publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

ORL et Stomatologie

Publié le 20 oct 2022Lecture 8 min

Corps étrangers des voies respiratoires - Un diagnostic souvent retardé ou méconnu

Guy DUTAU, Toulouse
 Corps étrangers des voies respiratoires - Un diagnostic souvent retardé ou méconnu

Les corps étrangers (CE) des voies respiratoires constituent un problème de santé publique, surtout dans les pays en voie de développement. Toutefois, ils restent toujours d’actualité dans les pays développés malgré de nombreuses campagnes d’information1(1) et plusieurs mises en garde contre les jouets dangereux2. Parmi les messages clés de cette revue, trois sont importants : il faut penser à un corps étranger bronchique (CEB) devant tout accident respiratoire subit, même chez un enfant asthmatique connu ; éviter les gestes intempestifs et dangereux que l’on peut être tenté d’effectuer lorsqu’on assiste à l’accident ; l’ablation d’un CEB doit être effectuée par un médecin spécialement entraîné à leur extraction endoscopique.

Données épidémiologiques Chaque année, les corps étrangers (CE) des voies respiratoires sont responsables de décès chez les jeunes enfants, surtout dans les pays en voie de développement. À titre d’exemples : en 18 ans (1989-2012), 2 624 CEB ont été colligés à Alger, soit une moyenne de 146 cas par an(2) ; en France, au CHRU de Toulouse, l’incidence des CEB était estimée autour de 50 cas par an au cours des années 1985-2000(3) et à 500 cas par an aux États-Unis dans les années 1990 (in 4) dans les pays à niveau socio-économique élevé, les campagnes de prévention contre les jouets dangereux (figures 1 et 2) ont permis de réduire leur fréquence. Le pic d’incidence se situe entre 1 et 3 ans dans 60 à 70 % des cas, avec des âges extrêmes de 4 mois à 18 ans(1-4) ;  une revue de Fitzpatrick et Guarisco(5) estimait à 7 % le risque de mortalité par CEB chez les enfants âgés de moins de 4 ans. On peut schématiquement distinguer les CEB selon leur nature : inorganiques et organiques (ces derniers étant, on le verra ci-dessous, plus souvent associés à des complications broncho-pulmonaires), radiotransparents et radiovisibles (le plus souvent de nature métallique), végétaux et nonvégétaux (figure 3). La liste des CEB est sans limites comme en témoigne un échantillonnage présenté sur la figure 4. Mécanismes physiopathologiques La migration d’un corps étranger dans les voies respiratoires entraîne des symptômes très bruyants : c’est le « syndrome de pénétration », caractérisé par des accès de suffocations avec cyanose, quintes de toux expulsive, dyspnée, sifflements respiratoires. Si le CE franchit les cordes vocales et la trachée, il va se localiser dans la bronche principale droite ou gauche3. Les symptômes disparaissent alors réalisant un « intervalle libre » asymptomatique ou quasiment asymptomatique. Au bout de quelques heures, des symptômes d’irritation bronchique réapparaissent réalisant ce qu’il est convenu d’appeler le « syndrome de séjour » : toux, dyspnée, sifflements respiratoires (wheezing) audibles à distance. Le CE peut être négligé ou ignoré, ne se révélant que plusieurs semaines ou mois plus tard4 devant une toux grasse, une suppuration bronchique, parfois découverte par une radiographie thoracique systématique : hyperclarté pulmonaire unilatérale par distension (obstruction bronchique, faisant clapet, entraînant un piégeage de l’air ou trapping des auteurs anglo-saxons) ou atélectasie (rétraction pulmonaire par obstruction totale réalisant un « poumon détruit bronchectasique ») (encadré 1) Les symptômes et la conduite à tenir dépendent de la nature du CE et de sa localisation(2-5). Situations cliniques Gêne respiratoire persistante Après le syndrome de pénétration, la gêne peut persister sans intervalle libre réalisant : soit un syndrome laryngé : stridor et gêne respiratoire plus ou moins intense selon l’importance de l’œdème, la nature du CEB et sa configuration qui laisse passer une fraction du flux aérien ; soit un syndrome trachéal : toux rauque, gêne aux deux temps de la respiration, bruits dits « de drapeau » à l’auscultation, dus à des chocs répétés du CEB sur la carène à chaque cycle respiratoire ; soit une asphyxie aiguë brutale par enclavement du CEB entre les cordes vocales6. Le seul geste est alors de réaliser une manœuvre de Heimlich. Celle-ci consiste à effectuer des surpressions abdomino-thoraciques répétées, d’abord sur un enfant placé en décubitus ventral, ensuite dorsal, afin de provoquer l’expulsion du CE sus-glottique ou intraglottique, tout en appelant d’urgence une unité mobile (type SAMU pédiatrique). En cas d’échec de cette manœuvre, il faut tenter de repousser le CEB dans l’une des deux bronches principales7. Il est aussi possible de court-circuiter l’obstacle en plaçant un cathéter trachéal par voie percutanée, avant de réaliser un geste plus élaboré (trachéotomie)(2-4). On insistera sur la difficulté de ces prises de décision et sur la réalisation de ces gestes, effectués le plus souvent par un urgentiste entraîné, si le patient a survécu, etc. Ainsi que d’autres auteurs, nous avons observé des situations exceptionnelles de CEB dont la plus spectaculaire est l’inhalation d’épis végétaux, le plus souvent d’orge des rats (Hordeum murinum), ou d’épis ou d’épillets8 d'autres céréales blé, orge, seigle). Après l’inhalation, l’épi migre inexorablement dans la trachée puis les bronches pour réaliser une fistule pneumo-pleuro-cutanée (encadré 2). Trois actions sont formellement contre-indiquées : essayer de faire vomir l’enfant en plaçant un doigt dans sa bouche/gorge (risque d’enclavement du CE entre les cordes vocales) ; placer l’enfant la tête en bas « pour tenter de faire tomber le CE » (risque d’enclavement du CE sous les cordes vocales s’il était situé préalablement dans la trachée) ; tenter d’enlever le corps étranger en introduisant l’index dans la gorge de l’enfant (risque d’enclavement du CE entre les cordes vocales)(4). Corps étrangers bronchiques (CEB) Le diagnostic est basé sur : – la notion de syndrome de pénétration. Parmi les nombreuses situations, on peut citer la consommation de cacahuètes au cours d’un apéritif, l’inhalation d’un projectile de sarbacane après avoir enlevé la grille de protection, une fausse route alimentaire solide (graines végétales), mais il en existe bien d’autres ; – une asymétrie auscultatoire (silence respiratoire ou wheezing unilatéral) ; – une asymétrie radiologique sur la radiographie du thorax prise en inspiration et expiration (air piégé à l’expiration réalisant une hyperclarté pulmonaire) en cas d’obstruction partielle ; – une opacité pulmonaire unilatérale du lobe inférieur ou de tout le poumon (atélectasie pulmonaire totale) selon le niveau de l’obstruction (bronche lobaire inférieure, bronche principale). Le diagnostic est difficile si l’on n’a pas assisté au syndrome de pénétration lorsque l’accident est survenu chez une enfant jouant seul (projectile de sarbacane, Lego, perle, etc.) et, dans ce cas, le diagnostic est évoqué devant des complications précoces (pneumothorax, pneumomédiastin) (figure 6) ou tardives (broncho-pneumopathies récidivantes). Un adage : « Tout accident respiratoire subit doit faire évoquer un corps étranger bronchique »9. Le diagnostic est permis par l’endoscopie(1-5). Un diagnostic différentiel est l’asthme par allergie à l’arachide : après ingestion d’arachide, des symptômes respiratoires subits peuvent faire penser à un CEB, car la cacahuète est l’un des corps étrangers les plus fréquents. L’absence d’asymétrie auscultatoire et/ou radiologique d’une part, et la présence d’autres symptômes de type allergique de type IgE- dépendant (urticaire, œdème du visage, œdème laryngé) permettent d’évoquer le diagnostic. Dans le doute, l’endoscopie traché bronchique est indispensable10. Endoscopie trachéo-bronchique Il est préférable d’opter pour une endoscopie au tube rigide sous anesthésie générale qui permet d’extirper le CE en toute sécurité. Seul un praticien expérimenté peut procéder à ce geste en urgence, surtout si on suspecte un CE laryngé ou trachéal. Dans les autres cas, surtout si le diagnostic est tardif, il est préférable de préparer l’endoscopie en effectuant une antibio-corticothérapie de quelques jours(2-5). Certaines techniques particulières utilisées pour extraire certains corps étrangers (ballonnet, sonde lasso, dispositifs aimantés pour les corps étrangers comme les billes métalliques sur lesquels les pinces classiques ne permettent pas de prise efficace, etc.) sortent du cadre de cette revue. Un sujet de controverse a été « endoscopie au tube rigide » versus « endoscopie bronchique souple ». Certes, il existe des endoscopistes expérimentés capables d’extraire certains CEB, si ceux-ci s’y prêtent par leur type et leur configuration, et lorsque la prise de la pince est efficace. Toutefois, cette technique n’est pas recommandée, car elle comporte des risques comme le lâchage de la prise sous les cordes vocales, dans la trachée, ou entre les cordes vocales. La trachéo-bronchoscopie rigide sous anesthésie générale est plus sûre, permettant, dans le cadre d’un geste technique qui peut être long, une ventilation et une modulation de l’anesthésie. Dans notre expérience portant sur près de 200 corps étrangers laryngo-trachéo-bronchiques, toutes les extractions ont été effectuées au tube rigide, et nous n’avons observé aucune complication, peropératoires ou post-opératoires ; même si certaines extractions furent difficiles. Corps étrangers nasaux Souvent méconnus, ils sont évoqués devant une rhinite purulente unilatérale, souvent récidivante, ou une haleine fétide. Le CE doit être enlevé par un ORL expérimenté, sauf s’il est facilement accessible (figure 7). Le baiser nasal maternel(6)11 ou l’utilisation de Super Glue doivent être proscrits eu égard à leurs risques : I) inhalation pour le parent (s’il aspire alors qu’il a déjà ses lèvres autour des lèvres de l’enfant) selon un mécanisme analogue de l’inhalation d’un CE dans les voies aériennes inférieures avec les sarbacanes) ; II) enclavement accru du corps étranger dans la fosse nasale III) risque d’échec de la manœuvre ; IV) lacération de la muqueuse avec la Super Glue. L’ORL utilise une technique classique : I) pince à mors plats type Politzer ou micropince d’oreille pour les corps étrangers plats de type papier, ou crochet glissé en arrière du CE (perles, pois chiches, haricots)(7). Corps étrangers auriculaires Les CE du conduit auditif externe, très souvent des petits cailloux, sont aussi des CE respiratoires. L’examen au speculum auri permet de faire facilement le diagnostic12. Comme un bouchon de cérumen solidifié, ils se traduisent presque toujours par une toux réflexe par irritation tympanique. L’exérèse se fait le plus souvent par un ORL en cherchant une prise à l’aide de pinces adaptées.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème