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Adolescence

Publié le 18 oct 2021Lecture 6 min

Thérapies familiales et multifamiliales à l’adolescence - Comment ça marche ?

Aurélie HARF, Aurélie ROUÉ, Paris
Thérapies familiales et multifamiliales à l’adolescence - Comment ça marche ?

L’adolescence peut être entravée lorsque la maladie fait irruption. L’approche familiale systémique a montré son efficacité dans la prise en charge des adolescents, notamment dans les maladies chroniques, qu’elles soient psychiques ou somatiques.

La thérapie unifamiliale L’adolescence, un haut régime de crise L’adolescence constitue un haut régime de crise qui vient catalyser plusieurs étapes du cycle de vie. Le cycle de vie familiale a été décrit par Evelyn Duvall selon les stades suivants : jeune adulte, couple, couple avec enfants, couple avec adolescents, vieillissement de ses propres parents, départ des enfants, décès de ses parents, vieillissement, petits enfants et ainsi de suite (figure 1).   L’adolescence est un moment où le rythme des changements dans le cycle vital s’accélère. Les modalités relationnelles au sein de la famille se modifient : baisse de l’intimité familiale et augmentation des relations avec les pairs. L’unité parents-enfants est amenée à s’autonomiser de manière mutuelle, avec un remaniement du couple et un réinvestissement individuel des parents qui fait écho à leur propre cycle de vie(1). Cette « crise adolescente familiale » nécessaire peut être entravée lorsque la maladie fait irruption. L’autonomisation du jeune et le réaménagement familial qui s’ensuit ne régissent plus l’organisation relationnelle et émotionnelle de la famille. Cette dernière se trouve arrêtée dans son développement avec un envahissement de la vie familiale par la maladie. L’identité de la famille ne s’organise plus qu’autour de la maladie avec des réponses familiales parfois inadaptées. Certaines émotions font irruption et s’intensifient en ligotant le système familial : les reproches, la culpabilité, l’hyperprotection, la surimplication. La thérapie familiale Le travail avec les familles à l’adolescence est donc un élément incontournable de la prise en charge. La thérapie familiale systémique considère la famille comme un système, dont les membres ont chacun un rôle (permettant au système de fonctionner ainsi). Un postulat fondamental en thérapie familiale est que les boucles interactionnelles dysfonctionnelles parfois observées dans les familles sont les conséquences et non les causes de la maladie. La thérapie familiale a montré son efficacité dans des domaines multiples (symptômes, relations, fonctionnement), efficacité qui persiste au moins 6 à 24 mois après la fin de la thérapie familiale(2). Elle est désormais recommandée par la HAS et l’APA (American Psychiatry Association), tant dans la prise en charge de troubles psychiatriques (troubles des conduites, addictions, troubles de l’attention, troubles de l’humeur, troubles anxieux, troubles des conduites alimentaires [TCA]) que dans les troubles somatiques (notamment facteurs psychosociaux dans les maladies somatiques chroniques). Elle permet de déculpabiliser les familles, de reconnaître l’incidence des symptômes sur les relations et notamment sur les difficultés d’accordage dans le coparentage, de mobiliser et d’activer les compétences coparentales. Elle permet de mobiliser les ressources des sous-systèmes et de s’adapter en faisant varier les cadres, autour de l’adolescent et de ses besoins, en utilisant les crises et leur rythme. Grâce à ces éléments, elle travaille l’autonomisation de l’adolescent, même avec ses symptômes.  Néanmoins, certaines idées erronées restent tenaces : il est trop difficile de rassembler les membres de la famille ; on ne peut pas faire de thérapie familiale si tout le monde n’est pas présent ou si les parents sont séparés… Le problème de l’adolescent est communément considéré comme un symptôme de la famille, apparu à cause de celle-ci, voire l’expression du conflit conjugal des parents. Il est important de lutter contre ces préjugés pour accompagner les familles. Le cadre de la thérapie familiale est variable et s’adapte aux besoins (séances avec la famille nucléaire, famille recomposée, séances triangulaires, parents seuls, familles d’origine, fratrie seule. Et la thérapie multifamiliale Quand les familles aident les famillale La thérapie multifamiliale (TMF) est apparue aux États-Unis en 1960, dans le cadre de la prise en charge des psychoses, notamment de la schizophrénie(3). Elle est en plein essor depuis une trentaine d’années. Elle regroupe plusieurs familles autour d’une même pathologie. Le postulat théorique est de passer d’une conception culpabilisante de « famille problème » à « famille solution ». La TMF prend ses sources à la fois dans la thérapie familiale et dans la thérapie de groupe. Elle fait l’hypothèse que des familles confrontées à des problèmes similaires peuvent partager leurs problèmes et apprendre les uns des autres. Les familles deviennent ainsi des cothérapeutes dans un contexte de « communauté soignante »(4,5). Les objectifs principaux de la TMF sont : – encourager le soutien, la solidarité ; – éviter la stigmatisation, sortir de l’isolement ; – informer sur la maladie, aider à mieux la gérer (psycho-éducation) ; – favoriser des apprentissages mutuels, ouvrir à des « perspectives multiples » ; – préserver/construire des relations et une identité familiale non morbides. La TMF s’est progressivement élargie à d’autres troubles de psychiatriques (troubles de l’humeur, addictions, TCA, maladies somatiques chroniques) et depuis les années 2000 aux troubles de l’enfant et de l’adolescent, notamment aux troubles des conduites alimentaires. Elle a montré également une efficacité dans les addictions à internet chez l’adolescent, les troubles de l’attention avec hyperactivité chez l’enfant, les situations de maltraitance intrafamiliale(4-6). TMF et maladies chroniques Les bénéfices d’une approche familiale dans des contextes de maladies chroniques sont également très largement décrits dans les revues de la littérature et les métaanalyses(7). La TMF permettrait une diminution des symptômes de stress post-traumatiques et du stress familial, ainsi qu’une amélioration du fonctionnement, de l’adaptation et des stratégies familiales. La compliance aux soins est meilleure (moins d’évitements, meilleure organisation des soins). Les familles se sentent plus soutenues, moins isolées, mieux informées. Elle permettrait la prévention des rechutes et la diminution des réhospitalisations. Certaines études montrent que les mêmes contenus psychoéducatifs donnent de meilleurs résultats sous forme multifamiliale que sous forme unifamiliale. Elle est de plus moins coûteuse en termes d’investissement quantitatif de professionnels. La TMF est notamment efficace dans le diabète à l’adolescence en termes de contrôle glycémique, d’acceptation de la maladie, de compliance au traitement, de qualité de vie, d’estime de soi et de fonctionnement familial. Dans l’asthme chez l’enfant, il y a moins de passages aux urgences et une meilleure gestion des symptômes. Dans les cancers chez l’enfant, les douleurs chroniques et les maladies génétiques, la TMF permet une amélioration de l’anxiété, de la dépression, de la stigmatisation, du réseau social et de la gestion de la maladie(5). La thérapie multifamiliale à la Maison des adolescents de Cochin À la Maison des adolescents de l’hôpital Cochin (Maison de Solenn), service du Pr Marie Rose Moro, la TMF est proposée depuis 2 ans aux patients anorexiques, ainsi qu’aux adolescents présentant un refus scolaire anxieux et leurs familles. Les familles rapportent un allègement du fardeau parental, une déculpabilisation et une diminution des conflits. Ils expliquent mieux accepter la temporalité de la maladie. Les adolescents se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls à vivre la maladie. Les parents sont plus réceptifs lorsque ce sont d’autres adolescents qui évoquent leur ressenti. Les frères et sœurs peuvent échanger avec d’autres fratries. Tous les participants décrivent une remise en route de la vie de la famille, la famille en dehors de la maladie.  

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