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Psycho-social

Publié le 06 avr 2016Lecture 7 min

Les clowns dans les services de pédiatrie : c’est drôlement important !

D. DEVICTOR, Réanimation néonatale et pédiatrique, hôpital de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre

Toute hospitalisation est traumatisante et peut conduire à des séquelles psychologiques. L’enfant et sa famille sont à cet égard particulièrement vulnérables. Les uns comme les autres peuvent développer un état de stress post-traumatique, dont la sévérité est fonction notamment des agressions liées aux investigations et aux soins, de la durée d’hospitalisation, de la personnalité de l’enfant et du soutien familial. Limiter l’importance d’un tel retentissement psychologique est devenu une priorité pour tous les services de pédiatrie. Parmi les différentes approches utilisées, les comédiens hospitaliers ont acquis une place toute particulière.

  Le rire sur les lèvres d’un enfant hospitalisé. © Jacques Grison/Le Rire Médecin   Les risques psychologiques d’une hospitalisation en pédiatrie sont-ils réels ?   Toute hospitalisation peut avoir des répercussions psychologiques(1). L’hospitalisation affecte tant l’équilibre affectif et relationnel de l’enfant que celui de ses parents et de sa fratrie. Tout concourt à morceler la vie de l’enfant. L’hospitalisation peut au maximum entraîner un état de stress post-traumatique (ESPT), soit dans sa forme  complète, soit dans sa forme subsyndromique. Cet état peut toucher l’enfant comme ses parents. À l’hôpital, des ESPT ont été décrits dans de multiples situations : réanimation pédiatrique, cancérologie, transplantation hépatique, infections à méningocoque ou maladies chroniques (2,3). Dans leur forme typique, ils se présentent sous forme d’une ré expérience de l’événement, de cauchemars, d’envahissement de la conscience en plein éveil, ou encore de résurgence de souvenirs douloureux. Ces troubles s’accompagnent souvent d’insomnie, de dépression, d’irritabilité, parfois de violence. Ils peuvent durer quelques mois ou s’installer dans la chronicité. Par exemple, après une hospitalisation en réanimation pédiatrique, l’incidence des formes syndromiques chez les enfants représente 5 à 28 % des cas et celle des formes sub-syndromiques 35 à 62 % des cas(2). Chez les parents, l’incidence des ESPT typiques se situerait entre 10,5 et 21 % et celle des formes incomplètes affecterait 84 % des cas(2).   Peut-on limiter ces conséquences psychologiques ?   La réponse est bien évidemment oui. Durant ces dernières décennies, les structures d’accueil en pédiatrie se sont incontestablement améliorées pour tenter de transformer l’hôpital pédiatrique en lieu de vie : école située dans l’hôpital ; ouverture des services 24 h/24 aux parents, à la fratrie ; maisons des parents ; collaboration avec les équipes psychosociales, etc. À ces évolutions s’associent en outre le développement de la médecine et de la chirurgie ambulatoire, l’essor des techniques non invasives, la meilleure prise en charge de la douleur et la réduction des durées de séjour. Enfin, de nombreux acteurs collaborent à cette organisation afin de maintenir les repères essentiels de l’enfant : équipes médicosociales, éducateurs, psychomotriciens, instituteur, etc.  Néanmoins, toute hospitalisation reste potentiellement traumatisante, d’où l’émergence d’associations visant à l’adoucir. C’est ainsi que comédiens, musiciens et autres artistes, dont les clowns hospitaliers, ont fait leur entrée dans les services de pédiatrie. L’apparition des clowns à l’hôpital est ancienne puisque les clowns hospitaliers ont fait la Une du Petit journal illustré de septembre 1908. Le Clowning a commencé en Angleterre, puis s’est peu à peu étendu à d’autres pays(4). Aux États-Unis, les clowns hospitaliers se sont développés en 1986. À Paris, l’association Le Rire Médecin sera créée en 1991. D’autres associations suivront et d’autres pays européens également, tels la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, etc., et une European Federation of Hospital Clowns Organization verra le jour en mars 2011.   Comment ces comédiens sont-ils formés ?   Ils sont tous des comédiens professionnels formés à l’exercice hospitalier. Ils possèdent non seulement des dons artistiques mais aussi une solide connaissance de l’hôpital. Ils se sont souvent formés au sein d’un institut de formation, qui a pour objectif de leur faire comprendre l’univers hospitalier, de leur apprendre à en respecter le fonctionnement, mais également de leur enseigner à adapter leur jeu à ce cadre spécifique. Toute la difficulté pour le comédien est de savoir rester à sa place et de trouver le juste équilibre entre une nécessaire intrusion dans un monde hospitalier souvent austère et le respect des patients, des équipes soignantes et des contraintes hospitalières. Cette place particulière sollicite des qualités d’empathie mais aussi d’humilité car l’artiste ne vient pas travailler à l’hôpital pour être applaudi, mais pour se mettre au service d’autrui. Les clowns interviennent toujours en duo, ce qui leur permet de diminuer la charge émotionnelle qu’ils peuvent ressentir par le contact avec la souffrance qu’ils côtoient. Ces artistes appartiennent à des associations à but non lucratif qui font appellent à des donateurs et à la générosité du public. Ces associations sont souvent supervisées par des organismes indépendants qui garantissent notamment l’utilisation des dons selon des règles morales et financières très strictes.   Comment les comédiens interviennent-ils ?   Les comédiens hospitaliers adaptent leur savoir-faire à chaque cas. Ils travaillent en étroite collaboration avec les équipes paramédicales et médicales. Avant chaque intervention, les infirmières transmettent aux comédiens différentes informations sur l’état physique et psychique de l’enfant et sur sa famille. Cette transmission permet d’adapter le jeu à chaque enfant et chaque famille, ce qui est le secret du comédien. Le second point fort du comédien est d’inclure l’enfant et ses parents dans les jeux qu’il invente. Ainsi, les parents apprivoisent leur nouvel environnement et l’enfant retrouve un sentiment de sécurité. Les comédiens agissent non seulement sur l’enfant et ses parents, mais aussi sur le personnel soignant(4). Vis-à-vis des équipes hospitalières, l’expérience montre que des liens très forts s’instaurent ainsi entre les comédiens et le personnel soignant. L’efficacité des comédiens hospitaliers est-elle démontrée ? Il n’existe pas d’études contrôles objectivant l’efficacité des clowns dans la réduction du stress vécu par les enfants hospitalisés ou celle des ESPT après une hospitalisation. Mais est-ce bien nécessaire ? L’esprit scientifique impose t-il de mesurer les éclats de rire, la largeur d’un sourire, la quantité de larmes de joie ? En revanche, plusieurs auteurs ont démontré l’efficacité des comédiens dans la réduction du stress périopératoire(5-7). En 2009, P. Yip et coll. ont publié une métaanalyse sur ce thème(7) incluant 17 études correspondant à un total de 1 796 enfants. Les moyens de réduction du stress retenus étaient notamment la présence des parents, les jeux vidéo, l’hypnose, la création d’une atmosphère sereine ou la musique. Parmi ces méthodes, il en ressort que la présence des clowns réduisait significativement l’anxiété des enfants face à une intervention chirurgicale(7).   Points forts • Toute hospitalisation en pédiatrie peut être traumatisante. • Les comédiens peuvent limiter l’angoisse non seulement de l’enfant, mais aussi de ses parents et du personnel soignant. • Ces comédiens sont tous des professionnels formés au monde hospitalier. • L’art médical et l’art du comédien peuvent se rejoindre de façon heureuse au pied du lit d’un petit malade.  

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