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Comportement

Publié le 11 déc 2008Lecture 7 min

L’enfant inexaminable. Caprice de l’enfant ou impatience du médecin ?

M. MATHÉ, N. HASTIER-GOUIN, P. LE ROUX, Service des Urgences pédiatriques, Groupe hospitalier du Havre

Sujet d’actualité ou présent de tout temps ? La coopération de l’enfant reste un élément essentiel à la réalisation d’un examen clinique systématique et complet. La patience du médecin est aussi une des clefs de la relation enfant, parent et soignant. Toutefois, les caprices et un manque de patience peuvent, au quotidien, altérer les conditions optimales de ce partenariat et conduire à un examen difficile, voire impossible. Quelles en sont les causes ? Existe-t-il des remèdes ? L’élément majeur reste celui de ne pas passer à côté d’une urgence « vraie » ou de problèmes intrafamiliaux sousjacents. Les enfants sont-ils des « vilains petits canards » ? selon l’expression de Boris Cyryknick(1).

Matthéo 12 ans, autiste amené par sa référente du centre IME pour une plaie à suturer, forte opposition à l’installation sur la table d’examen, difficulté de la prise du MEOPA® et impossibilité pour l’accompagnante d’assister aux soins…     Jeune fille de 15 ans (placée en foyer), victime d’agression sexuelle par une bande, amenée par les gendarmes pour des examens à visées médico-judiciaires ; prostration liée au stress post-traumatique : communication difficile et délicate.     Jeune de 14 ans amené par la police à 1 h du matin, trouvé dans les rues, pas de papier, ne parle ni français ni anglais ; « faciès pakistanais selon la police » ; refus d’examen physique ; problème de reconduite ! etc. Ces situations où l’examen est problématique, voire impossible, s’égrènent quotidiennement dans les services d’urgences.   Caprice de l’enfant ? Au cours de la dernière décennie, les caprices des enfants seraient devenus plus fréquents. Est-ce un problème de société ou la conséquence d’une attitude parentale plus laxiste, naturelle évolution de « l’enfant-roi » : « les enfants sont les symptômes des parents ». Le caprice est une étape physiologique du développement individuel de l’enfant afin de déstabiliser le cadre éducatif des parents. Définition d’un caprice… « Enfant non coopérant rendant la réalisation d’un examen clinique général, systématique et complet difficile, voire impossible. » « Les enfants sont les symptômes des parents. » Qui n’a pas fait de caprices ? Le rôle et l’attitude parentale restent un pilier de l’éducation(1) et permettent d’établir une relation médecin-enfant solide. Il a été démontré que la place de la mère et du père est fondamentale au sein de ce partenariat. Un enfant victime de violence au sein du cadre familial ou vivant auprès de parents souffrant de symptômes dépressifs sera moins coopérant lors d’un passage aux urgences pédiatriques. Il est essentiel de donner un caractère pédagogique à la consultation aux urgences(2,3). Il est essentiel de donner un caractère pédagogique à la consultation aux urgences. Quelques conseils Une attitude pédagogique est une des clés à la réalisation d’un examen réussi. Contourner le caprice en faisant diversion passe par une communication verbale et gestuelle adaptée, afin d’instaurer un climat sécurisant pour l’enfant (présence des parents à évaluer et à systématiser lors de soins invasifs). Le passage aux urgences est assez brutal et perturbant ; l’enfant perd ses repères... La patience reste le meilleur atout, il faut établir un partenariat avec le duo enfant-parent. Le stade de développement de l’enfant est à prendre en considération.   Médecin impatient ? L’impatience du soignant peut exister et entraîner un examen plus difficile de l’enfant. Les urgences sont un lieu public où il existe de nombreux passages, justifiés ou non. Plusieurs paramètres sont à prendre en considération : personnalité de l’examinateur, heure de la journée ou de la nuit, nombre d’heures d’attente, fatigue du médecin, coopération des parents, etc. Les conditions de travail, l’éventuel burn-out du soignant( 4) sont aussi à évoquer (plages additionnelles, RTT…). Tous ces critères peuvent altérer la relation médecin-enfant et conduire à une démarche clinique complexe. Il n’existe pas d’attitude spécifique. La patience reste encore un des meilleurs atouts afin d’obtenir une bonne coopération de l’enfant. Prendre son temps et expliquer sans céder font partie de l’examen clinique. Les conditions de travail, le burn-out des soignants sont aussi à prendre en compte. Diagnostics et vraies urgences à éliminer devant un enfant inexaminable • Une « vraie » urgence : – hypoglycémie – hypoxie – intoxications volontaires ou accidentelles (tricycliques, CO...) => traitement urgent, examen systématique • Une pathologie somatique : – neurologique (encéphalite herpétique, migraine accompagnée, épilepsie...) – abdominale (appendicite aiguë, douleur aiguë...) • Un trouble psychiatrique : enfant autiste, hyperactif...     Garder une démarche clinique     Le dogme de Barbara Aehlert : « Tout trouble de la conscience non consolable par les parents et la non-reconnaissance des parents, accompagné de fièvre, est en choc septique jusqu’à preuve du contraire » reflète bien la complexité de ces situations de questionnement où la cause des pleurs de l’enfant ne peut se résumer au caprice sans avoir préalablement éliminer toute autre cause (5). Des situations parfois extrêmes (fatigue, pression et attitude des parents) peuvent être à l’origine de conclusions hâtives sources d’erreurs majeures. C’est pourquoi une des qualités essentielles du médecin dans ces situations doit être de savoir reconnaître et éliminer une vraie urgence. La cause des pleurs de l’enfant ne peut se résumer au caprice sans avoir préalablement éliminer toute autre cause. Un traitement étiologique devant toutes pathologies organiques reste évident. La prise en charge doit être réalisée dans un cadre rassurant, si possible avec les parents (qualité de l’accueil, locaux adaptés, personnels spécialisés en puériculture…). La douleur de l’enfant est aujourd’hui bien codifiée (EVA, EDIN…) et doit être prise en considération dès le début de l’examen. Avoir une démarche systématique est donc primordiale. La première évaluation de l’enfant est essentielle et comprend trois critères majeurs : l’aspect général, la respiration et la coloration. Restons clinicien (figure) ! La clinique chez l’enfant, notamment le jeune enfant, repose beaucoup, après anamnèse fournie par les parents, sur l’inspection « sereine » de l’enfant (6).   Algorithme de la première évaluation de l’enfant (d’après B.Aehlert[5]).     Consultation à distance     La médecine d’urgence du XXIe siècle permet des consultations à distance. De plus en plus, les médecins sont amenés à donner des avis par e-mail (documents écrits et urgences différées) ou par téléphone devant une fièvre, des symptômes digestifs ou de la traumatologie. Des conseils sont alors donnés aux familles sans qu’un examen clinique ne soit réalisé. Il faut expliquer aux parents que cette consultation virtuelle reste une aide à l’orientation. Elle ne permet en aucun cas d’établir un diagnostic précis. Une écoute attentive, de bonnes questions... permettent de donner des conseils et de prendre une décision : maintien à domicile, consultation chez le médecin de famille, conduite aux urgences pédiatriques ou appel du SAMU. Il est aussi important de penser à établir une traçabilité de la consultation téléphonique. Tout comme lors d’une consultation normale, ces « nouvelles » consultations requièrent la disponibilité du médecin (7-9). Il est aussi très important d’établir une traçabilité de la consultation téléphonique. En pratique, on retiendra • Un examen clinique complet et systématique n’est réalisable que s’il existe une bonne relation enfant, médecin, parents. • Cette collaboration est fondamentale afin d’établir un diagnostic précis et d’instaurer une prise en charge adaptée rapide. • Patience et disponibilité du médecin sont indispensables. • Il ne faut pas oublier que l’autorité parentale a une place importante au sein de l’éducation de l’enfant. • L’enfant inexaminable ne devrait pas exister !      

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