publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Croissance

Publié le 10 oct 2023Lecture 8 min

Conduite à tenir devant une macrocéphalie

Blandine DOZIÈRES-PUYRAVEL, service de neurologie pédiatrique, CHU Robert-Debré, Paris

Le poids, la taille et le périmètre crânien (PC) des enfants sont régulièrement surveillés et reportés sur les courbes du carnet de santé. Il n’est pas possible d’interpréter le PC sans les autres mesures ni de manière isolée sans la cinétique de croissance.
Les étiologies des macrocéphalies sont nombreuses allant de formes bénignes à des maladies neurologiques sévères. Il est important de connaître ces causes afin de ne pas multiplier les examens complémentaires dans les formes bénignes et ne pas sous-diagnostiquer les formes entrant dans le cadre de maladies progressives. L’objectif de cet article est de voir les différents étiologies des macrocéphalies et d’orienter le pédiatre et le médecin généraliste dans leur démarche diagnostique.

Mesure du périmètre crânien   Cette mesure peut sembler très simple mais si elle est mal réalisée, elle peut conduire à une mauvaise prise en charge du patient. La mesure se fait, idéalement, sur un enfant calme (pas toujours évident chez le nourrisson qui apprécie rarement ce geste), assis ou dans les bras de ses parents. Le mètre ruban doit passer au milieu du front et au niveau de la protubérance occipitale (figure 1). Si la forme du crâne est irrégulière, il faudra prendre le diamètre qui semble être le plus large. La mesure du PC devra être prise de manière rapprochée les 2 premières années de vie et régulièrement jusqu’à l’âge de 6 ans. Ces mesures doivent être rapportées sur les courbes de PC afin de voir la cinétique d’évolution du PC (figure 2). Figure 1. Mesure du périmètre crânien. Figure 2. Courbes de périmètre crâniens (0-18 ans).   La macrocéphalie est définie par un périmètre crânien > + 2 déviations standard (DS) (figure 3). Figure 3. Définitions macro- et microcéphalie.   Elle est due soit à une augmentation de l’épaisseur de l’os (maladie osseuse congénitale, anémie chronique), soit à l’augmentation des liquides péricérébraux (hématome sous-dural), soit à l’augmentation du liquide dans le système ventriculaire (= hydrocéphalie) (tumeur, méningite, sténose de l’aqueduc, hématome compressif, abcès, hydrocéphalies malformatives), soit à une augmentation de la taille de l’encéphale (syndrome neurocutané, achondroplasie, syndrome de Soto, leucodystrophies (LD), acidurie glutarique de type I (AGI), mucopolyssacharidose (MPS), etc.) (figure 4). Figure 4. Principales causes de macrocéphalie (d’après S. Auvin, 2009).   En cas de macrocéphalie, il faut toujours éliminer en premier lieu les situations nécessitant une prise en charge en urgence, notamment neurochirurgicale, lorsqu’elle est associée à une hypertension intracrânienne.   Macrocéphalie primaire   On parle de macrocéphalie primaire lorsqu’elle est présente dès la naissance. Elle peut ensuite être non progressive si le PC reste dans son couloir ou progressive si le PC passe d’une DS à une autre.   Macrocéphalie essentielle Une des causes fréquentes est la macrocéphalie essentielle, souvent appelée à tort hydrocéphalie bénigne car elle n’est pas due à une anomalie de résorption du liquide céphalo-rachidien (LCR). Les enfants ont un examen clinique normal, en dehors de la macrocéphalie, ainsi qu’un développement psychomoteur normal. Les formes familiales sont fréquentes et il faut donc penser à mesurer le PC des parents et de la fratrie. L’IRM cérébrale est normale. Le diagnostic de macrocéphalie essentielle reste un diagnostic d’élimination, après avoir exclu les autres causes de macrocéphalie.   Syndromes neurocutanés Certains syndromes neurocutanés peuvent également être associés à une macrocéphalie tels que la neuro fibromatose (NF) ou la sclérose tubéreuse de Bourneville (STB). Les patients atteints de NF présentent des signes extraneurologiques cutanés (tâches café au lait, lentigines, nodules de Lisch, neurofibromes), osseuses et ophtalmologiques (gliome des voies optiques). La STB est une maladie génétique autosomique dominante (gènes TSC1 et TSC2) qui touche de nombreux organes : le cerveau (macrocéphalie, tubes, nodules sousépendymaires, astrocytomes à cellules géantes [SEGA], dysplasie focale corticale), l’œil, le rein (angiomyolipome), le poumon, le cœur (rhabdomyosarcome), la peau (angiofibromes faciaux, fibromes unguéaux, plaques « peau de chagrin »).   Maladies génétiques Des maladies génétiques, comme le syndrome de Sotos, se présentent également avec une macro céphalie associée à un trouble du neuro développement, une avance staturopondérale, des anomalies cardiaques et rénales, ainsi que des particularités morphologiques (figure 5). Figure 5. Particularités morphologiques du syndrome de Sotos (d’après Cleveland Clinic).   Les leucodystrophies Enfin dans les formes de macrocéphalies primaires, se trouvent les leucodystrophies qui sont des maladies rares telles que la maladie d’Alexander, le syndrome de CACH/VWM (Childhood Ataxia with Central nervous system Hypomyelinisation/vanishing white matter) et la leucodystrophie avec mégalencéphalie et kystes. • La maladie d’Alexander est une maladie génétique autosomique dominante (gène GFAP) qui se manifeste dans sa forme infantile par une macrocéphalie progressive, un retard ou une régression, un syndrome pyramidal, une ataxie et une épilepsie. L’IRM retrouve une démyélinisation avec en séquence FLAIR un hypersignal de la substance blanche prédominant en frontal. • Le syndrome CACH/VWM est une maladie autosomique récessive (gène EIF2B). Elle peut se manifester à différents âges de la vie (néonatale, infantile, infantile tardive, juvénile, adulte) avec une ataxie, un syndrome pyramidal, une spasticité, des troubles cognitifs, des convulsions avec souvent un début qui fait suite à un traumatisme/stress. On retrouve une atteinte de la substance blanche sur l’IRM, ainsi que la présence de cavités. • La leucodystrophie avec mégalencéphalie et kystes est une maladie autosomique récessive (gène MLC1) associée à la macrocéphalie, une ataxie, un syndrome pyramidal et une dégradation cognitive. L’IRM montre une atteinte de la substance blanche avec présence de kystes.   Autres signes L’augmentation de l’épaisseur osseuse donnera également une macrocéphalie primaire comme dans les maladies osseuses congénitales telles que l’ostéopétrose. Certaines maladies métaboliques telles que l’acidurie glutarique de type 1 ou encore les mucopolysaccharidoses sont associées à une macrocéphalie. Les mucopolysaccharidoses sont des maladies de surcharge et les enfants présentent des particularités morphologiques avec notamment des traits « grossiers » et souvent des déformations osseuses.   Macrocéphalie secondaire   On parle de macrocéphalie secondaire lorsque le PC est initialement compris entre - 2 et + 2 DS à la naissance et qu’il passe au-delà de + 2DS. Les principales causes de macrocéphalies secondaires progressives sont l’hydrocéphalie, les épanchements péricérébraux et les processus intracrâniens. Dans tous ces cas, il y a un risque dû à l’hypertension intracrânienne qui peut engager le pronostic vital de l’enfant. L’épanchement péricérébral le plus fréquent est l’hématome sous-dural (HSD), souvent secondaire chez le nourrisson au syndrome du bébé secoué. En effet, le secouement entraîne l’arrachement des veines ponts situées à la convexité. Il survient essentiellement chez le nourrisson de moins d’un an et dans deux tiers des cas, chez le moins de 6 mois. Il faut penser à ce diagnostic chez tout nourrisson présentant une augmentation rapide du PC et/ou des signes d’hypertension intracrânienne (HTIC). Une prise en charge neurochirurgicale est souvent nécessaire. L’hydrocéphalie (augmentation du volume du LCR) peut être de deux types : – communicante : élargissement des espaces péricérébraux, tumeur des plexus choroïdes, méningite ou post-méningite, post-hémorragique, méningite carcinomateuse ; – non communicante : sténose de l’aqueduc, tumeur, hématome compressif, abcès, hydrocéphalie malformative. Il peut également exister une hypertension intracrânienne (HTIC) associée.   Hypertension intracrânienne (HTIC)   Signes d’hypertension intracrânienne Ils sont à rechercher de façon systématique en cas de macrocéphalie car ils peuvent nécessiter une prise en charge neurochirurgicale en urgence. Chez le nourrisson, les principaux signes d’HTIC sont : – l’augmentation du PC ; – l’élargissement et bombement des fontanelles ; – les veines du scalp apparentes ; – le regard en coucher de soleil ; – les troubles de la conscience. Chez l’enfant plus grand, les signes d’HTIC sont : – des céphalées, plutôt matinales, en casque, rebelles au traitement, positionnelles et qui peuvent ne plus être perçues par l’enfant lorsqu’elles sont chroniques ; – des nausées et vomissements en jet qui soulagent les céphalées ; – une somnolence (signe de gravité) ; – un œdème papillaire au fond d’œil.   Principales causes d’HTIC L’HTIC n’est pas toujours associée à une macrocéphalie et elle peut être chronique ou aiguë selon sa cause et la vitesse d’installation. Les principales causes d’HTIC sont : – inflammatoire/infectieuse : abcès, etc. ; – traumatique : HSD ; – tumorale : tumeur, kyste ; – toxique : vitamine A, cyclines ; – métabolique : obésité ; – vasculaire : accident vasculaire cérébral.   Conduite à tenir devant une macrocéphalie   Devant une macrocéphalie avec augmentation récente du PC, il faut toujours rechercher des signes d’HTIC et des anomalies de l’examen neurologique telles qu’une somnolence, un torticolis, un strabisme d’apparition récente, des troubles de l’oculomotricité, etc. qui font suspecter chez l’enfant une tumeur de la fosse postérieure. En cas de macrocéphalie d’apparition récente chez le nourrisson, il faudra suspecter un HSD. En cas d’HTIC ou de doute sur l’examen neurologique, il est indiqué de faire une imagerie cérébrale en urgence (scanner ou imagerie par résonnance magnétique [IRM]). L’IRM cérébrale, ou à défaut le scanner en cas d’urgence, permet de caractériser la macrocéphalie (épanchement, hydrocéphalie, mégalencéphalie) et orienter le diagnostic. Elle permettra de vérifier la perméabilité de l’aqueduc de Sylvius, de rechercher des malformations, des anomalies de la substance blanche, des kystes, etc. Les examens génétiques et métaboliques seront faits dans un 2e temps et orientés selon la clinique et les données de l’imagerie cérébrale. En cas d’HTIC, le fond d’œil est également un examen important afin de rechercher un œdème papillaire (retentissement de l’HTIC).   Conclusion   La mesure du PC chez l’enfant est un point clé de la consultation de pédiatrie. Il doit être pris dans de bonnes conditions, à chaque consultation et reporté sur la courbe. Un point isolé n’a pas de valeur si on ne connaît pas la cinétique d’augmentation. En cas de macrocéphalie, la prise du PC des parents et de la fratrie, et l’examen clinique sont indispensables pour le diagnostic et pour orienter les examens complémentaires. Il est indispensable de toujours rechercher des signes d’HTIC afin d’éliminer une situation d’urgence.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Vidéo sur le même thème