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Néonatologie

Publié le 17 aoû 2018Lecture 8 min

De nouvelles recommandations pour la prise en charge de l’infection néonatale bactérienne précoce chez le nouveau-né

Pascal BOILEAU(1), Christèle GRAS-LE GUEN(2), Laurence FOIX-L’HELIAS(3) et le groupe de travail des Recommandations pour la pratique clinique HAS 2017 « Prise en charge du nouveau-né à risque d’infection néonatale bactérienne précoce (≥ 34 SA) »*

Depuis la généralisation du dépistage et de l’antibioprophylaxie per partum des infections à streptocoque du groupe B (SGB) en France en 2001, l’incidence des infections néonatales précoces à SGB a diminué(1). C’est dans ce contexte qu’un groupe de travail s’est réuni sous l’égide de la Société française de néonatologie, afin de proposer une actualisation de la prise en charge de l’infection néonatale bactérienne précoce (INBP) à la lumière des données de la littérature publiée depuis la diffusion des recommandations ANAES en 2002 et analysée selon la méthodologie préconisée par la Haute Autorité de santé.

Les nouvelles recommandations sont assorties d’un grade, reflet du niveau de preuve existant : grade A pour une preuve scientifique établie, grade B pour une présomption scientifique, grade C pour un faible niveau de preuve et grade AE pour un accord d’experts. Ces recommandations doivent permettre d’identifier les nouveau-nés à risque d’INBP relevant d’un traitement antibiotique ou d’une surveillance clinique et/ou de la réalisation d’examens complémentaires. Elles doivent également permettre de réduire le nombre des antibiothérapies à large spectre aux effets potentiellement délétères et administrées chez le nouveau-né indemne d’INBP, ainsi que le nombre d’associations triples d’antibiotiques et la durée de l’antibiothérapie lorsqu’elle a été instaurée à la naissance. Ceci devrait conduire à minimiser la médicalisation de nouveau-nés bien portants et à obtenir une utilisation raisonnée des antibiotiques afin de diminuer la pression antibiotique et de limiter le développement et la dissémination des résistances bactériennes. Enfin, ces recommandations doivent permettre également de limiter la réalisation des prélèvements sanguins, ainsi que des prélèvements bactériologiques de naissance (liquide gastrique et prélèvements périphériques). De la surveillance à l’antibiothérapie L’analyse de la littérature internationale permet d’identifier 5 facteurs de risque établis d’INBP. Ceux-ci justifient l’indication d’une antibioprophylaxie per partum dans les 4 situations suivantes(3) : – la fièvre maternelle > 38,0°C isolée ou non en per partum quel que soit le statut du prélèvement vaginal (PV) (grade A) ; – une colonisation maternelle à SGB (PV, ECBU) (grade A) ; – un antécédent d’infection néonatale à SGB lors d’une précédente grossesse (grade A) ; – en cas de statut inconnu du PV (grade B) avec une prématurité spontanée et inexpliquée < 37 SA ou une durée de rupture des membranes > 12 heures (grade B). Le pédiatre sollicité auprès d’un nouveau-né suspect d’INBP doit évaluer si une antibiopropylaxie per partum est indiquée et vérifier son administration adéquate. Les critères d’une antibiopropylaxie per partum adéquate sont les suivants (grade B) : • l’antibiothérapie devra avoir été administrée : – par voie parentérale (intraveineuse), – au moins 4 heures avant la naissance, – en utilisant la pénicilline G, l’ampicilline ou l’amoxicilline, ou la céfazoline ; • tout autre traitement antibiotique (molécule, modalités et délai d’administration < 4 heures avant la naissance) est à considérer comme inadéquat. L’algorithme proposé sur la figure combine ces différents éléments afin de distinguer une population de nouveau-nés à faible risque d’infection (groupe A), pour lesquels aucune prise en charge spécifique n’est nécessaire en plus des soins habituels de maternité (ou de néonatologie en cas de prématurité), d’une population à plus haut risque d’infection (groupe C) qui doit faire l’objet d’une surveillance clinique renforcée en maternité et être examinée par un pédiatre entre 6 et 12 heures de vie. La population à risque intermédiaire (groupe B) doit être surveillée de manière spécifique en maternité également. En effet, la très grande majorité des nouveau-nés infectés deviennent symptomatiques avant la 24e heure de vie, voire avant 48 heures. Figure. Stratification du risque d’INBP chez le nouveau-né asymptomatique selon l’existence de facteurs de risque pré- et per-partum. Ainsi, l’ensemble de la population de ces nouveau-nés à risque faible, intermédiaire et élevé ne pourra pas faire l’objet d’une sortie précoce de maternité. Le point le plus important de ces nouvelles recommandations est la place centrale donnée à la surveillance clinique en maternité, selon une grille standardisée où sont colligés température, fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, existence de signe de lutte et aspect cutané (tableau). Les signes cliniques retenus pour appeler la sage-femme ou le pédiatre sont (grade AE) : – une température ≥ 38,0 °C ou < 36,0 °C ; – une fréquence cardiaque > 160/min (au calme) ou < 80/min ; – une fréquence respiratoire > 60/min ; – la présence d’un tirage, d’un geignement ou d’apnée ; – un teint cutané anormal : pâleur, cyanose, marbrures ou teint gris. Examens complémentaires Le recours aux examens complémentaires a été également profondément modifié dans ces nouvelles recommandations. L’hémoculture reste l’examen de référence en matière de diagnostic étiologique d’INBP, indiquée pour tout nouveau-né avec une symptomatologie évocatrice d’INBP avant l’initiation d’une antibiothérapie probabiliste (grade A). Le volume idéal est de 2 ml (grade C) et de 1 ml minimum afin de garantir une sensibilité acceptable (l’inoculum bactérien est souvent faible en cas d’INBP). La très grande majorité des hémocultures positives à germe pathogène le devient avant la 48e heure. Au-delà de ce délai, la probabilité d’identifier une bactérie est très faible, autorisant d’interrompre un traitement antibiotique probabiliste dès ce délai de 48 heures passé en cas d’hémoculture négative et d’une évolution clinique favorable. Les indications de la ponction lombaire (PL) et mise en culture du LCR restent inchangées : altération de l’état général, symptômes neurologiques, bactériémie à germe pathogène. En revanche, une valeur élevée isolée de CRP n’est pas une indication de PL. Les contre-indications à la PL sont inchangées : en cas d’instabilité hémodynamique, la PL doit être différée, sans pour autant retarder l’initiation du traitement antibiotique probabiliste. L’intérêt des techniques de biologie moléculaire est bien établi permettant un diagnostic a posteriori dans les cas où la PL été faite sous antibiothérapie (grade B). Initialement retenue en 2002 pour sa valeur prédictive négative (VPN) très performante, l’analyse microbiologique des prélèvements périphériques et du liquide gastrique en particulier n’est plus recommandée (grade B). En effet, la très faible incidence des INBP rend la VPN moins pertinente et en pratique, cet examen était trop largement pratiqué (plus d’un nouveau-né sur 2 en France). Ces prélèvements bactériologiques de naissance ont été à l’origine de très nombreux bilans sanguins et antibiothérapies a posteriori inutiles chez des nouveau-nés asymptomatiques. L’hémogramme n’était déjà plus recommandé depuis 2002 dans le diagnostic d’INBP. La CRP, bien qu’elle constitue un biomarqueur intéressant, présente, lorsque sa valeur est normale, le même écueil que les prélèvements bactériologiques de naissance avec une VPN > 99 %(2). Compte tenu de la faible prévalence de l’INBP devenue < 1/1 000 naissances vivantes chez les nouveau-nés proches du terme, la VPN sera > 99 % quel que soit le test diagnostique utilisé. Il n’est donc pas raisonnable de retenir un test diagnostique dans le cadre de l’INBP sur l’argument d’une bonne VPN. Toutefois, de trop nombreux dosages de CRP sont effectués en maternité afin de surveiller la ciné- tique de ce marqueur qui ne permet pas pour autant le diagnostic de l’INBP. Aussi afin de limiter ces prélèvements, il n’est plus recommandé de prélever un hémogramme ou d’effectuer un dosage de CRP à la naissance pour diagnostiquer l’INBP (grade B), ni même en cas d’initiation d’un traitement ATB (grade B). En cas d’instauration d’un traitement antibiotique au-delà de 12 heures de vie, un dosage de la CRP pourra éventuellement être effectué en même temps que la réalisation d’une hémoculture. Un dosage de la CRP 24-48 heures après antibiothérapie pourrait aider à arrêter le traitement en cas d’hémoculture négative à 48 heures (grade C). La place de la procalcitonine dans le diagnostic d’INBP n’est pas établie avec un niveau de preuve suffisant pour la recommander en routine à ce jour(3). Les résultats d’une large étude multicentrique française qui vient de s’achever permettront de préciser l’intérêt d’un dosage au sang du cordon ombilical afin de s’affranchir du pic physiologique post-natal qui complexifie l’interprétation des dosages dans les 72 premières heures de vie. Le dosage au sang du cordon ne permet pas en revanche de repérer les infections qui débutent en post-natal. Choix de l’antibiotique L’antibiothérapie de première intention a également été revue dans ces nouvelles recommandations. En effet, les enjeux actuels chez les nouveau-nés de 34 SA et plus suspects d’INBP sont de privilégier la prescription d’une bithérapie associant de l’amoxicilline avec un aminoside et de limiter l’utilisation des céphalosporines de troisième génération aux infections à Escherichia coli. Toutes les recommandations internationales récentes proposent une association pénicilline G ou A et gentamicine en première intention. Cette antibiothérapie probabiliste à spectre étroit, établie en considérant les bactéries responsables des INBP les plus fréquentes et l’épidémiologie de la résistance aux antibiotiques est efficace dans plus de 90 % des cas d’INBP. Actuellement, en France, plus de la moitié des nouveau-nés qui reçoivent une antibiothérapie reçoivent une triple antibiothérapie par amoxicilline, céfotaxime et gentamicine(4). Les risques d’une utilisation généralisée des céphalosporines de troisième génération sont liés à leur large spectre d’action qui augmente le risque de sélection de bactéries multirésistantes. Conclusion En conclusion, les principaux changements des nouvelles recommandations de la HAS 2017 sont les suivants : • Le nouveau-né asymptomatique à risque d’INBP doit être identifié sur des critères anamnestiques et surveillé cliniquement en maternité. • Cette surveillance clinique standardisée (tableau) en maternité doit être préférée à l’antibiothérapie probabiliste chez l’enfant asymptomatique. La formation des équipes soignantes à cette surveillance est indispensable à son efficacité. • La détection précoce des signes cliniques d’infection est indispensable pour ne pas retarder l’initiation de l’antibiothérapie. • Tous les nouveau-nés qui pré- sentent une symptomatologie clinique évoquant une INBP doivent bénéficier rapidement d’un examen clinique complet et doivent recevoir une antibiothérapie probabiliste après prélèvement d’une hémoculture. • L’antibiothérapie probabiliste de première intention administrée par voie intraveineuse chez le nouveau-né de 34 SA et plus, est constituée par une association d’amoxicilline (100 mg/kg/j en 2 injections) et de gentamicine (5 à 6 mg/kg/j en 1 injection). La suspicion d’une méningite doit conduire à administrer une association de céfotaxime (200 mg/kg/j en 2 injections) et de gentamicine.

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