente suggère le rôle possible de l’Herpes simplex 1 dans l’étiopathogénie de cette pathologie. Elle se caractérise par une parésie de l’hémiface apparaissant en moins de 3 jours, associée aux autres signes d’atteinte du nerf facial, en particulier, une atteinte du parasympathique et une altération du goût au niveau des deux tiers antérieurs de la langue et de la sensibilité du conduit auditif externe. Enfin, on peut retrouver une abolition du réflexe stapédien, qui représente un critère pronostique de récupération quand il est retrouvé. L’évolution est le plus souvent favorable.   Faut-il tiquer sur la maladie de Lyme ? La PF secondaire à une maladie de Lyme est en fait relativement rare sur l’ensemble des PF, mais son incidence varie grandement en fonction de l’endroit géographique : il existe un gradient croissant ouest-est et décroissant nord-sud. La PF peut cependant in- téresser jusqu'à 20 % des phases secondaires de la borréliose. Peuvent s’y associer d’autres signes d’atteintes neurologiques telles qu’une méningo-encéphalite ou radiculite. Figure 2. Empreinte de forceps lors d’une manoeuvre d’extraction compliquée d’une paralysie faciale néonatale transitoire. La PF est le plus souvent d’évolution lente, mais de bon pronostic une fois la maladie causale traitée. Le bilan peut alors comporter une sérologie de borréliose. La nécessité d’une ponction lombaire, qui peut mettre en évidence une réaction lymphocytaire, une hyperprotéinorachie et des IgG spécifiques, reste discutée. Le traitement doit alors comporter un traitement par amoxicilline à 50 mg/kg/j pendant 14-21 jours ou par doxycycline chez les enfants de plus de 8 ans à 4 mg/kg/j, ou encore ceftriaxone 75-100 mg/kg/j pendant 14-21 jours. En cas de méningite associée, le traitement par ceftriaxone sera maintenu 21-28 jours.   Cas particuliers des enfants Chez le nouveau-né, on distingue deux tableaux cliniques : la PF survenue à la suite d’un traumatisme obstétrical (0,2 à 6 % des PF) et les PF congénitales. La première est souvent de bon pronostic, elle serait due à la compression du nerf lors d’une manoeuvre d’extraction in utero ou encore lors du passage de la filière (figure 2) ; elle récupère en quelques semaines. Si on ne note pas de récupération après 2 mois, un bilan radiologique et une éventuelle décompression chirurgicale peuvent être proposés. Elle est à différencier d’une paralysie congénitale sans traumatisme dont on distingue deux types : Figure 3. Paralysie faciale congénitale touchant préférentiellement a) le territoire inférieur ou b) le territoire supérieur. • Les paralysies touchant principalement le territoire inférieur (figure 3a), en particulier dans le cas du syndrome de Cayler (hypoplasie du rameau mentonnier ou du muscle triangulaire, associée à une cardiopathie). Les aplasies majeures, et plus rarement les mineures, peuvent s’accompagner d’une PF, en particulier dans le cas le syndrome oto-mandibulaire par défaut de développement du premier ou deuxième arc. Le syndrome de Goldenhar est plus rare et associe une aplasie majeure, des anomalies cervicales et ophtalmologiques. • Les paralysies intéressant principalement le territoire supérieur (figure 3b), telle la PF faciale congénitale isolée, où le scanner peut retrouver un canal facial étroit au niveau de la troisième portion, mais qui peut aussi être strictement normal. L’atteinte bilatérale nucléaire du syndrome de Moebius se caractérise par une diplégie faciale parfois asymétrique et une paralysie bilatérale du nerf abducens probablement secondaire à une ischémie du tronc cérébral. La PF peut être un des signes d’un syndrome de CHARGE associant un colobome, une cardiopathie, une atrésie des choanes, un retard mental, des anomalies génitales et cochléovestibulaires. Ces atteintes congénitales sont de pronostic moins favorable. Figure 4. Paralysie faciale congénitale isolée chez un enfant : la PF concerne les territoires supérieur et inférieur. Le scanner retrouve à gauche une hypoplasie de la 1re portion du nerf facial dans sa portion intra-pétreuse à droite, alors qu’elle est préservée à gauche. L’IRM ne retrouve que 3 nerfs sur les 4 dans le conduit auditif interne droit : le nerf facial n’est pas retrouvé, mais les nerfs auditif, vestibulaires inférieur et supérieur sont présents. Les quatre sont présents à gauche. Chez l’enfant plus âgé, les mêmes étiologies que chez l’adulte sont retrouvées, avec une incidence plus importante des causes otitiques et virales, en particulier les virus Ebstein-Barr, les parvovi rus, les adénovirus et les oreillons. Dans le contexte traumatique, les PF sont de meilleur pronostic que chez l’adulte car le plus souvent d’apparition secondaire. Enfin, il faut se méfier des pathologies malignes telles que des lymphomes malins non hodgkiniens, des leucémies, d’autres hémopathies. Une acidose métabolique peut aussi se révéler par une PF.   Autres étiologies de PF D’autres pathologies peuvent présenter une PF dans leur tableau clinique ; il faut alors chercher à identifier les autres signes accompagnateurs pouvant orienter le diagnostic. Une méningite peut associer confusion et des signes d’atteinte neurologique. Une séroconversion HIV ou une syphilis tertiaire peut se révéler par une paralysie faciale. La PF peut être révélatrice d’une sarcoïdose par le biais d’un syndrome de Heerfordt associant PF, fièvre, parotidite et uvéite (0,8 % des PF). Les collagénoses et vascularites concernent 0,7 % des PF. Une PF périphérique bilatérale peut compliquer un syndrome de Guillain-Barré, une sarcoïdose, une maladie de Lyme, une myasthénie grave ou encore un syndrome de Melkersson-Rosenthal. Figure 5. Réhabilitation d’une paralysie faciale gauche post-opératoire pour rhabdomyosarcome, alliant une transposition du muscle temporal et une réinnervation du territoire supérieur par une greffe neurale. On note une bonne récupération de la fermeture palpébrale et un tonus satisfaisant labial. Ce dernier tableau associe une PF à bascule ou récidivante, un aspect fissuré de la langue et éventuellement des migraines.   Quel bilan entreprendre ? Le bilan dépend grandement de l’existence de signes associés retrouvés lors de l’examen clinique. En cas de PF a frigore, on pourrait se contenter des constations cliniques, mais l’éventualité d’une PF inaugurale d’une hémopathie chez l’enfant ou d’une autre pathologie infectieuse peut justifier, pour certains, la prescription d’une numération formule sanguine associée au dosage de la CRP. La sérologie de Lyme ne sera demandée qu’en cas de notion de balade en forêt ou d’érythème migrant. En l’absence de récupération après 2 mois, dans un contexte évocateur d’une PF a frigore, une IRM pourra être demandée afin d’éliminer une lésion sur le trajet du nerf facial ; dans le cas de la PF a frigore, on peut retrouver une prise de contraste du nerf. L’audiogramme, mais surtout la recherche de reflexe stapédien peut être utile comme critère pronostique ; la réapparition du réflexe stapédien constitue un élément pronostic favorable. L’électromyogramme permet de confirmer la nature périphérique de la PF, d’établir l’importance de la dénervation et d’évaluer la persistance d’une trophicité du muscle pour une éventuelle réhabilitation. Certains proposent l’élec- troneurogramme pour évaluer de manière plus précise la récupération neurale.   Quel traitement dans l’immédiat et à distance ? Le traitement, dans un premier temps, comporte quatre axes : – les soins oculaires associent des larmes artificielles plusieurs fois par jour et une occlusion palpébrale nocturne après mise en place de la vitamine A en pommade ; – un traitement corticoïdes per os à 1 mg/kg/j pendant une semaine ; – un traitement spécifique de l’étiologie causale, quand elle est retrouvée. Dans le cas de la paralysie faciale a frigore, un traitement antiviral par acyclovir peut être associé pendant une semaine. Une maladie de Lyme sera traitée par antibiothérapie. La prise en charge sera chirurgicale en cas de cholestéatome, de tumeur sur le trajet du nerf facial, avec décompression en cas de PF traumatique.   Figure 6. Arbre décisionnel devant une paralysie faciale de l’enfant. (Clicquez sur l'image pour l'agrandir) – une rééducation précoce sans électrostimulation ni gomme à mâcher, éventuellement basée sur le biofeedback, permettrait d’éviter l’installation de syncinésies. Si, malgré cela, des syncinésies apparaissent, certains proposent des injections de toxines botuliques. Idéalement, le patient sera revu initialement à 15 jours du début de la PF pour apprécier la récupération précoce, puis régulièrement pour évaluer les possibles séquelles et l’installation de complications telles que des syncinésies. En cas d’inquiétude sur l’état oculaire du patient, une consultation ophtalmologique pourra être proposée. La réhabilitation chirurgicale peut être proposée pour des paralysies faciales totales ou subtotales de grade V ou VI. Cependant, la chirurgie ne s’applique pas à des déficits moins importants, car elle ne permet pas d’envisager une récupération fonctionnelle meilleure qu’un grade III. Elle peut être effectuée, soit d’emblée, lors d’un geste nécessaire de sacrifice du nerf facial, soit à distance, devant la non-récupération d’une paralysie faciale non-iatrogène. En cas de paralysie faciale ancienne associée à un muscle hypotrophique, la transposition du muscle temporal sera plus indiquée que l’anastomose nerveuse et permettra de réhabiliter le secteur inférieur avec un transfert musculaire dynamique. Lors d’une section iatrogène en cas de chirurgie parotidienne, une anastomose utilisant une greffe de nerf sural peut être associée à un déroutage du trajet du nerf facial en intrapétreux. En cas d’absence de tronc proximal ou de prise en charge tardive, on peut proposer une anastomose hypoglossofaciale, qui correspond à la technique de référence pour les paralysies faciales post-opératoires après chirurgie de l’angle pontocérébelleux. En fonction de la gêne oculaire et des lésions ophtalmologiques malgré un traitement local bien conduit, la lagophtalmie sera traitée par une suspension canthale latérale, voire une blépharorraphie en cas d’ulcération aiguë.

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