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Endocrinologie-Diabétologie

Publié le 02 juil 2020Lecture 10 min

Conduite à tenir devant un syndrome polyuropolydipsique de l’enfant

Albert BENSMAN, Paris

Lorsqu’en consultation, soit spontanément, soit en interrogeant les parents, l’enfant ou l’adolescent évoque le fait qu’il boit et urine beaucoup, souvent, notamment la nuit, avec une nycturie, voire une énurésie secondaire, la première pathologie à éliminer en urgence est le diabète « sucré ».

Diabète de type 1 : une urgence ! À l’évocation d’un syndrome polyuropolidipsique, d’une nycturie ou d’une énurésie secondaire, la première pathologie à éliminer est un diabète de type 1. Ce diagnostic est une urgence : il ne faut pas prescrire au patient un bilan biologique à réaliser à jeun. Il doit avoir une bandelette urinaire et une glycémie capillaire au cabinet. Si la réalisation au cabinet est impossible, il doit être adressé aux urgences pédiatriques sans délai afin de réaliser ces examens. Un syndrome polyruropolydipsique chez un enfant ou un adolescent est un diabète de type 1 jusqu’à preuve du contraire. En cas de retard au diagnostic, il existe un risque d’acidocétose, de troubles ioniques, de déshydratation, de coma et de décès. Il ne faut donc pas attendre les résultats d’un bilan sanguin prescrit à jeun en laboratoire de ville, même s’il semble aller très bien ! Même si l’enfant est obèse et que ses parents ont un diabète de type 2 (DT2), il ne faut pas conclure qu’il s’agit d’un DT2 dont le diagnostic peut attendre, avec une glycémie à jeun à faire en laboratoire de ville. D’autant que s’il existe un syndrome polyuropolydipsique sans être à jeun, c’est que le seuil de filtration rénale du glucose a été dépassé et que la glycémie est > 1,8 g/l. Une glycémie > 2 g/l à tout moment, accompagnée d’un syndrome polyuropolydipsique signe le diagnostic de diabète « sucré », une hospitalisation en urgence et une insulinothérapie doivent être mises en place sans délai. Une hospitalisation de plusieurs jours permettra au patient et à sa famille d’apprendre la prise en charge cette maladie. Si le patient est en bon état général, avec des constantes hémodynamiques et un examen neurologique normaux, il peut se rendre aux urgences avec ses parents par leurs propres moyens. S’il présente des signes d’acidocétose (douleur abdominale, vomissements, troubles de la conscience, polypnée, etc.) ou de déshydratation, un transport médicalisé doit être discuté en appelant le 15. Diabète insipide : très rare Une fois le diagnostic de diabète sucré éliminé, on peut se poser la question d’autres diagnostics, plus rares tel que le diabète insipide. C’est le fait que le rein ne retienne pas le sel et l’eau. Ce diagnostic, même s’il est rare, peut-être à risque de déshydratation si l’enfant n’a pas accès à l’eau, notamment quand ses parents décident de réduire volontairement les apports, pour exemple chez un nourrisson ou afin d’éviter le pipi au lit. Attention ! Il faut bien dire aux parents de ne pas limiter les apports en eau de leur enfant avant expertise médicale. Que demander à l’interrogatoire ? Ce qui est bu (eau, lait, soda, etc.) ; En quelle quantité (demander aux parents de noter sans restriction) ; Comment cela se passe quand l’enfant n’a pas total accès à l’eau (école, trajet en voiture, etc.) ? ; Prise de médicament diurétique accidentelle ; Signes d’hypertension intracrânienne (HTIC) (céphalées matinales, nausées, vomissements) ; Signes d’insuffisance hypophysaire (constipation) ; Nycturie, énurésie ; Couches qui débordent. Définition de la polyurie : = volume urinaire en excès de 2 L/m2 /j, ou selon l’âge : > 150 mL/kg/j (à la naissance) ; > 110 mL/kg/j jusqu’à l’âge de 2 ans ; > 50 mL/kg/j chez enfant et adulte. D’après Di Lorgi et al. Horm Res Paediatric 2012. Que rechercher à l’examen clinique ? • Poids, taille, PC, à mettre sur courbes, recherche de cassure (motivant une imagerie hypophysaire en urgence) ; • Champ visuel au doigt ; • Des signes de déshydratation (perte de poids, cernes, muqueuses sèches, tachycardie, hypotension, pli cutané). La découverte d’une cassure ou d’un infléchissement statural dans un con texte de syndrome polyuropolydipsique doit faire réaliser en urgence une imagerie hypophysaire (au mieux une IRM). Il faut prendre contact d’urgence avec un référent hospitalier pour une prise en charge très rapide (figure 1). Figure 1. Cassure de croissance staturale, motivant une imagerie hypophysaire en urgence. Diabète insipide, physiopathologie L’hypothalamus, au sein du système nerveux central, synthétise l’ADH, hormone antidiurétique (aussi appelée vasopressine), qui sera stockée puis sécrétée par la post-hypophyse dans la circulation générale. L’ADH agit sur un récepteur au niveau des reins (récepteur V2), permettant la réabsorption d’eau au niveau des canaux collecteurs. La post-hypophyse est visible à l’arrière de l’hypophyse, en hypersignal T2 spontané à l’IRM (attention certaines personnes sans diabète insipide n’ont pas d’hypersignal spontané, son absence n’est donc pas pathognomonique de diabète insipide central). Chez un patient souffrant de diabète insipide, le rein ne réabsorbe pas de façon optimale l’eau, aboutissant à une polyurie. Le patient, pour compenser cette polyurie, va boire beaucoup pour ne pas se déshydrater. Il s’agit d’un diagnostic rare. Le diabète insipide est central si le problème vient de la sécrétion d’ADH : le problème est hypophysaire. Le traitement sera de substituer en ADH. La prise en charge est endocrinopédiatrique. Le diabète insipide est néphrogénique lorsqu’il y a un problème de résistance à l’hormone antidiurétique. L’ADH est bien synthétisée et sécrétée, mais ne peut agir au niveau de son récepteur. Le traitement par ADH est alors inefficace. La prise en charge sera d’équilibrer les apports en eau, en sels et en protéines. La prise en charge est néphropédiatrique (figures 2, 3 et 4). Figure 2. Anatomie : hypothalamus, hypophyse. Figure 3. Coupe sagittale T2 d’hypophyse. 1 : antéhypophyse. 2 : tige pituitaire. 3 : post-hypophyse. Figure 4. Axes hypothalamohypophysaires. Somatotrope (croissance) : GHRH growth hormone relaising hormone, GH growth hormone, IGF1 insulin like growth factor 1. Gonadotrope (puberté, fertilité, sexualité) : GnRH gonadotrophin relaising hormone, LH luteinizing hormone, FSH follicle stimulating hormone, estradiol, testostérone. Tyréotrope (thyroïde) : TRH thyreotropin relaising hormone, TSH thyroid stimulating hormone, T4 L-thyroxin. Corticotrope (surrénales) : CRH corticotropin relaising hormone, ACTH adreno corticotropic hormo, cortisol. Lactotrope (lactation) : prolactine Démarche diagnostique en cas de suspicion de diabète insipide Lorsque l’on suspecte un diabète insipide chez un patient (après avoir éliminé en urgence, par une glycémie capillaire et une bandelette urinaire, un diabète de type 1), on vérifie qu’il n’y a pas de caractère d’urgence, à savoir une cassure staturale ou des signes d’hypertension intracrânienne ou de déshydratation. En l’absence de ces critères d’urgence, on a le temps de faire le diagnostic, à condition de ne pas restreindre le patient en eau à domicile : il faut donc bien le préciser aux parents. Il ne faut pas hésiter à parler rapidement de la situation avec un endocrinopédiatre (mail, téléphone) afin de définir la meilleure conduite à tenir et une vitesse de prise en charge. Ce n’est pas un diagnostic fréquent et il existe un risque de déshydratation. Un bilan le matin peut être réalisé dans un laboratoire de ville, sans restriction : – sang : ionogramme (Na, K), urée, créatinine, calcium, osmolarité ; – urine sur miction (au même moment que le bilan sanguin, 1re ou 2e miction du matin) : ionogramme (Na, K), calcium, créatinine, osmolarité. En cas d’hypernatrémie avec osmolarité urinaire basse (natrémie > 143 mmol/l, en regard d’une osmolarité urinaire < 500 mosm/kg), le diagnostic de diabète insipide est certain, il n’y a pas besoin de test de restriction. La prise en charge endocrinopédiatrique doit alors être très rapide. En cas d’urines concentrées (osmolarité urinaire > 750 mosm/kg), le diagnostic de diabète insipide est exclu. Il s’agit d’une potomanie avec polyurie d’entraînement. En l’absence de réponse sur ce bilan, une hospitalisation en centre spécialisé pour observation puis test de restriction doit être demandée. Conduite à tenir en hospitalier devant une suspicion ” de diabète insipide En cas de doute diagnostique, une hospitalisation en service spécialisé, habitué à évaluer les enfants avec suspicion de diabète insipide, est nécessaire. Une discussion entre la famille et l’endocrinologue pédiatre est nécessaire avant l’hospitalisation, afin de la préparer au mieux. Cette hospitalisation sera réalisée dans une période où le personnel médical et paramédical sera à même de bien suration veiller l’enfant, où les prélève ments biologiques pourront être évalués rapidement, et en dehors d’une période infectieuse. Il n’y a pas d’urgence à mettre en place cette hospitalisation. Le 1er temps d’hospitalisation est habituellement une évaluation avec courbe-boisson-diurèse, suivi d’un test de restriction si nécessaire, et sous haute surveillance. On ne fait pas de test de restriction sur 24 h, souvent quelques heures suffisent. Cette épreuve peut être très mal tolérée, sur le plan clinique et comportemental, elle doit donc être bien préparée. Pendant la période d’observation, parfois l’enfant va finalement moins boire et moins uriner car il est en dehors de son contexte habituel de vie et avec la distraction de la salle d’attente, on peut alors éliminer le diabète insipide. Après ce 1er jour d’observation, on définit comment réaliser et surveiller le test de restriction, avec une surveillance clinique du poids, de l’hémodynamique (fréquence cardiaque, tension artérielle), et paraclinique, avec ionogramme et osmolarité sanguine et urinaire. Des exemples de résultats sont donnés dans la figure 5. Figure 5. Résultats du test de restriction hospitalier. Si on prend l’exemple d’un enfant de 2 ans, qui pèse 10 kg, boit et urine 2 l/24 h et qui a un vrai diabète insipide. Il peut perdre 1 kg, soit 10 % de son poids, et présenter une déshydratation sévère en 12 heures de restriction hydrique. C’est la raison pour laquelle il serait très dangereux de limiter les apports d’eau à domicile. Ces tests ne sont pas plus réalisables à domicile que dans un service non expérimenté. C’est un test à haut risque, qui n’est pas une urgence, qui doit donc être programmé pour une réalisation à moindre risque, et seulement s’il est vraiment indispensable. Dans certains cas, l’interprétation du test n’est pas aussi claire ou le test n’a pu être réalisé correctement. Son indication est une nouvelle planification dans de meilleures conditions peuvent être discutées. Les critères d’arrêt des tests de restriction sont : – une tachycardie ; – une hypotension ; – une perte de poids > 5 % ; – une hypernatrémie > 145 mmol/l ; – une osmolarité plasmatique > 295 mosm/kg ; – une osmolarité urinaire > 750 mosm/kg Conduite à tenir en hospitalier après avoir fait le diagnostic de diabète insipide central ou néphrogénique ? À la fin du test de restriction hydrique, une fois le diagnostic de diabète insipide posé, on donnera à l’enfant une dose d’hormone antidiurétique (ADH), 30 µg per os de Minirin® et on attendra la prochaine miction. On parle de test à l’ADH. Si après la prise d’ADH, l’enfant arrête d’uriner, concentre ses urines, il s’agit d’un diabète insipide central, lié à l’absence de sécrétion d’ADH. On recherchera la cause de ce diabète insipide central en réalisant une IRM hypophysaire et un bilan des autres axes hypophysaires : FSH, LH, IGF1, cortisol, prolactine, TSH, T4L (figure 4). La prise en charge sera une supplémentation par ADH. Si après la prise d’ADH, l’enfant continue d’uriner, ne concentre pas ses urines, on arrête le test. Il s’agit d’un diabète insipide néphrogénique, lié à une résistance à l’ADH. La prise en charge sera d’équilibrer les apports en eau, sels, protéines. Un suivi en néphropédiatrie doit être instauré. Il s’agit d’une pathologie encore plus rare que le diabète insipide central. Causes et suivi de diabète insipide central Les causes de diabète insipide central sont données dans la figure 6, la crainte du clinicien étant la découverte d’un craniopharyngiome, d’un germinome ou d’une histiocytose notamment. Figure 6. Causes de diabète insipide central, d’après E. Dabrowski et coll. B. Pract Res Clin Endocrinol Met 2016. Si l’IRM et le bilan hypophysaire sont normaux, on parlera de diabète insipide central idiopathique. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination. Le suivi hypophysaire, clinique (croissance, puberté, statut thyroïdien), biologique et par IRM doit être réalisé, à un rythme choisi par le spécialiste, sur de nombreuses années. Il arrive que le diagnostic étiologique prenne du temps. Si un épaississement de la tige pituitaire est constaté à l’IRM, les étiologies tumorales ou de pathologies infiltrantes se discutent. Une surveillance plus rapprochée peut être décidée, voire l’indication d’une biopsie chirurgicale posée. Un diagnostic d’élimination : potomanie avec polyurie d’entraînement Une fois le diagnostic de diabète insipide exclu, le diagnostic le plus fréquent est la potomanie avec polyurie d’entraînement. Il ne s’agit pas d’une pathologie psychiatrique, mais plutôt d’un enfant qui a pris l’habitude d’avoir un sentiment de réconfort en buvant, le biberon d’eau est pris comme un « doudou ». Chez un adolescent, cela peut être un comportement adopté dans des moments de stress ou d’anxiété. Au fur et à mesure que cet enfant (ou adolescent) boit beaucoup, il urine beaucoup, et comme dans un cercle vicieux, continue à uriner même quand il baisse un peu ses boissons, et d’avoir soif, etc. Ce comportement n’est pas à risque de déshydratation et sa prise en charge est comportementale, avec une baisse progressive des apports en eau, en particulier le soir et la nuit. Évidemment, comme dit antérieurement, le fait de baisser les apports en eau ne se conçoit que si on a bien éliminé le diabète de type 1 et un diabète insipide. Avenir Actuellement, le dosage de l’ADH n’est pas réalisable et interprétable facilement en pratique clinique. Le dosage de la copeptine, qui est le copeptide fabriqué en quantité équimolaire à l’hormone antidiurétique, peut être dosé facilement. Des études sont en cours afin de valider des seuils diagnostiques, pouvant permettre dans certains cas de faire les diagnostics, sans nécessité de réaliser des tests de restriction hydrique.

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