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Neurologie

Publié le 19 sep 2019Lecture 9 min

Les tremblements de l’enfant

Pierre MEYER et coll.*, département de neurologie pédiatrique, CHU Gui de Chauliac, Montpellier

Le plus souvent, l’enfant est adressé parce qu’il « tremble ». Le tremblement est une forme de mouvement anormal qui répond à une définition précise. Il faudra confirmer que les caractéristiques sémiologiques des troubles moteurs du patient répondent bien à la définition.
Il n’est pas rare cependant que le motif de consultation soit beaucoup plus flou, correspondant au retentissement fonctionnel du trouble moteur : difficultés pour écrire, maladresse. Il existe de nombreuses causes chez l’enfant de maladresse ou troubles du graphisme et il faudra repérer les patients ayant un tremblement, établissant ainsi le diagnostic différentiel avec d’autres troubles.

es tremblements sont des oscillations rythmiques involontaires, résultant de l’alternance répétitive de contractions et de détentes musculaires, touchant tout ou une partie du corps(1). Alors que le tremblement représente la forme la plus fréquente de mouvement anormal chez l’adulte, il s’agit d’une forme de mouvement anormal nettement plus rare chez l’enfant (tics et dystonies étant beaucoup plus fréquents). La stratégie de diagnostic positif, puis de diagnostic étiologique repose sur une analyse clinique et sémiologique minutieuse. Analyse clinique du tremblement Circonstances de survenue Le tremblement peut survenir au repos, lors du maintien de posture, ou lors de l’action(1,2). • Le tremblement de repos apparaît lorsque la partie du corps est supportée contre la gravité, c’est-à-dire lors du relâchement musculaire ; il disparaît lors de la contraction volontaire ou au mouvement, et au sommeil. Il est majoré lors de la concentration (calcul mental) ou par les émotions. Il touche volontiers la partie distale des membres. Chez l’adulte, le tremblement parkinsonien est l’exemple le plus classique de tremblement de repos. • Le tremblement postural est présent lors du maintien de posture, comme maintenir les bras tendus devant soit (manoeuvre du serment) ou lorsqu’on maintient les deux index en opposition (manoeuvre du bretteur). On l’observe lors de l’exagération du tremblement physiologique, ou lors du tremblement essentiel. • Le tremblement d’action apparaît lors de la contraction musculaire volontaire, c’est-à-dire à la réalisation d’un mouvement. Le tremblement peut apparaître : – à l’initiation du mouvement ; – lors de sa réalisation ; – en fin de mouvement (tremblement intentionnel), bien mis en évidence lors de l’épreuve doigtnez ; c’est le cas du tremblement cérébelleux. Le tremblement est également étudié lors de la réalisation de gestes usuels comme écrire ou transvaser de l’eau d’un verre à l’autre. Caractéristiques du tremblement L’examen clinique étudie : – la topographie du tremblement ; le plus souvent distal au niveau des membres supérieurs, il peut également concerner le chef (la tête), le larynx ou les membres inférieurs ; – son caractère bilatéral, symétrique ; – son amplitude ; – sa fréquence ; – ses conséquences sur la vie quotidienne. L’interrogatoire précise les modalités évolutives du tremblement : – l’âge de début : le tremblement est exceptionnel chez le nourrisson ou le petit enfant ; – son mode de début : le début brutal est peu en faveur d’un tremblement essentiel ; – ses fluctuations éventuelles dans la journée ; – l’existence de facteurs aggravants ou améliorants. Interrogatoire et examen général du patient L’interrogatoire des parents recherche des antécédents médicaux particuliers, précise les étapes du développement psychomoteur, la prise de médicaments (valproate de sodium, immuno-suppresseurs), l’histoire familiale (antécédent de tremblement essentiel ?). L’examen clinique recherche d’éventuels signes neurologiques associés (éléments cérébelleux, troubles toniques) ou non neurologiques (télangiectasies). Des examens sont-ils nécessaires ? Le diagnostic de tremblement chez l’enfant est avant tout un diagnostic clinique, qui repose sur l’observation et l’examen clinique. Parfois, seul un enregistrement électromyographique permettra d’établir un diagnostic différentiel avec d’autres types de troubles moteurs, ou permettra de caractériser le tremblement, de mieux le classer et d’aboutir à un diagnostic syndromique (cf. infra). Des examens complémentaires sont nécessaires devant tout tremblement d’apparition récente, de début brutal ou associé à d’autres signes neurologiques en dehors d’une cause évidente connue. Le choix des examens dépendra des situations, l’IRM cérébrale et un bilan biologique avec dosages des hormones thyroïdiennes étant les examens à proposer en 1re intention. Est-ce bien un tremblement ? De nombreuses situations cliniques peuvent amener à discuter le diagnostic, et nécessitent parfois une analyse minutieuse pour établir un diagnostic différentiel adéquat(2) : – myoclonies : les sursauts myocloniques sont plus irréguliers, non oscillatoires ; la réalisation d’un enregistrement électromyographique est parfois utile ; – chorée : mouvements involontaires, sans but, arythmiques, dansants, aléatoires, non répétitifs, asymétriques, brusques, brefs, survenant au repos ou lors d’un mouvement volontaire, souvent distal ; – tremblement dystonique : tremblement et dystonie sont présents dans la même région du corps, le tremblement étant l’expression, à un moment donné ou dans une posture donnée, de la dystonie ; – autre trouble de la motricité, comme les troubles développementaux des coordinations ou trouble d’acquisition des coordinations (TAC) : il s’agit d’un trouble de l’acquisition et de l’exécution des habiletés motrices coordonnées résultant en une maladresse, une lenteur et une imprécision dans l’exécution des habiletés motrices (par exemple attraper un objet, utiliser des ciseaux ou des couverts, écrire, faire du vélo, pratiquer une activité sportive, etc.). Les patients sont adressés pour une maladresse, une imprécision du geste avec parfois des mouvements inhabituels étiquetés « tremblements ». Le diagnostic différentiel n’est pas toujours aisé, bien que dans le cas du TAC il s’agisse d’un trouble précoce neuro-développemental, alors que le tremblement essentiel apparaît chez un enfant dont les habiletés motrices s’étaient développées normalement. Les différentes formes de tremblement chez l’enfant Exacerbation du tremblement physiologique C’est un tremblement fin et postural des membres supérieurs, d’une fréquence de 8 à 12 Hz. Il peut être majoré par le stress, la prise de caféine, certaines situations pathologiques (hyperthyroïdie), les prises médicamenteuses (valproate de sodium, ciclosporine, mycophénolate mofétil). Chez l’adulte, on peut l’observer lors du sevrage alcoolique ou tabagique. Tremblement d’origine somatoforme Les troubles somatoformes ne sont pas rares chez l’enfant et, lorsqu’ils se révèlent par des mouvements anormaux, il s’agit le plus souvent de tremblements. Certains arguments sont en faveur de l’origine somatoforme : début brutal (parfois après un traumatisme minime), modalités évolutives inhabituelles (fluctuations ou exacerbations paroxystiques, distractibilité, entraînement), rapide progression avec sévérité maximale, retentissement fonctionnel limité (possibilité de tenir un smartphone/mouvements violents), grande amplitude, topographie inhabituelle ou implication de plusieurs parties du corps. Le plus souvent le diagnostic est aisé devant l’inconsistance et l’incongruence des manifestations. Le tremblement cérébelleux Il s’agit avant tout d’un tremblement d’action qui apparaît ou est maximal lors de l’arrivée à la cible (tremblement intentionnel). Sa fréquence est d’environ 3 Hz. L’existence d’autres signes cérébelleux (trouble de l’équilibration, dysmétrie, adiadococinésie, dysarthrie, troubles de l’occulomotricité) orientera le diagnostic. Tremblement essentiel (TE) Le tremblement essentiel est très bien connu et fréquent chez l’adulte, avec une prévalence de plus de 4 % dans la population âgée de plus de 60 ans. L’âge de début du TE suit une courbe bimodale, avec certes un pic autour de 60 ans, mais également un pic dans l’enfance(4). Ainsi, 20 % au moins des patients adultes ayant un TE décrivent un âge de début pédiatrique. Chez l’enfant, le TE est beaucoup moins bien connu, et les délais de diagnostic sont souvent très longs, allant jusqu’à plusieurs dizaines d’années(4-6). Le tremblement essentiel chez l’enfant est un tremblement d’action qui atteint les membres supérieurs, souvent de façon asymétrique avec une prédominance du côté dominant. Il peut également exister un tremblement postural. Contrairement à ce que l’on observe chez l’adulte, le visage et la voix sont rarement atteints chez l’enfant. Le tremblement est isolé, sans autre signe neurologique associé. L’âge de survenue chez l’enfant serait en moyenne de 5,9 ± 4,7 ans(4-6) ; un début à l’âge de 1 an a été décrit(12). Le plus souvent, les parents ne peuvent préciser l’âge de début (« depuis qu’il est petit »), ou bien ce tremblement est noté à l’école, lors de l’apprentissage de l’écriture. Il existe une nette prédominance du TE dans la population masculine, avec cependant une sévérité comparable dans les deux sexes. Une composante familiale est très fréquemment retrouvée chez les patients atteints de TE ayant débuté avant l’âge de 18 ans, allant de 50 % à 91 % selon les séries étudiées (asiatique/nordaméricaine/ européenne)(3-5). Les données électrophysiologiques concernant le TE chez l’enfant sont très limitées ; il est décrit une fréquence moyenne du tremblement de 7 Hz, cette fréquence ayant tendance à diminuer avec le temps(7). En l’absence d’antécédent familial de TE, la réalisation d’une IRM cérébrale est recommandée afin de confirmer le diagnostic de TE. Retentissement du tremblement sur les activités Le tremblement interfère avec la réalisation des activités motrices volontaires de l’enfant, notamment avec la réalisation des gestes fins, et il est important d’en évaluer les conséquences : – sur l’autonomie et les activités quotidiennes selon l’âge de l’enfant : boire, couper, se boutonner, se vêtir, mais aussi insérer une clé dans la serrure, insérer une pièce ou une carte dans un distributeur automatique ; – sur les activités scolaires : le tremblement interfère souvent avec l’écriture, qui est maladroite, hésitante ; les activités graphiques (écriture, géométrie) nécessitent un effort de concentration, et génèrent lenteur et fatigabilité ; la maladresse graphique est parfois pénalisée et stigmatisée ; – sur l’estime de soi : du fait de leur maladresse, les enfants atteints de tremblement sont souvent l’objet de moqueries à l’école ou à la cantine, et sont parfois confrontés à des commentaires illustrant l’incompréhension de leur situation (« Fais un effort pour mieux écrire ! », « Applique-toi donc ! ») ; la gêne motrice peut retentir sur la qualité de l’intégration sociale avec des conséquences non négligeables sur leur bien-être. Prise en charge Le premier élément de la prise en charge consiste à informer les parents et l’enfant du diagnostic : lorsqu’il s’agit d’un tremblement essentiel, il est utile de dire que l’on a éliminé une maladie « grave », car il s’agit le plus souvent de la principale crainte des familles. L’autre élément de la prise en charge consiste à mettre en place les outils pour aider l’enfant, après avoir évalué le retentissement du tremblement à la fois sur les activités quotidiennes au domicile, mais aussi sur sa scolarité : la prise en charge s’organise autour de l’enfant en lien avec les parents et les enseignants. L’évaluation permettra de proposer des aménagements et des adaptations, ajustés à l’âge du patient afin de lui permettre d’être autonome et performant malgré ses difficultés : allègement des tâches graphiques, exercices à trous (qui consiste , par exemple, à remplir un texte comportant des mots manquants), question à choix multiples, limitation du recopiage non indispensable, utilisation de photocopies, attribution d’un tiers-temps pour les examens des plus grands. L’apprentissage précoce de l’utilisation d’un ordinateur, l’aide de logiciels spécifiques, notamment pour la géométrie, peuvent être utiles. Ces aménagements sont mis en place en collaboration avec les équipes pédagogiques, en informant les parents des démarches nécessaires et des aides dont ils peuvent bénéficier. Le choix de l’orientation professionnelle est parfois une étape délicate, qui sera discutée minutieusement afin que le patient ne soit pas pénalisé dans sa vie professionnelle à l’âge adulte. Au domicile, les activités doivent être choisies avec les enfants, en évitant celles qui vont les mettre en difficultés, voire en échec. Le recours à un traitement pharmacologique est souvent discuté devant un tremblement essentiel de l’adulte ; chez l’enfant, il y a très peu d’études, et la mise en place des aides et outils précédemment évoqués nous semble primordiale. Conclusion La survenue d’un tremblement chez l’enfant n’est pas une situation exceptionnelle ; établir un diagnostic positif justifie une analyse sémiologique rigoureuse. Le tremblement essentiel peut débuter chez l’enfant. Il est probablement sous-diagnostiqué, alors que le reconnaître précocement permet de mettre en place les outils et aménagements adaptés pour aider au mieux les enfants.

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