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Dermatologie

Publié le 26 nov 2020Lecture 5 min

Dermatite atopique : quand faire un bilan allergologique ?

Nathalia BELLON, Service dermatologie, hôpital Necker Enfants malades, Paris

La dermatite atopique est une maladie inflammatoire cutanée chronique évoluant par poussées, qui revêt différents aspects selon l’âge et le terrain. Elle est associée à un terrain de prédisposition à l’atopie, donc à la prédisposition génétique aux sensibilisations envers des allergènes.

Des études récentes ont montré que les phénotypes de DA peuvent être individualisés selon l’âge, la chronicité, l’ethnie, le statut filaggrine et le taux d’IgE circulantes. Le terrain génétique (endotype) fait le lit des aspects cliniques différents (phénotypes)(1). Les anomalies de barrière cutanée à l’origine de la DA sont déterminées par le terrain génétique en fonction des mutations ou polymorphismes dans certains gènes. Les gènes concernés sont principalement la filaggrine (10 à 40 % des patients avec DA), la loricrine, la périplakine, entre autres. Les mutations, pertes de fonction filaggrine, sont à l’origine d’anomalies de la fonction barrière cutanée (altération TEWL : transepithelial water loss), de l’augmentation des sensibilisations, de l’asthme, des allergies alimentaires et de contact, de formes plus sévères et chroniques, et de surrisque d’infections cutanées bactériennes et herpétiques(2). Le déficit en filaggrine se traduit par une xérose cutanée intense, un aspect d’ichtyose vulgaire prédominant aux jambes (« peau de serpent ») et une hyperlinéarité palmo-plantaire marquée. On peut individualiser différents phénotypes pédiatriques de DA : les DA précoces persistantes qui sont plus sévères, chroniques, et nettement associées aux comorbidités atopiques comme l’asthme et les allergies alimentaires ; les DA précoces transitoires où le risque d’asthme et d’allergies alimentaires est plus modéré ; les DA tardives (> 2 ans) avec risque de rhinite allergique et les DA tardives isolées sans comorbidité atopique. On constate qu’au-delà de l’âge de 13 ans, la proportion de DA persistante est similaire à celle de l’adulte. Ainsi, le sous-groupe DA précoce persistante est un sous-groupe particulièrement à risque de comorbidités atopiques et de persistance au cours de la vie et au-delà de l’adolescence, qui peut inciter plus particulièrement à la réalisation d’explorations allergologiques(3,4). Le praticien doit garder en tête que le diagnostic d’allergie est défini par des symptômes cliniques évocateurs et associés à des sensibilisations mises en évidence par des tests allergologiques (cutanés ou sanguins) et concordant avec la clinique. La réalisation de tests allergologiques ne doit donc pas être systématique, mais guidée par la clinique. La recherche de symptômes d’asthme à l’interrogatoire et l’examen clinique doit être systématique à tout âge, étant donné la prévalence importante de l’asthme chez l’enfant avec DA, notamment en âge scolaire. La réalisation d’EFR doit être systématique au moins une fois chez tout enfant avec DA sévère. La recherche de sensibilisations aux aéroallergènes (acariens, moisissures, pollens) peut se discuter en cas de comorbidités respiratoires comme la rhinoconjonctivite allergique ou l’asthme. Cependant, il faut garder à l’esprit que la désensibilisation aux aéroallergènes n’a pas sa place dans le traitement de la DA, et que celle-ci doit être réservée aux situations d’allergies respiratoires avec retentissement sur le sommeil et/ou la qualité de vie et non contrôlées par des traitements classiques bien conduits(5). L’intérêt de ce bilan est donc limité pour un patient avec DA sans comorbidité, mais peut éventuellement inciter à proposer des mesures d’éviction antiacariens chez des enfants présentant une DA modérée à sévère avec antécédents familiaux d’asthme en cas de sensibilisation. Les indications d’un bilan allergologique alimentaire, orienté en fonction de l’interrogatoire, sont résumées dans le tableau 1. Ce bilan comportera la réalisation de pricktests et d’IgE spécifiques en cas de symptômes immédiats. La réalisation de tests allergologiques comme les tests épicutanés (patch tests) alimentaires en cas de symptômes d’allergie retardée est plus débattue, et actuellement plus rarement pratiquée. Les allergènes alimentaires les plus fréquemment impliqués dans l’aggravation d’une DA sont le lait de vache, le blé, l’œuf. Chez le nourrisson, une DA précoce et sévère doit faire évoquer une allergie aux protéines de lait de vache et faire discuter un régime d’éviction sans attendre les résultats du bilan allergologique, suivi d’une réintroduction à un mois(6). Le diagnostic d’allergie alimentaire à l’origine des symptômes de DA sera alors posé sur les critères d’amélioration franche sous régime d’éviction suivi d’une réaggravation à la réintroduction de l’aliment, sans modification des traitements locaux qui sont à poursuivre en parallèle de l’éviction, et en dehors de toute autre cause de poussée. Des éruptions cutanées plus fugaces, prurigineuses, volontiers urticariennes, liées à la consommation d’un aliment ne sont pas exceptionnelles chez l’enfant avec DA, et peuvent être observées avec des aliments riches en histamine ou histamino-libérateur comme le chocolat, le poisson, la tomate. Le caractère non systématique ou aléatoire de ces éruptions est évocateur de réactions histaminiques. En cas de doute avec des réactions IgEmédiées, un bilan orienté peut alors être proposé (IgE spécifiques et prick tests). Un bilan allergologique alimentaire large ne sera envisagé que dans des situations exceptionnelles de DA sévère associée à un retentissement sur la croissance staturopondérale sans élément d’orientation évident à l’interrogatoire, ou en cas d’anamnèse évoquant une polyallergies alimentaire. La mise en évidence de polysensibilisations alimentaires par des tests ne doit en aucun cas conduire à des évictions alimentaires non justifiées, au risque d’un retentissement sur la croissance de l’enfant entre autres, et en cas de doute, un régime d’éviction à visée d’amélioration cutanée ne doit pas excéder un mois avant réintroduction de l’aliment (à l’exclusion d’une allergie alimentaire immédiate nécessitant une éviction prolongée et un suivi allergologique). En cas de signes d’eczéma de contact (tableau 2), des tests épicutanés avec batterie standard pédiatrique et orientés en fonction de l’interrogatoire (cosmétiques, traitements locaux, etc.) seront proposés. Le risque de sensibilisations de contact reste exceptionnel chez le nourrisson, et augmente avec l’âge de l’enfant. Les allergènes de contact les plus fréquemment incriminés chez l’enfant avec DA sont le nickel, les parfums : baume du Pérou, fragrance mix I et II, sorbitan sesquioleate, Lyral, isothiazolinones et corticostéroïdes(7). Ainsi, une allergie de contact aux corticoïdes locaux (traitement principal de la DA) peut être évoquée en cas d’échec ou d’aggravation sous traitement bien conduit, en vérifiant au préalable l’observance du traitement et les modalités d’application des dermocorticoïdes étant donné la prévalence importante de la corticophobie dans les familles d’enfants avec DA, plus souvent responsable de l’échec thérapeutique. En cas de DA sévère et diffuse, la réalisation de tests cutanés sera plus complexe à réaliser et à interpréter, avec de possibles faux positifs et des réactions irritatives.

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