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Adolescence

Publié le 18 oct 2021Lecture 7 min

Thérapie multifamiliale et refus scolaire anxieux à l’adolescence : une nouvelle approche

A. ROUÉ, A. HARF, Paris
Thérapie multifamiliale et refus scolaire anxieux à l’adolescence : une nouvelle approche

Le refus scolaire anxieux à l’adolescence est un problème majeur de santé publique. La prise en charge intègre systématiquement le travail avec les familles. Une thérapie multifamiliale (TMF) est ainsi proposée à la Maison de Solenn depuis 2019.
Les participants rapportent une amélioration permise par la TMF, tant pour les adolescents que pour les familles. Elle apporte soutien, déstigmatisation et déculpabilisation. Elle fait prendre conscience aux familles du vécu de leur adolescent. La communication intrafamiliale est améliorée.

Le refus scolaire anxieux Le refus scolaire anxieux (RSA) à l’adolescence est en augmentation ces dernières années. Sa prévalence varie entre 1 et 5 % des enfants et des adolescents d’âge scolaire et il représente actuellement 5 % des consultations en pédopsychiatrie(1). Il est caractérisé par une difficulté à être présent en classe, associée à une détresse émotionnelle, notamment l’anxiété. Il est à différencier de l’absentéisme scolaire ou du décrochage scolaire. Berg définit en 1992 plusieurs critères qui permettent le diagnostic de refus scolaire anxieux, critères encore utilisés actuellement : – refus fréquent d’aller à l’école ; – recherche de confort et de sécurité à la maison ; – détresse émotionnelle anticipatoire, avec crainte excessive, crises de colère, tristesse. King et coll. ajoutent en 1995 pour les cas sévères : une absence prolongée supérieure à 40 % du temps scolaire (sur un mois). Il est important de souligner que ce n’est pas un diagnostic reconnu actuellement par les classifications internationales (DSM-V et CIM10). Deux pics sont fréquemment décrits : l’enfance et l’adolescence. La présentation classique est un jeune qui refuse d’aller à l’école ou qui présente des manifestations d’angoisse sur le chemin de l’école s’accentuant sur le trajet. Il existe une anticipation anxieuse (en fin de journée et pendant la nuit) et une amélioration pendant les vacances. Les symptômes physiques sont présents dans la moitié des cas (céphalées, vertiges, douleurs abdominales, vomissements, douleurs articulaires, troubles du sommeil). Ces symptômes motivent des passages fréquents à l’infirmerie, chez le médecin généraliste, ou aux urgences conduisant à des examens complémentaires multiples sans anomalies retrouvées. Les patients que l’on reçoit en pédopsychiatrie ont souvent un parcours d’errance médicale de plusieurs mois, voire années qui précèdent notre consultation. Le RSA peut être associé à une anxiété de séparation (avec des adolescents qui ont manifesté enfant une angoisse de séparation), une phobie sociale (adolescents présentant une appréhension de situations où ils doivent s’exposer devant leurs camarades ou les enseignants), une phobie simple (ce n’est pas l’école qui est en soi l’objet phobique, mais le trajet, certaines matières, l’évaluation des connaissances, certains lieux comme la cour de récréation) ou un trouble anxio-dépressif qui est la forme peut-être la plus fréquente, avec une forte pression sociale sur la scolarité(2). En effet, la moitié des adolescents présentant un refus scolaire anxieux souffriraient de troubles anxiodépressifs. D’autres comorbidités psychiatriques peuvent être associées (troubles du sommeil, trouble déficit de l’attention et hyperactivité [TDAH], trouble du spectre autistique [TSA], addictions). Le refus scolaire anxieux a des conséquences importantes à court et à long terme. À court terme, il entraîne une faible performance académique, un impact sur les relations avec les pairs, des conflits familiaux, une déscolarisation, une marginalisation, voire des comportements à risque (consommation de substances) et des tentatives de suicide(4). À l’âge adulte, 30 à 50 % des adolescents continueraient à avoir des troubles psychologiques. Prise en charge du refus scolaire anxieux et place de la famille La prise en charge du refus scolaire anxieux est une priorité et une urgence thérapeutique. L’objectif est triple : permettre le retour à l’école, prendre en charge les comorbidités et pré - venir les conséquences à long terme. En fonction du niveau de sévérité peut être proposée une prise en charge ambulatoire, en hôpital de jour ou en hospitalisation. Celle-ci se doit d’être multidisciplinaire : psychothérapie individuelle (thérapie cognitivocomportementale [TCC]), ateliers à médiation, consultations pédopsychiatriques (± traitement médicamenteux). L’articulation avec l’école est essentielle avec un aménagement d’emploi du temps (PAI : projet d’accueil individualisé) ou enseignement à domicile type SAPAD (services d’assistance pédagogique à domicile) en vue d’une reprise de la scolarité. Les enseignements à distance du type CNED (Centre national d’enseignement à distance) sont à éviter, car ils risquent de favoriser la chronicisation du trouble et le maintien de l’évitement de la situation anxiogène. L’hospitalisation est requise dans les cas les plus sévères (souvent lorsque des comorbidités sont associées). Enfin, le soutien des parents avec une prise en charge familiale est fondamental. En effet, ce sont des familles où la scolarité tient une place particulière. L’école est perçue comme un frein et une entrave. La scolarité est angoissante, source de mal-être, de conflits familiaux et de malentendus. Les enjeux de réussite scolaire et sociale sont très importants. De plus, le refus scolaire anxieux génère de la souffrance, du désespoir, de la culpabilité et un fort sentiment d’impuissance. Le RSA entrave le devenir de l’adolescent. Les parents se sentent démunis et impuissants et cherchent à permettre un retour à l’école. Le système familial est paralysé avec une répercussion sur la communication intrafamiliale. Enfin, le RSA, entité peu connue et non reconnue, engendre une triple exclusion : par les pairs, élèves, parents, familles ; par le corps enseignant et enfin par la société et l’État(5). Thérapie multifamiliale, dispositif et vécu des familles Une thérapie multifamiliale est proposée à la Maison de Solenn depuis mai 2019 : chaque groupe regroupe 5 à 7 familles sur 8 séances espacées d’un mois chacune. Les fratries sont invitées à 3 séances. Les objectifs de cette TMF sont l’amélioration des manifestations anxieuses, l’évitement de la chronicisation de la déscolarisation, l’amélioration de la communication entre l’adolescent et sa famille, et le développement des compétences et des ressources des familles. Au cours des séances sont abordés plusieurs thèmes : informations sur le RSA, représentations de l’école, identification et gestion de l’anxiété. Les ressources familiales ainsi que les moyens pour faire face au RSA sont explorés. Plusieurs activités sont proposées : dessin du problème en sous-groupes, génogramme animalier, stratégies qui marchent/qui ne marchent pas, film réalisé par les parents, adolescents experts du RSA (conférence de presse), carte du réseau social, sculptures, cerveaux systémiques, etc.(5,6). Nous avons réalisé une première étude qualitative du vécu des familles de ce premier groupe(7). Le dispositif Les familles mettent en avant plusieurs éléments du dispositif de la TMF. Le mélange des participants, celui de deux générations, mais également de familles à des stades différents de la maladie, permet une mixité des points de vue, des débats et des confrontations. Ce mélange permet une horizontalisation des rapports et redonne la parole aux adolescents. Ils deviennent ainsi experts, avec une modification de la dynamique familiale habituelle et la possibilité pour les parents de voir leur enfant sous un autre angle, en « condition réelle » avec d’autres adolescents. Les activités sont décrites comme un vrai ressort de la TMF. En passant par un langage imaginaire et symbolique, la mise en mots devient possible tout en restant ludique. De plus, les exercices permettent de mettre les parents et les adolescents à égalité. Ce sont des moments de partage fédérateurs, créateurs d’une dynamique groupale. Le groupe est un élément central du dispositif de TMF, groupe TMF, groupe parents, groupes adolescents, sous-groupes. Enfin, les thérapeutes sont une figure phare du dispositif. Ce sont eux qui permettent le cadre, la contenance, le portage et ainsi l’accueil des émotions. Et ce de manière horizontale, en s’effaçant au profit des participants qui deviennent cothérapeutes. Les apports La TMF a été très investie par les participants. Pour les adolescents, c’est une manière de rencontrer d’autres adolescents qui ressentent la même chose qu’eux. Elle entraîne ouverture et libération. Les adolescents reconnaissent également pouvoir expérimenter en TMF une certaine authenticité grâce à l’absence de jugement des pairs et donc l’expérience d’une relation apaisée avec eux. La TMF permet aux parents de comprendre le vécu des adolescents et leur ressenti. Leur parole devient entendue et leur souffrance reconnue. Le RSA est légitimé et peut désormais être accepté et partagé. La TMF est une expérience émotionnelle forte, une « catharsis émotionnelle », comme le décrivent certains parents. Elle soulage et déculpabilise. Par la pluralité de points de vue, la TMF apporte d’autres manières de faire et d’autres solutions. L’effet miroir ainsi que la résonnance entre le vécu et les attitudes de chacun est également un élément important qui permet une validation de ses émotions et une remise en question. Ainsi, chaque membre au sein des familles et chaque famille en tant qu’unité deviennent des cothérapeutes capables de mobiliser leurs ressources. Les familles redeviennent compétentes. La communication intrafamiliale est améliorée. Le retour à l’école n’est plus un objectif à atteindre pour certains parents. La TMF permet également l’inscription dans un système, ainsi que dans d’autres soins : un suivi individuel, une thérapie familiale, une prise en charge en hôpital de jour, etc. Néanmoins, la TMF ne répond pas à toutes les attentes, notamment l’évitement de la chronicisation du RSA et la reprise de la scolarité. Cette dernière reste ainsi au cœur de la problématique, nous amenant à nous interroger sur sa place et sur la manière de travailler avec elle. En effet, certaines équipes travaillent avec l’école au sein d’un dispositif de TMF, tel que la Family School à Londres qui réunit des thérapeutes, les familles dont un enfant est à risque d’exclusion scolaire et les professeurs(8). L’UMMIS, unité mixte et mobile d’intervention scolaire créée par le Pr Baleyte en 2018, intervient dans plusieurs écoles de la ville de Créteil afin de prévenir le décrochage scolaire et réunit des soignants, les familles et l’établissement scolaire.  

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