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Infectiologie

Publié le 03 jan 2023Lecture 7 min

Gestion du risque infectieux dans la vie et les lieux de soins de pédiatrie : une nécessaire prise de conscience

Didier LECOINTE, Service d’hygiène, prévention et contrôle des infections, Centre hospitalier Sud Francilien, Corbeil-Essonnes

La gestion du risque infectieux en pédiatrie impose de considérer tous les enfants à risque d’infection ou de colonisation en cours ou en incubation tout en prévenant la transmission croisée. Il s’agit d’exercer la pédiatrie en appliquant des mesures qui – mal exprimées – pourraient entraver cet exercice, donc de prendre en charge des enfants sans créer de situation à risque pour les autres et les équipes de pédiatrie. Une acquisition de culture et une organisation spécifique sont indispensables, si elles n’ont pas encore été objectivées.

Quelles mesures appliquer en toutes circonstances ? Protéger les enfants et les équipes soignantes demande d’abord d’appliquer strictement les précautions standard (PS). En premier, les prérequis à l’hygiène des mains (HDM) : manches courtes, absence totale de bijoux aux mains(1,2) – montre et alliance(1) comprises – et ongles courts sans vernis. Ensuite respecter les gestes d’HDM et leurs opportunités. Concernant les gestes : lavage des mains au savon doux puis rinçage ou friction hydro-alcoolique (FHA) en respectant les temps : 30 secondes pour le savonnage ou la friction et 15 secondes pour le rinçage des mains en cas de savon. Les 30 secondes sont nécessaires à l’élimination de la flore bactérienne transitoire sur la totalité de la surface des mains. Vouloir faire moins pour aller plus vite la diminue. Les 15 secondes sont indispensables pour éliminer la totalité du savon. Raccourcir ce temps conduit à laisser du savon, qui dessèche la peau puis favorise l’apparition de craquelures. La FHA est significativement plus efficace que le lavage au savon doux(3), sur des mains totalement sèches qui n’ont pas été lavées à l’eau depuis au moins 10 min : une FHA sur des mains lavées au savon depuis moins de 10 min altère la peau(4). Concernant les opportunités, l’OMS en a défini cinq : 1) avant le contact avec le patient, 2) avant le geste aseptique, 3) après le risque d’exposition à un liquide biologique, 4) après le contact avec le patient, et 5) après le contact avec l’environnement du patient (figure)(5). La tenue vestimentaire doit être constituée d’une blouse ou d’un ensemble tunique-pantalon changés chaque jour. Le port des gants doit être accompagné systématiquement d’un geste d’HDM avant et après, et réservé aux soins sur peau lésée. La gestion des excreta passe par l’utilisation de bassins, urinaux et/ou sacs à bassins. Figure. Les 5 indications à l’hygiène des mains. Il faut laisser les bijoux chez soi : les retirer pour les remettre après un geste d’hygiène des mains (HDM) ne sert qu’à se recontaminer. Quand passer aux précautions complémentaires (PC), donc au port des masques, visières ou lunettes de protection, coiffes, tabliers ou surblouses à manches longues ? Le masque doit être porté dès suspicion d’infection respiratoire, la visière ou les lunettes de protection en fonction de la probabilité d’émission de gouttelettes respiratoires lors de soins rapprochés, et la coiffe lors de risque de contamination des cheveux. Les tabliers ou surblouses doivent être portés en cas de soins rapprochés pouvant conduire à une contamination de la tenue vestimentaire, en réservant la surblouse à manches longues à tous les soins enveloppants. Enfin, il est indispensable d’effectuer un entretien des surfaces hautes à l’aide d’un détergent ou d’un détergent-désinfectant entre deux patients. L’entretien des sols comme des murs ne doit être effectué entre deux patients qu’au cas par cas.   Quel impact de la pandémie de Covid-19 ? La pandémie a renforcé la prévention du risque infectieux sur certains points mais entraîné des dérives sur d’autres. Si la FHA et le port de masque ont été renforcés, le mésusage des gants a augmenté tous secteurs de soins confondus. Cette absence de maîtrise des PS alors qu’elles existent depuis plus de 20 ans suggère l’absence de culture solidement établie sur leur mise en œuvre et donc de prise de conscience de leur importance dans la prévention de la transmission croisée. Face aux risques récurrents de pandémie, cette prise de conscience ne peut plus être différée et doit être orchestrée par les professionnels de l’hygiène hospitalière ou « spécialistes en hygiène, prévention et contrôle de l’infection en milieux de soins » : il faut devenir plus rigoureux sur les PS. « Le mésusage des gants a augmenté tous secteurs de soins confondus » Quelles mesures correctives ? Comment soigner des enfants en sécurité sans altérer la qualité de prise en charge ? Disposer un flacon supplémentaire de produit hydro-alcoolique (PHA) sur un bureau est certes utile mais ne suffit pas. La prise de conscience sur les PS impose une acquisition de culture et non une formation ou un accompagnement ponctuels. Tout changement de culture demandant environ 3 ans, l’accompagnement doit être récurrent pendant une longue période et s’appuyer sur un praticien hygiéniste et des IDE hygiénistes. Ceux-ci ayant rarement exercé auparavant en pédiatrie, ils doivent comprendre les problématiques rencontrées par les équipes aux urgences, en hébergement ou en consultation, en observant leur activité « in vivo » pendant la visite ou la prise en charge des urgences. Cette proximité récurrente garantie la définition de mesures correctives efficaces, car discutées collégialement entre l’équipe de soins et les membres de l’équipe opérationnelle d’hygiène (EOH), puis suivies sur le terrain par les responsables et les correspondants en hygiène hospitalière de l’équipe de pédiatrie. Comment induire des réflexes de respect des PS par les équipes de pédiatrie avec le moins de contraintes possibles ? Ces mesures correctives peuvent concerner l’implantation précise des distributeurs de PHA pour garantir la mise en œuvre de la FHA juste avant et juste après chaque soin, la réorganisation architecturale de la salle d’attente ou des boxes de consultation, ou encore la gestion des excreta. Ce dernier point représentant une spécificité de la pédiatrie en raison des couches, l’implantation des postes de lavage des mains dans les boxes de consultation ne doit pas être sous-estimée. Chaque pédiatre doit pouvoir se laver les mains au savon doux en cas de souillures macroscopiques, puis effectuer une FHA plus de 10 min après. L’utilisation de systèmes de désinfection de l’air doit être discutée, notamment lors des phases épidémiques d’infections respiratoires. La fréquence de l’entretien des locaux, dont le lavage intensif avec des produits de désinfection à spectre large doit être aussi discutée : peut-on utiliser l’eau de Javel dans des locaux accueillant des enfants en bas âge, mais avec une surcharge de travail importante, ou le peroxyde d’hydrogène par exemple, avec une charge de travail beaucoup moins importante mais qui nécessite plus de rigueur dans son utilisation ? Dans ce cas, l’installation de systèmes automatisés pouvant fonctionner la nuit dans des locaux fermés peut être envisagée. L’organisation des salles d’attente doit également être abordée : distribuer systématiquement un masque en cas de toux, augmenter les distances entre les sièges, envisager un système de désinfection de l’air, adapter la fréquence quotidienne du bio- nettoyage des surfaces hautes et des jouets, etc. L’installation de distributeurs de PHA dans les chambres ou la salle d’attente est difficile à envisager car il existe un risque de mésusage par les enfants. La mise en œuvre de ces mesures dans un contexte d’exercice libéral relève du parcours du combattant, car dans ce cas les praticiens ne bénéficient d’aucune aide permettant d’orchestrer la nécessaire prise de conscience. Pourtant, les points critiques évoqués plus haut les concernent également. L’addition d’un distributeur de PHA sur un bureau ne suffisant pas, tout repose sur l’organisation de la salle d’examen, la capacité de mise en œuvre des PS et l’entretien des surfaces hautes entre deux patients. Il faut ici aussi utiliser exclusivement un détergent-désinfectant agréé pour contact alimentaire pour l’entretien de toutes les surfaces, jouets de la salle d’attente compris.   « La mise en œuvre de ces mesures dans un contexte d’exercice libéral relève du parcours du combattant »   L’entretien des jouets devant être effectué à l’aide de détergent-désinfectant disposant d’un agrément pour contact alimentaire, il peut être judicieux de n’utiliser que celui-ci pour l’entretien de toutes les surfaces des locaux.   Perspectives et conclusion La mise en œuvre des PS et des PC en milieu de soins exerçant la pédiatrie est complexe en raison de la nature de la patientèle. L’implication particulière des EOH dépend de leurs effectifs, qui n’échappent pas aux difficultés rencontrées dans ce domaine par tous les secteurs hospitaliers. Pour les modes d’exercice libéral, il est indispensable d’obtenir un lien avec des spécialistes en hygiène, prévention et contrôle de l’infection, donc de trouver de nouveaux modes d’intervention de leur part hors du secteur hospitalier. Mais sur ce point, on retombe inévitablement sur la problématique liée aux effectifs de ces spécialistes. Dans les établissements de santé, seule une implication particulière de l’EOH au sein des secteurs de pédiatrie permettra d’obtenir la prise de conscience nécessaire à l’acquisition de culture et à la réflexion menant à l’adoption de mesures correctives adaptées au contexte local. Comment mettre en œuvre la gestion du risque infectieux dans la vie quotidienne ? Par exemple, on peut peut-être imaginer qu’une application rigoureuse et détendue des mesures d’hygiène en milieu de soins permette de « montrer l’exemple » pour que les enfants (et leurs parents) acceptent mieux l’intrusion de ces mesures dans leurs vies ? Surtout si on y ajoute de la pédagogie, adaptée à la pédiatrie ? Ce à quoi, là aussi, les hygiénistes pourraient nous aider s’ils étaient plus nombreux...

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