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Symposium

Publié le 13 oct 2022Lecture 4 min

Splénomégalies : de l’évidence à l’inexpliquée

Caroline GUIGNOT, Lille

Une rate palpable doit être considérée comme pathologique. Le diagnostic est orienté sur les caractéristiques du patient, l’imagerie, l’examen clinique et le bilan biologique. Au-delà des diagnostics de première intention, d’autres, moins connus, ne doivent pas être omis.

Chez l’enfant, la splénomégalie isolée doit motiver une échographie abdominale avec Doppler afin d’évaluer l’aspect, rechercher une éventuelle malformation vasculaire, une anomalie portale. Lorsqu’elle est associée à d’autres symptômes, de multiples étiologies peuvent être évoquées. Ainsi, une cytopénie associée permet d’orienter vers les anémies hémolytiques constitutionnelles (thalassémie, sphérocytose), auto-immunes, et les hémopathies malignes. En cas de fièvre associée, une cause infectieuse est évoquée, d’origine bactérienne (salmonellose, brucellose, etc.), virale (EBV, VIH, CMV, etc.) ou parasitaire (paludisme, bilharziose, toxoplasmose, etc.). Parmi ces pathogènes, la leishmaniose viscérale mérite d’être évoquée : bien que rare, sa fréquence tend à augmenter notamment dans le sud de la France. Sa connaissance par les pédiatres est indispensable étant donné le caractère fatal de l’infection en l’absence de traitement. Le diagnostic reste toutefois difficile à poser du fait de sa rareté, le délai d’incubation qui peut parfois atteindre 6 mois et la faible spécificité de ses manifestations cliniques. Les principaux symptômes sont la fièvre prolongée et la splénomégalie, souvent associées à la pâleur de l’enfant. Sur le plan biologique, il existe un syndrome inflammatoire, une hypergammaglobulinémie polyclonale, avec présence d’autoanticorps, une hyper-réactivité du système réticulo-histiocytaire et un syndrome d’activation macrophagique. Le diagnostic sera confirmé par le myélogramme qui permet de caractériser les leishmanies, de façon inconstante toutefois, ou par l’analyse PCR. Les maladies de surcharge (Gaucher, Niemann-Pick, Farber, Hurler) peuvent aussi être à l’origine d’une splénomégalie, mais cette dernière n’est généralement pas inaugurale ou isolée car la maladie est la plupart du temps associée à d’autres symptômes très spécifiques. La maladie de Gaucher doit, par exemple, être évoquée en cas de retard de croissance. La maladie de Niemann-Pick, elle, est moins connue. Il s’agit d’une maladie de surcharge lysosomale autosomique récessive qui conduit au déficit en sphingomyélinase acide. Il en existe trois formes selon la sévérité : une atteinte neuroviscérale sévère (maladie de Niemann-Pick A), une forme systémique atténuée sans atteinte neurologique (maladie de Niemann-Pick B) et une forme intermédiaire. Généralement diagnostiquée chez l’enfant, la maladie peut toutefois se manifester à un âge plus avancé lorsque le déficit enzymatique est modéré. La forme atténuée se présente classiquement par une hépatosplénomégalie et une pneumopathie infiltrative fibrosante parfois inaugurale. Des troubles du métabolisme lipidique leurs sont associés, ainsi que d’autres signes, de façon inconstante (léger déficit cognitif, discret retard de croissance, etc.). La prise en charge est aujourd’hui symptomatique mais une enzymothérapie substitutive est en cours de développement. Face à un syndrome inflammatoire associé à la splénomégalie, le bilan biologique peut être élargi afin de rechercher une maladie inflammatoire systémique ou un déficit immunitaire primitif (recherche d’immunoglobulines, numération des lymphocytes, tests fonctionnels lymphocytaires, etc.). Les cytopénies auto-immunes associées aux splénomégalies qui ne peuvent être expliquées par une infection, un déficit immunitaire primitif peuvent conduire à rechercher une cause génétique. C’est ainsi que les mutations gain de fonction de STAT3 ont été récemment identifiées comme l’une des causes de splénomégalie avec cytopénie auto-immune inexpliquée. Ce gain de fonction conduit à une augmentation de la voie JAK-STAT et une moindre régulation de l’auto-immunité. Elle se traduit, outre l’auto-immunité, par un retard de croissance et un syndrome lymphoprolifératif associé à la splénomégalie. Ces cas nécessitent un traitement par immunosuppresseurs, et des approches utilisant des Ac anti-JAK ou anti-IL6 sont évaluées. Afin de mieux comprendre et connaître l’importance des syndromes d’Evans, l’observatoire Cerevance dédié aux cytopénies auto-immunes de l’enfant existe depuis plusieurs années. Les diagnostics moléculaires qui sont conduits à partir des cas inclus ont permis de mettre en cause de nouveaux gènes, ce qui pourrait aider à développer ensuite des options thérapeutiques. Par ailleurs, l’observatoire OPPUS actuellement conduit en France cherche à mieux caractériser la prévalence de la maladie de Gaucher chez les enfants ayant une splénomégalie inexpliquée après exclusion des diagnostics de première intention (comme l’hypertension portale, une hémopathie maligne, une anémie hémolytique ou une infection) et sur la base de l’examen clinique et des tests biologiques de routine (numération globulaire, réticulocytes, tests hépatiques, échographie abdominale, test de Coombs et sérologie du virus d’Epstein Barr). L’étude est ouverte au recrutement. Ses données permettront de décrire le taux de patients n’ayant pas de diagnostic à l’issue de l’ensemble de ces investigations et de recenser les paramètres cliniques, biologiques et génétiques correspondants.

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