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Allergologie - Immunologie

Publié le 03 jan 2023Lecture 9 min

CPAP 2022 - Les faces cachées de la rhinite allergique

Johann PERSONNIC, D’après un symposium organisé par ALK dans le cadre du Congrès de pneumologie & allergologie (CPAP) 2022

La rhinite allergique ne se limite pas à des conséquences négatives au niveau de la sphère ORL, elle est associée à une augmentation moyenne de 46 % des frais médicaux annuels chez les patients asthmatiques, un surcroît d’absentéisme scolaire/travail, une baisse des performances scolaires, une dégradation de l’humeur et de la vie sociale et plus globalement une baisse de la qualité de vie (Yawn BP. J Allergy Clin Immunol 1999 ; Hoyte et Nelson 2018). Au cours de ce symposium, tour à tour, un ORL, un orthodontiste et un pneumologue ont croisé leurs regards sur cette pathologie.

Définitions et physiopathologie On distingue trois catégories de rhino-sinusites selon leur durée : aiguë (< 3 semaines), subaiguë (< 3 mois) et chronique (> 3 mois). Parmi les causes de rhino-sinusite chronique, on trouve la rhinite allergique. Elle peut être définie comme intermittente ou persistante selon la durée des symptômes. Pour être considérée comme persistante, elle doit durer au moins 4 jours/semaine et au moins 4 semaines/an (ARIA guidelines, 2019). Trois mécanismes physiopathologiques interagissent pour entraîner une rhinosinusite allergique chronique : l’inflammation de la muqueuse, les infections communautaires locales et la dysfonction mucociliaire. Une réponse inflammatoire naso-sinusienne est initiée par une infection communautaire locale, le plus souvent virale. Deux mécanismes entrent alors en jeux pour entretenir l’inflammation locale. Chez le patient allergique, l’exposition allergique entraîne une cascade inflammatoire Th2 à laquelle peut s’ajouter une inflammation liée à l’irritation par des polluants environnementaux (tabac, pollution, etc.). Cette cascade inflammatoire provoque une ulcération de la muqueuse qui, en retour, favorise les infections locales. L’inflammation de la muqueuse altère également la composition du mucus. Les infections locales altèrent les cils. Ces deux mécanismes provoquent une dysfonction mucociliaire qui entretient l’inflammation, favorise l’obstruction nasale et donc les infections locales.   Le point de vue de l’ORL Selon R. Nicollas (ORL, Marseille), la première étape de l’évaluation ORL est clinique. L’acronyme ADORES permet de retrouver les signes cliniques de la rhinosinusite allergique : Anosmie, Douleur sinusienne, Obstruction nasale, Rhinite, Éternuement, Saignement. L’obstruction nasale est la principale source de gêne rapportée par les trois quarts des patients lors de la première consultation ORL (Savouré et coll. Eur Respir J 2022). On recherchera des comorbidités atopiques et environnementales. En cas de terrain atopique et/ou en cas de suspicion d’allergie, une consultation allergologique sera nécessaire. Les principaux polluants environnementaux sont liés au tabagisme (actif ou passif), à la piscine (responsable de rhinite au chlore) ou aux animaux. L’ORL mettra alors en place, dès que possible, des mesures d’éviction et/ou de précaution. Par exemple en cas de symptômes liés à l’exposition au chlore à la piscine, le port d’un pince-nez améliore la symptomatologie. À l’examen physique, l’ORL débute par une inspection de la respiration de l’enfant (nasale, buccale ou mixte). Dans la bouche, on recherche une anomalie du palais, de la position de la langue et/ou la présence d’un jetage postérieur. La rhinoscopie antérieure est complétée par une nasofibroscopie et une évaluation des végétations et des amygdales. Enfin, on effectuera une évaluation des tympans à la recherche d’otite séro-muqueuse. Pour évaluer l’obstruction nasale, l’ORL peut réaliser une rhinomanométrie, qui permet à la fois de mesurer les résistances dans chaque narine et de préciser le site de l’obstruction (alaire, turbinal inférieur, septal). En cas d’hypertrophie turbinale, la première étape de la prise en charge est le traitement médical local. Une désobstruction nasale, idéalement avec des produits à base d’eau de mer, est une première étape pour optimiser l’efficacité des traitements locaux. Il existe 2 catégories de traitements locaux utiles pour le traitement local des rhinosinusites chroniques : les corticoïdes locaux et les atropiniques. Les vasoconstricteurs locaux n’ont pas leur place dans le traitement des rhinites chroniques de l’enfant. Les corticoïdes locaux, à l’image de l’asthme, sont le pilier du traitement de la rhinosinusite chronique allergique. Leur AMM varie selon les molécules : fluticasone > 12 ans, mométasone > 3 ans, triamcinolone > 6 ans, budésonide > 6 ans, béclométasone > 3 ans. Leur posologie varie selon l’âge. Chez les moins de 12 ans : 1 pulvérisation par narine par jour. À 12 ans et plus : 2 pulvérisations par narine et par jour en 1 prise. À partir de 15 ans, les atropiniques (ex. : ipratropium) sont utiles en seconde intention en cas de rhinorrhée persistante malgré les corticoïdes nasaux à raison de 2 pulvérisations par narine 3 fois/j. Les traitements locaux peuvent être complétés par des traitements systémiques : les antihistaminiques et la désensibilisation lorsqu’elle est indiquée. Les antihistaminiques locaux et/ou systémiques sont moins efficaces que les corticoïdes nasaux mais ils peuvent être suffisants dans les formes légères à modérées, et certains patients préfèrent un traitement oral. Toutefois, il est important de rappeler que le traitement de première intention d’une rhinite allergique persistante sévère devra comprendre un corticoïde local, seul ou en association, avec un antihistaminique local (ARIA 2019). Si malgré ces traitements, l’obstruction nasale persiste, on peut proposer une réduction turbinale par cautérisation. Après deux échecs, la turbinectomie sera discutée.   Le point de vue de l’orthodontiste J.-L. Ouhioun (Meyzieu) a rappelé que chez l’enfant atteint de rhinosinusite allergique, l’obstruction nasale entraîne une ventilation buccale. L’examen cli- nique doit évaluer la qualité de la ventilation celle-ci étant optimale lorsqu’elle est spontanée, exclusivement nasale au repos et à l’effort modéré, y compris la nuit. Pour dépister une ventilation buccale, on recherche une respiration bouche ouverte diurne et/ou nocturne. Une respiration buccale diurne peut être observée en consultation et par l’interrogatoire de l’enfant et de ses parents sur sa ventilation habituelle. Une bouche sèche le matin peut être un signe de ventilation buccale nocturne mais demander aux parents d’aller voir respirer leur enfant la nuit reste la meilleure méthode pour la dépister. Une ventilation buccale met en jeu des dysfonctions musculaires responsables d’une perturbation du développement du massif facial au cours de la croissance. La langue se positionne sur le plancher de la bouche et ne s’oppose plus à la force centripète qu’exercent les joues sur les dents. Cette position limite la croissance du palais en largeur. Le sous-développement du maxillaire et du palais qui en résulte se traduit par un palais ogival, un manque d’espace pour la dentition et des malocclusions dentaires. L’activité musculaire est fondamentale pour la croissance faciale. Ainsi, couplée à la croissance verticale de l’oro-pharynx, elle donne un aspect étroit et long au visage (dolichofacial) et favorise un rétrognatisme. En modifiant la morphologie du massif facial, la respiration buccale peut favoriser des apnées obstructives du sommeil, modifier la thermorégulation des structures cérébrales profondes (en perturbant le refroidissement du sang au contact des sinus caverneux) ou encore la posture. Pour ouvrir ses voies aériennes, le patient accentue sa lordose cervicale, place sa tête en avant et la relève. Le premier étage de la prise en charge thérapeutique est de corriger les dysfonctions. En premier lieu, il faut supprimer la ventilation buccale. Pour ce faire, le traitement de l’obstruction nasale est essentiel. Il sera associé à une éducation fonctionnelle qui s’appuiera sur 4 axes : rétablir une ventilation nasale active, libérer la mobilité thoracique, réactiver le réflexe narinaire et rétablir la coordination entre posture linguale et ventilation. Pour corriger le sous-développement maxillaire et du palais, on réalisera une distraction maxillaire orthopédique ou chirurgicale qui permet une réduction de la résistance des voies respiratoires nasales et donc une amélioration du schéma respiratoire.   Le point de vue de l’allergologue P. Cros (pneumo-allergologue pédiatrique, Brest) a souligné que la rhinosinusite allergique fait partie du spectre des maladies atopiques. L’allergologue, au travers de la désensibilisation, aura pour rôle de traiter l’étiologie allergique de la rhinosinusite allergique mais également de dépister et prendre en charge les comorbidités atopiques du patient. En effet, les enfants asthmatiques sont à haut risque d’avoir une rhinite allergique associée, qui passe souvent inaperçue et est sous-traitée dans cette population. Les enfants atteints de rhinite allergique sont également à risque de développer un asthme, un risque multiplié par 3 après l’âge de 7 ans (European community respiratory survey ; Shaaban et coll. Lancet 2008). Dans la cohorte MAS, constituée de 1 314 nouveau-nés allemands suivis régulièrement jusqu’à leurs 13 ans, le risque d’asthme entre 5 et 13 ans était significativement augmenté en cas de rhinite allergique (RR : 3,82 ; p < 0,001). Ce surrisque est indépendant du type de sensibilisation ou de la coexistence d’une dermatite atopique (Rochat et coll. JACI 2010). Des auteurs ont cherché à déterminer qui de la rhinite ou de l’asthme apparaissait en premier (Masuda et coll. PAI 2008). Dans une cohorte de 130 enfants japonais âgés de 2 à 10 ans ayant développé un asthme et une rhinite allergique, environ un tiers avaient eu d’abord la rhinite puis l’asthme, un tiers l’inverse et pour le dernier tiers les deux étaient apparus simultanément. L’âge moyen d’apparition des premiers symptômes de l’asthme et de la rhinite allergique sont globalement superposables autour de 3 ans. Cette connexion entre le nez et les poumons pourrait s’expliquer par les similitudes anatomiques, physiologiques et immuno-pathologiques entre l’asthme et la rhinite allergique. Ainsi, par exemple, les voies aériennes supérieures et inférieures partagent le même épithélium cylindrique cilié (Simons. CEAR 2003). La rhinite allergique est également un facteur de risque de moins bon contrôle de l’asthme et d’augmentation de la consommation de corticoïdes oraux (Étude PACMAN, Arabkhazaeli et coll. BMC Ped 2015). Moins la rhinite est contrôlée et plus le risque que le contrôle de l’asthme soit inacceptable augmente (Chiron et coll. J Asthma 2010). À l’inverse, le traitement de la rhinite allergique diminue les crises d’asthme. Ainsi dans une cohorte d’enfants asthmatiques de plus de 5 ans, le risque relatif de crise d’asthme était de 0,7 (IC 95 % : 0,59-0,94) en cas de traitement par corticoïdes intranasaux. À noter que cette réduction n’était pas retrouvée en cas d’utilisation d’antihistaminiques oraux (Adams RJ. J Allergie Clin Immunol 2002). L’ITA est le seul traitement curatif de la rhinite allergique. Depuis 2017, l’EAACI recommande l’ITA en cas de rhino-conjonctivite allergique modérée à sévère malgré un traitement symptomatique et/ou une éviction de l’allergène. Cette recommandation est justifiée par l’amélioration, en cas de désensibilisation, du score combiné « symptômes et consommation de traitement » (Dhami S et coll. Allergy 2017). Comparés au placebo, la réduction du score des symptômes nasaux dans la rhinite allergique aux pollens de graminées est plus importante avec l’immunothérapie sublinguale (- 29,6 %) qu’avec les corticoïdes nasaux (- 23,5 %), les antihistaminiques oraux (- 15 %) ou le montélukast (- 6,5 %) (Devillier P et coll. BMC Med 2014). L’EAACI propose l’ITA également dans les formes moins sévères chez les patients souhaitant modifier l’histoire naturelle de l’allergie en cas de rhinite allergique aux pollens. Un traitement par ITA de 3 ans réduit la probabilité que les enfants et adolescents souffrant de rhinite allergique due à une allergie au pollen développent de l’asthme jusqu’à deux ans après arrêt du traitement. Les recommandations de la Société française d’allergologie, de l’ARIA, ainsi que de la World Allergy Organisation (WAO) soulignent également l’intérêt de l’ITA dans la prévention de l’apparition de l’asthme chez le patient atteint de rhinite allergique. La WAO précisant aussi que les bénéfices préventifs de l’ITA peuvent être plus importants s’ils sont initiés tôt dans l’évolution de la maladie allergique.  

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