Allergologie - Immunologie
Publié le 28 sep 2023Lecture 8 min
Asthme sévère chez l’enfant : les règles de prise en charge
Denise CARO, d’après l’émission Axis TV « Asthme sévère : comprendre et traiter Épisode 2 : Actualités et recommandations chez l’enfant »
Cinq à 10 % des enfants asthmatiques présentent une forme sévère de la maladie(1,2). Même s’ils ne sont pas majoritaires, il est très important de les repérer et de les traiter efficacement afin de préserver leur qualité de vie présente et future ainsi que leur fonction respiratoire à l’âge adulte. Le Dr Stéphanie Wanin (allergologie pédiatrique, hôpital Trousseau, Paris) et le Dr Flore Amat (pneumo-pédiatre allergologue, hôpital Robert-Debré Paris) ont rappelé les principales règles d’une bonne prise en charge de l’asthme sévère chez l’enfant au cours d’une émission Axis TV animée par le Dr Olivier Chabot et avec le soutien institutionnel de Sanofi.
«L'asthme sévère est un asthme nécessitant un traitement de palier 5 du GINA pour être contrôlé ou qui reste non contrôlé malgré ce traitement », a rappelé le Dr Wanin. Cela correspond à de fortes doses de corticostéroïdes inhalés (CSI) avec un traitement additionnel (b2-mimétique de longue action (LABA), antileucotriènes, théophylline) ou des corticostéroïdes systémiques plus de 50 % du temps(3).
Il est important de savoir ce que veut dire « fortes doses de CSI ». Le GINA précise à quoi correspondent des doses faibles, moyennes ou fortes de CSI pour un enfant entre 6 et 12 ans, un adolescent ou un adulte. Ces posologies sont importantes à connaître. Seules de fortes doses de CSI durant une période longue exposent à un risque de retentissement sur la croissance staturale.
Rechercher les éléments que l’on peut améliorer
La prise en charge d’un asthme sévère comporte plusieurs étapes obligatoires, la première étant bien entendu d’éliminer un diagnostic autre qu’un asthme. Il faut ensuite s’assurer que les facteurs de risque modifiables sont correctement gérés et ne peuvent pas être améliorés. L’observance du traitement est-elle bonne ? La technique d’inhalation est-elle correcte ? L’environnement intérieur, extérieur et psychologique du patient est-il adapté ? « Il faut vraiment insister sur le danger du tabagisme passif chez le jeune enfant, a souligné le Dr Wanin. Et pour repérer les allergènes (notamment les moisissures) l’intervention d’un conseiller en environnement, quand elle est possible, est très utile. »
Il faut également rechercher et traiter les comorbidités, très fréquentes en cas d’asthme sévère. Deux cohortes, l’une française et l’autre anglaise, ont recherché les différences existant entre les enfants avec un asthme sévère et ceux avec un asthme non sévère. Il ressort de ces travaux que la sévérité est associée à davantage de comorbidités atopiques (rhinite allergique, allergie alimentaire, dermatite atopique), à plus d’exacerbations, à une qualité de vie plus altérée, à un risque plus important d’effets secondaires des traitements (du fait des fortes doses) et à une altération plus précoce de la fonction respiratoire. Ces enfants sont davantage exposés au tabac, sont plus souvent hospitalisés (notamment en unité de soins critiques) et ont un plus mauvais contrôle de leur asthme(4,5).
La cohorte anglaise qui comportait des asthmatiques de tout âge a montré que les formes sévères chez l’adulte concernaient plus les femmes et étaient associées à une obstruction plus prononcée, moins d’atopie, et plus de corticothérapie orale au long cours.
De même, une étude américaine qui a comparé des enfants asthmatiques non contrôlés avec fortes dose CSI et des enfants asthmatiques contrôlés avec des faibles doses de CSI, a montré que les facteurs associés à la sévérité de l’asthme incluaient une RA sévère associée, un taux d’IgE élevé, une sensibilisation aux moisissures, l’obésité, et une multi-sensibilisation.
Identifier le phénotype en cause
Le rôle péjoratif des multicomorbidités atopiques (RA, eczéma, allergie alimentaire) a été confirmé dans de nombreux travaux(7). « Les enfants asthmatiques avec un phénotype polymorbide atopique ont le plus fort risque d’avoir une forme sévère et de la garder à l’âge adulte. »
Dès lors, comment identifier le phénotype en cause ? « Plusieurs marqueurs sont utiles, a affirmé le Dr Wanin, et en premier lieu l’éosinophilie sanguine. La fraction exhalée du NO (FeNO) est un bon marqueur de l’inflammation Th2 dès lors que l’enfant est capable de maîtriser la technique vers l’âge de 6 ou 8 ans. Il ne faut pas hésiter à répéter les prélèvements. » Il importe aussi de regarder quel est le niveau d’obstruction bronchique, sa réversibilité, la réponse aux corticoïdes, l’existence ou non d’allergies. On peut doser les IgE. Lorsqu’une endoscopie bronchique a été faite, on mesure l’éosinophilie bronchique et/ou la neutrophilie (témoin d’une infection) ; on peut rechercher les bactéries en cultures, détecter des virus, voire analyser le microbiome)(8). Tous ces éléments sont importants pour décider de la stratégie thérapeutique.
Quelle place pour les biothérapies ?
« Une fois les facteurs modifiables corrigés, le traitement de fond adapté et le diagnostic d’asthme sévère confirmé, la question est de savoir quels sont les patients éligibles à une biothérapie », a expliqué le Dr Flore Amat. « Idéalement, l’identification d’un asthme sévère chez l’enfant et la décision d’initier une biothérapie relèvent d’un centre expert qui dispose d’une équipe multidisciplinaire et d’un plateau technique suffisant », a ajouté le Dr Amat.
Quatre biothérapies ont une AMM dans l’asthme sévère de l’enfant, trois à partir de 6 ans et une à partir de 12 ans. « Ces biothérapies vont agir à différents niveaux de la cascade inflammatoire avec un champ d’action plus ou moins large, a précisé le Dr Amat. Il faut déterminer quelle est la meilleure biothérapie pour un patient donné en fonction de son phénotype. On discute avec la famille pour savoir quelle est la comorbidité allergique qui impacte le plus la qualité de vie de l’enfant — dermatite atopique, allergie alimentaire, asthme — car cela influera sur le choix de la biothérapie. »
L’omalizumab (anti-IgE) est le premier à avoir eu son AMM en 2009. Les essais contrôlés ont montré qu’il diminue les exacerbations et améliore le contrôle de l’asthme avec un bénéfice sur la qualité de vie. Il n’a pas d’impact sur le VEMS. Sa tolérance est bonne ; quelques arthralgies, une céphalée ou une fatigue ont parfois été signalées ; une réaction anaphylactique est exceptionnelle. Par ailleurs, on dispose aujourd’hui d’un recul suffisant pour avoir la confirmation de son efficacité et de sa tolérance dans la vraie vie. L’omalizumab est indiqué à partir de 6 ans, dans l’asthme sévère allergique avec au moins une sensibilisation à un allergène perannuel.
Il est administré en sous-cutané toutes les 2 ou 4 semaines. Sa posologie dépend du poids et des IgE totales avec un maximum de 600 mg/2 semaines(9-13).
Le mépolizumab (anti-IL-5) est le deuxième à avoir eu l’AMM dans l’asthme sévère de l’enfant à partir de 6 ans (en 2019). Comme l’omalizumab, il a apporté la preuve de son efficacité pour diminuer les exacerbations sévères et améliorer le contrôle de la maladie. Il n’a pas d’effet sur VEMS (essai MUPPITS-2 sur plusieurs centaines d’enfants). Sa tolérance est bonne. Il est indiqué dans l’asthme réfractaire avec une éosinophilie supérieure ou égale à 150/mm3. Il est administré en SC toutes les 4 semaines à la posologie de 40 mg chez les 6-12 ans et de 100 mg chez les plus de 12 ans(14,15).
Un effet sur la fonction respiratoire
Le dupilumab (anti-IL-4R alpha qui agit sur l’IL-4 et IL-13) déjà indiqué dans la dermatite atopique a eu son AMM dans l’asthme sévère chez l’enfant à partir de 6 ans en 2023. Les essais cliniques (dont VOYAGE d’une durée de 52 semaines et EXCURSION d’une durée de 1 an supplémentaire) ont montré que le dupilumab diminue les exacerbations, améliore le contrôle de la maladie ainsi que la qualité de vie des patients ; en outre, il augmente le VEMS avec un bénéfice sur la fonction respiratoire. Sa tolérance est bonne même si quelques cas de conjonctivites sont signalés en particulier chez les patients avec une dermatite atopique. L’éosinophilie peut être transitoirement majorée.
Il est indiqué dans l’asthme sévère de type Th2 avec une éosinophilie sanguine supérieure ou égale à 150/mm3 ET/OU une FeNO supérieure ou égale à 20 ppb.
Sa posologie dépend du poids et de l’âge. Chez les 15-30 kg, la posologie est de 300 mg/4 sem ; chez les 30-60 kg, elle est de 200 mg/2 sem ou 300 mg/4 sem ; chez les plus de 60 kg, elle est de 200 mg/2 sem ; chez les plus de 12 ans, la posologie est de 200 ou 300 mg/2 sem en fonction de la présence de comorbidités associées ou de la prise de CSO(16).
La 4e biothérapie, la plus récente, est le tézépélumab (anti-TSLP), indiqué à partir de 12 ans (AMM 2023). L’essai NAVIGATOR d’une durée de 52 semaines portant sur des adultes et des adolescents a montré que le tézépélumab diminue les exacerbations et améliore le contrôle, la qualité de vie et le VEMS. Le tézépélumab est indiqué dans l’asthme sévère éosinophilique ou non, il n’est donc pas réservé à l’asthme avec une inflammation Th2. Sa tolérance est bonne. Sa posologie est de 210 mg/4 sem (chez les plus de 12 ans)(17).
« Les biothérapies sont des médicaments d’exception soumis à une prescription initiale hospitalière annuelle. La prescription initiale et le renouvellement sont réservés à certaines spécialités. Il faut se donner le temps d’évaluer la réponse au traitement que l’on jugera après 4 à 6 mois, a précisé le Dr Amat. Pour cela on se fonde sur la persistance des symptômes, la fréquence et la sévérité des exacerbations, les réveils nocturnes, le retentissement sur les activités et le poids des comorbidités. Parfois la réponse est partielle ; on peut alors attendre quelques mois supplémentaires avant de décider de poursuivre, d’arrêter ou de switcher pour une autre biothérapie. On n’a pas de données précises sur la durée du traitement, probablement plusieurs années. »
« Même si ce ne sont pas les médecins libéraux (pédiatres ou généralistes) qui initient une biothérapie, il est important qu’ils adressent sans tarder à un centre expert les enfants dont ils ne parviennent pas à contrôler correctement l’asthme, a expliqué le Dr Wanin. En effet le bon contrôle d’un asthme dans l’enfance conditionne l’avenir respiratoire à l’âge adulte. »
« On peut espérer qu’en intervenant tôt avec une biothérapie adaptée au phénotype on pourra infléchir cette trajectoire et peut-être même changer l’histoire naturelle de l’asthme ; cela reste à démontrer », a ajouté le Dr Amat.
D. CARO
D’après l’émission Axis TV « Asthme sévère : comprendre et traiter Épisode 2 : Actualités et recommandations chez l’enfant », avec la participation du Dr Stéphanie WANIN (allergologie pédiatrique, hôpital Trousseau, Paris) et du Dr Flore AMAT (pneumo-pédiatre allergologue, hôpital Robert-Debré, Paris)
Animée par le Dr Olivier CHABOT
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