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Allergologie - Immunologie

Publié le 20 nov 2011Lecture 7 min

Peut-on vacciner sans crainte les allergiques à l’oeuf ?

E. BIDAT, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt
Chez l’allergique à l’oeuf, les vaccins contre rougeole-oreillonrubéole (ROR) et contre la grippe font peurs aux patients, mais aussi aux médecins, qui trop souvent les contre-indiquent dans cette population. Les mentions légales accompagnant ces vaccins renforcent la conviction des médecins de leur dangerosité chez les allergiques à l’oeuf. Les vaccins actuels contiennent, pour la plupart, des quantités infimes de protéines d’oeuf (grippe) ou n’en contiennent pas (ROR). Ils ne déclenchent pas plus de réaction chez les allergiques à l’oeuf.
Un problème qui inquiète médecins et patients En 2001, 70 % des professionnels de santé anglais considèrent que l’allergie sévère à l’oeuf est une contre-indication absolue à la vaccination rougeole-oreillon-rubéole (ROR). En 2010, 28 familles et médecins sont informés par une équipe hospitalière que le vaccin ROR peut être effectué en consultation de ville. Malgré cette information, 6/28 équipes médicales de ville demandent que le vaccin soit effectué en milieu hospitalier et 8/28 familles ont le même souhait. En 2009, lors de l’épidémie de grippe H1N1, l’Académie américaine d’allergie d’asthmologie et immunologie (AAAAI) recommande chez les allergiques à l’oeuf une vaccination en cinq injections pour le vaccin grippal H1N1. Moins d’un an plus tard, la même Académie, indique que chez l’allergique à l’oeuf, la vaccination pour la grippe peut être effectuée sans tests préalables, en une ou deux injections, même chez les patients ayant présenté une réaction anaphylactique sévère à l’oeuf. Il est même indiqué qu’il n’y a pas d’étude qui justifie plus d’une injection ! On comprend la suspicion du médecin devant ces recommandations « girouettes ».   Des mentions légales qui n’incitent pas à la vaccination Les mentions légales ne facilitent pas la vaccination chez les allergiques à l’oeuf. Les vaccins contre ROR indiquent : « les sujets ayant des antécédents de réactions anaphylactiques, anaphylactoïdes ou autres réactions immédiates (par exemple : urticaire généralisée, gonflement de la gorge et de la bouche, difficultés respiratoires, hypotension ou choc) suite à l’ingestion d’oeufs peuvent être plus à risque de développer une réaction d’hypersensibilité immédiate suite à la vaccination, bien que ces types de réactions ne soient observés que très rarement » (mention légales, avril 2009). Les vaccins grippe saisonnière et grippe H1N1 sont contre-indiqués chez l’allergique à l’oeuf (Vidal® 2010). Les vaccins grippe saisonnière et grippe H1N1 sont contre-indiqués chez l’allergique à l’oeuf (Vidal® 2010). Des incidents exceptionnels ● Pour le vaccin rougeole oreillon, il est rapporté en population générale 0,4 à 1 réaction anaphylactique par million d’injections. Dans une série de 500 enfants allergiques à l’oeuf, dont certains ont présenté une réaction anaphylactique, il n’est pas rapporté d’effet secondaire. ● Pour la grippe, aux États- Unis, 4 décès sont survenus peu après la vaccination lors des 747 millions d’injections effectuées entre 1990 et 2005. Pour ces 4 décès, il n’y a pas d’information sur le statut allergique des patients, ou on ne sait pas si le décès est lié à une réaction allergique au vaccin. En contrepartie, durant la même période, 540 000 décès par grippe auraient pu en partie être évités grâce au vaccin. En Grande-Bretagne, 11 anaphylaxies non létales sont survenues lors de 48 millions de vaccinations, ces patients n’étaient pas allergiques à l’oeuf. Gagnon et coll. relèvent 8 études de plus de 30 patients allergiques à l’oeuf et vaccinés contre la grippe. Il est rapporté 6,8 % (67/974) d’incidents mineurs après vaccination, sans que le rôle de l’oeuf ne soit établi. Esposito et coll. rapportent 3 accidents chez 44 vaccinés allergiques à l’oeuf, alors que le contenu en ovalbumine du vaccin est quasiment inexistant (1 nanogramme par dose). En 2009-2010, Greenhawt et coll. vaccinent contre la grippe H1N1 105 allergiques à l’oeuf, dont 25 ont présenté dans leurs antécédents une réaction anaphylactique. La primovaccination est pratiquée en une ou deux injections. La deuxième injection, quand elle est nécessaire, est pratiquée en une injection. Ces auteurs n’observent aucune réaction significative.   Pas de réaction si moins de 1,2 μg/ml d’ovalbumine par vaccin Ce seuil fait suite aux travaux de J.M. James et coll. ● Vaccins antigrippaux. Ces auteurs ont vacciné contre la grippe, avec un vaccin contenant 1,2 μg/ml d’ovalbumine, 83 patients allergiques à l’oeuf et 124 sujets contrôles. Vingt-sept des 83 allergiques avaient présenté des réactions anaphylactiques. Le prick au vaccin non dilué était positif chez 4/83 allergiques et 1/124 contrôles. Tous ont été vaccinés en deux temps, d’abord 10 % du vaccin, puis 30 minutes plus tard 90 % du vaccin, et surveillance de 60 minutes. Chez les allergiques à l’oeuf, trois réactions minimes, résolutives sans traitement sont survenues. L’injection des 90 % restants a quand même été effectuée, sans que ne survienne de réaction. Le rappel a été fait à dose pleine chez 34/83 allergiques, toujours sans réaction. Dès 1998, James et coll. concluaient, que pour des taux d’ovalbumine < 1,2 μg/ml de vaccin, l’injection en une dose, chez les allergiques à l’oeuf, ne devait pas différer de celles en deux. En 2009-2010, toutes les notices Vidal® indiquent la teneur en ovalbumine des vaccins grippe saisonnière, sauf pour le Gripguard® (communiqué par le laboratoire). En 2009-2010, pour tous les vaccins, sauf deux, la teneur en ovalbumine est inférieure au seuil fixé par James. Pour la saison 2010- 2011, le Vidal® électronique, consulté la première semaine de décembre 2010, ne retrouve le contenu en ovalbumine que pour trois vaccins contre la grippe saisonnière (tableau) ; ces indications ont étonnamment disparu lors de la consultation du Vidal® en février 2011. La teneur en ovalbumine indiquée par les fabricants est une teneur maximale. Lors de la campagne 2009-2010 de vaccination H1N1, des laboratoires indépendants ont mesuré le taux d’ovalbumine des vaccins. Les taux trouvés étaient jusque 10 à 20 fois inférieurs aux taux indiqués par les fabricants.     ● Pour les deux vaccins ROR disponibles en France, l’oeuf n’apparaît pas dans la liste des excipients. Par contre, il est indiqué, dans la notice Vidal® du Priorix®, « les valences rougeole et oreillons du vaccin sont produites sur culture cellulaire d’embryon de poulet et peuvent donc contenir des traces de protéines d’oeuf ». Pour le MMRvaxPro®, le résumé des caractéristiques du produit indique : « les sujets ayant des antécédents de réactions immédiates suite à l’ingestion d’oeuf peuvent être exposés à un risque accru de réaction d’hypersensibilités immédiate ». Dans une communication écrite, le laboratoire producteur du Priorix® nous a indiqué : « la quantité négligeable de protéines d’oeuf contenue dans les vaccins ROR ne semblent pas suffisante pour provoquer une réaction allergique chez les personnes allergiques à l’oeuf ». Pour les vaccins ROR, il semble ainsi que la mention concernant l’oeuf corresponde à une mention de prudence, comme cela peut être observé pour l’étiquetage des aliments. Les recommandations anglaises récentes conseillent d’ailleurs la vaccination ROR chez les allergiques à l’oeuf sans aucune restriction. L’oeuf n’apparaît pas dans la liste des excipients des deux vaccins ROR disponibles en France. Évolutions souhaitables Il est urgent de modifier les notices légales des différents vaccins pour les mettre en accord avec les connaissances récentes. La prudence actuelle des notices est un frein pour une couverture vaccinale ROR et grippale. Les notices actuelles ne permettent pas aux médecins praticiens de vacciner en toute quiétude leurs patients allergiques à l’oeuf pour ROR et grippe. Ces patients sont souvent référés en consultation spécialisée hospitalière, ce qui est une source non négligeable de dépense de santé inutile. Une campagne d’information de tous les médecins pratiquant les vaccinations est indispensable pour transmettre cette information. La prudence actuelle des notices est un frein pour une bonne couverture vaccinale ROR et grippale. En pratique, on retiendra • Vaccin contre ROR À pratiquer sans précaution particulière chez les allergiques à l’oeuf, même chez ceux ayant fait un choc anaphylactique à l’oeuf. • Vaccin contre la grippe Si la quantité d’ovalbumine du vaccin est inférieure à 1,2 μg/ml, ce qui est actuellement presque toujours le cas, vacciner en une dose sans pratiquer au préalable de tests cutanés. S’il est supérieur à 1,2 μg/ml, choisir une autre marque.  

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