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Nutrition

Publié le 04 oct 2018Lecture 8 min

Épidémiologie de l’obésité de l’enfant : une vraie stabilisation ?

Hélène THIBAULT*,**,***, Caroline CARRIÈRE*,***, Pascal BARAT** - *RéPPOP Aquitaine, Bordeaux ; **Unité d’endocrinologie et de diabétologie pédiatrique, hôpital des enfants, CHU de Bordeaux ; ***Inserm, ISPED, U897-Épidémiologie-Biostatistique, Bordeaux

Si la prévalence de l’obésité pédiatrique a nettement augmenté à partir des années 1980 en France, qu’en est-il aujourd’hui ? Comment se situe notre nation, hier et aujourd’hui, par rapport aux autres pays développés et à ceux en voie de développement ? Hélène Thibault et coll. répondent à ces questions à travers les données épidémiologiques les plus récentes.

Du fait de l’évolution de sa prévalence et de ses conséquences à court, moyen et long termes, l’obésité pédiatrique représente un problème majeur de santé publique à l’échelle mondiale, européenne et nationale. Déterminants du surpoids et de l’obésité pédiatriques En 2011, de nombreux facteurs, modifiables ou non, ont été identifiés par la Haute Autorité de santé (HAS) comme étant associés au surpoids et à l’obésité chez l’enfant(1). En effet, bien que résultant d’un déséquilibre de la balance énergétique entre les apports et les dépenses, l’étiologie du surpoids et de l’obésité est complexe et multifactorielle. Il existe une prédisposition au surpoids et à l’obésité d’origine génétique, mo dulée par une éventuelle influence épigénétique. Les facteurs associés au risque de surpoids et d’obésité commun de l’enfant et de l’adolescent sont les suivants : – surpoids et obésité parentale, notamment de la mère au début de la grossesse ; – durant la grossesse : prise de poids excessive, tabagisme maternel, diabète maternel quel que soit son type ; – excès ou défaut de croissance fœtale (macrosomie/hypotrophie) ; – gain pondéral accéléré dans les deux premières années de vie ; – difficultés socio-économiques des parents et cadre de vie défavorable ; – manque d’activité physique et sédentarité ; – manque de sommeil ; – attitudes inadaptées de l’entourage par rapport à l’alimentation (restrictives ou, au contraire, trop permissives) ; – facteurs psychopathologiques : dépression chez les filles, hyperphagie boulimique ; – négligences ou abus physiques ou sexuels dans l’enfance ou l’adolescence ; – handicap (moteur ou mental). Définitions et seuils de référence du surpoids et de l’obésité Le surpoids et l’obésité sont définis comme une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle qui peut nuire à la santé. L’indice de masse corporelle (IMC) (poids [kg]/taille2 [m]), bon reflet de la corpulence, est couramment utilisé pour estimer l’adiposité. Chez l’enfant jusqu’à 18 ans, la corpulence variant naturellement au cours de la croissance, l’interprétation du caractère normal ou non de la corpulence se fait en tenant compte de l’âge et du sexe à l’aide de courbes de référence. Les courbes de référence utilisées pour estimer le surpoids et l’obésité des enfants peuvent varier d’un pays à l’autre. Avant les années 1980, il n’existait pas de consensus international pour mesurer l’adiposité de l’enfant. La mesure de l’IMC avait été proposée et les courbes de références d’IMC ont été construites en France(2), puis au niveau international(3). Les seuils de références les plus utilisés dans les études de prévalence sont ceux de l’International Obesity Task Force (IOTF), publiées en 2000(4), celles de l’OMS publiées en 2007 et actualisées en 2010(5), les références américaines du Center for Disease Control (CDC)(6), ainsi que, pour certaines études françaises, les courbes de référence françaises(2). Les seuils et les différentes terminologies utilisés pour définir le surpoids et l’obésité de l’enfant et de l’adolescent sont représentés dans la figure 1. Figure 1. Seuils de référence internationaux IOTF, OMS, CDC et français pour évaluer la corpulence d’un enfant et d’un adolescent(3). D’une manière générale, on peut noter que les seuils définissant le surpoids : références IOTF (Centile 25), OMS (+ 1 DS après 5 ans), CDC (85e centile), références françaises (97e centile), sont assez proches les unes des autres. Il en est de même pour les seuils définissant l’obésité : références IOTF (Centile 30), OMS (+ 2 DS après 5 ans), CDC (97e centile). Il est donc essentiel de toujours bien préciser les références et les seuils utilisés dans les études de prévalence. Évolution de la prévalence de l’obésité de l’enfant avant les années 2000 Les prévalences de surpoids et d’obésité de l’enfant ont connu une forte augmentation dans les années 1980-90 jusqu’aux années 2000, en particulier dans les pays industrialisés. Dans le monde C’est d’Amérique du Nord que sont venues à la fin des années 1980 les premières constatations d’une augmentation alarmante de la fréquence de l’excès de poids chez les enfants(7). En Europe De nombreux pays ont par la suite fait la même constatation, notamment la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Danemark et la France(8). Une étude regroupant la prévalence de 21 pays européens avait également mis en évidence un gradient Nord/Sud (prévalences plus importantes dans les pays du Sud de l’Europe)(9). En France Avant les années 2000, aucune étude représentative nationale n’avait été menée. Les études réalisées sur cette période avaient été conduites à un niveau régional sur des classes d’âges différentes et en utilisant les références françaises. Ces enquêtes avaient montré une augmentation de la prévalence du surpoids obésité incluse de l’enfant en France depuis les années 1990. La proportion d’enfants se situant au-dessus du 97e percentile des références françaises, entre 5 et 12 ans, était ainsi passée de 6 % à la fin des années 1970 à 10 % au début des années 1990, 13 % en 1996 et 16 % en 2000 (8). Évolution après les années 2000 Dans le monde Depuis les années 2000, de manière générale, l’évolution des prévalences du surpoids et de l’obésité pédiatriques au niveau mondial montre une stabilisation, voire une diminution dans les pays développés (tableaux 1 et 2) mais une augmentation dans les pays en voie de développement(10-13). Ainsi, au niveau mondial, en 2010, 43 millions d’enfants étaient considérés comme étant en surpoids ou obèses (35 millions dans les pays en voie de développement, 8 millions dans les pays développés) et 92 millions à risque de surpoids selon les références de l’OMS(10). Ainsi, la prévalence du surpoids et de l’obésité de l’enfant dans le monde serait passée de 4,2 % en 1990 à 6,7 % en 2010 et devrait atteindre 9,1 % en 2020, représentant approximativement 60 millions d’enfants(10).    En Europe En 2003, la prévalence de l’obésité pédiatrique chez des enfants de 7 à 11 ans en Europe variait de 5,9 % chez les filles néerlandaises à 26,5 % chez les garçons portugais selon les références IOTF(14). Cette étude situait la France dans une position intermédiaire entre les pays du Nord de l’Europe (basse prévalence, à l’exception du Royaume-Uni) et ceux du Sud (prévalence élevée). Au cours des années 2000, plusieurs études récentes ont mis en évidence un ralentissement de l’augmentation des prévalences dans la plupart des pays européens, voire une stabilisation, comme cela a été documenté en Angleterre(15) et en Grèce(16) (tableau 1). IOTF : International Obesity Task Force ; WHO : World Health Organization ; CDC : Center for Disease Control. En France Depuis les années 2000, les enquêtes menées auprès d’échantillons d’élèves français de différentes tranches d’âges représentatifs de la population, retrouvent des prévalences du surpoids obésité incluse (selon les références IOTF) comprises entre 16 et 20 % selon la tranche d’âge étudiée, et des prévalences de l’obésité entre 3 et 4 %(17-19) (tableau 2), situant la France dans une position intermédiaire entre les pays du Nord et du Sud de l’Europe. Ces différentes études ont également permis de montrer une stabilisation de la prévalence du surpoids et de l’obésité pédiatriques depuis le début des années 2000. Cependant, il persiste des inégalités importantes et toutes les études retrouvent des prévalences de surpoids et d’obésité plus élevées chez les enfants et adolescents vivant dans les conditions les moins favorables pour l’ensemble des pays industrialisés(9,17,18,20). Conclusion • L’évaluation de la corpulence chez les enfants (de 0 à 18 ans) se fait en reportant la valeur de l’indice de masse corporelle (IMC) sur des courbes de corpulence de référence. • Il existe plusieurs courbes de référence internationales (IOTF, CDC, OMS), ainsi que des cour - bes de référence françaises disponibles dans le carnet de santé des enfants. • L’interprétation des résultats d’une étude de prévalence chez l’enfant nécessite impérativement de prendre en compte les courbes et seuils de référence utilisés pour définir le surpoids et l’obésité. • L’utilisation de références communes telles que celle de l’IOTF permet de comparer les résultats d’études de prévalence menées dans différents pays. • Avant les années 2000, une forte augmentation de la prévalence du surpoids (obésité incluse) en pédiatrie avait été constatée dans le monde (notamment dans les pays industrialisés tels que les États-Unis), en Europe (avec un gradient Nord-Sud) et en France où la prévalence était passée de 3 à 16 % entre 1965 et 2000 (selon les références françaises). • En 2000, la prévalence du surpoids (obésité incluse) pédiatrique dans le monde variait de 5 % (Afrique) à 30 % (Amérique du Nord). En Europe, on notait un gradient Nord-Sud de la prévalence allant de 12 % (Danemark) à 36 % Italie). En France, la prévalence du surpoids (obésité incluse) en pédiatrie était de l’ordre de 16 %, situant la France dans une position intermédiaire entre les pays d’Europe. • Depuis les années 2000, on observe une stabilisation, au niveau mondial, de la prévalence dans les pays industrialisés mais une poursuite de l’augmentation dans les pays en voie de développement. • En Europe, comme en France on observe une stabilisation statistique de la prévalence du surpoids après deux décennies d’augmentation. • En France, les prévalences du surpoids (obésité incluse) se sont stabilisées autour des 16-20 % et de l’obésité entre 3 et 4 % selon la tranche d’âge étudiée, avec une tendance à la stabilisation depuis le début des années 2000. • La stabilisation observée des prévalences cache des disparités avec des prévalences de surpoids et d’obésité particulièrement élevées chez les enfants et adolescents vivant dans des conditions les moins favorables.

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