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Rhumatologie - Os - Orthopédie - Traumatologie

Publié le 26 sep 2014Lecture 9 min

Les fractures de la rotule chez l’enfant

H. NKHILI, M. ELIDRISSI, A. ZAOUI, A. DENDANE, A. AMRANI, T. ELMADHI, H. GOURINDA, Z. ELALAMI, Hôpital d’enfants, Rabat (Maroc)
Nous rapportons une étude multicentrique descriptive et rétrospective d’une petite série de fractures de la rotule chez l’enfant. Le traitement peut être orthopédique ou chirurgical, consistant en une réduction sanglante avec brochage et haubanage. Nous insistons sur l’intérêt de dépister cette fracture relativement rare devant tout traumatisme de genou.
La position sous-cutanée de la rotule l’expose particulièrement aux traumatismes. Les fractures de la rotule représentent 1 % des fractures du squelette. Nous avons mené une étude multicentrique descriptive et rétrospective portant sur une petite série de 7 cas de fractures de la rotule chez l’enfant colligés parmi 562 cas de fracture de rotule pris en charge dans neuf centres hospitaliers entre 2000 et 2006. Pour chaque cas, nous avons précisé l’âge, le sexe, les circonstances de survenue, le mécanisme lésionnel, le délai de prise en charge, la présentation clinique, le type anatomopathologique, le traitement et l’évolution.   Résultats Parmi les 562 cas de fracture de la rotule répertoriés, seuls 7 des patients ont moins de 16 ans, soit une incidence chez l’enfant de 1,25 %. Tous nos patients sont des garçons âgés de 12 à 14 ans avec un âge moyen de 13 ans et 3 mois. L’accident de sport (57 %) et l’accident de la voie publique (28,6 %) sont les circonstances de survenue les plus rapportées. Le mécanisme lésionnel est direct dans 57 % des cas. Sur le plan anatomopathologique, il y a eu 4 cas de fracture polaire ou sleeve fracture (57 % des cas), 2 cas de fracture corporéale (28,6 %) et une fracture comminutive (14,3 %). Aucune lésion cutanée vasculaire ou nerveuse n’est décrite. L’embrochage-haubanage a été réalisé chez 5 patients (71 %). L’évolution clinique et radiologique est satisfaisante chez 5 patients après un recul de 6 ans. Dans les 2 autres cas vus tardivement (au-delà de la 3e semaine), une raideur articulaire douloureuse a dû être prise en charge par rééducation fonctionnelle.   Épidémiologie La fracture de la rotule représente environ 1 % de l’ensemble des fractures(1,2), elle survient le plus souvent chez l’adulte jeune, alors que les enfants de moins de 16 ans représentent moins de 2 % dans les différentes séries. L’âge moyen est proche de 13 ans(3) (c’est le cas dans notre série), et le sex ratio (3 selon Hunt(4)) est nettement en défaveur des garçons. Cela serait à mettre en rapport avec l’importance de la pratique sportive, la croissance rapide et la transformation ostéochondrale périphérique de la rotule dans cette tranche d’âge(4).   Classification Chez l’enfant, on décrit trois types de fractures : – les fractures du corps de la rotule sans spécificité par rapport à l’adulte (figure 1) ; – les fractures avulsions du bord supérieur ou inférieur de la rotule, les classiques « sleeve fractures », comportant une désinsertion soit du tendon rotulien, soit du tendon quadricipital, et emportant un fragment ostéochondrale plus ou moins volumineux (figure 2) ; – les fractures ostéochondrales : apanage de l’adolescent, elles sont le plus souvent secondaires à un épisode de luxation ou de subluxation de la rotule. Figure 1. Les fractures du corps de la rotule.   Figure 2. Sleeve fracture.     Mécanisme lésionnel - physiopathologie Comme chez l’adulte, les fractures corporéales surviennent à l’occasion de chocs directs, alors que les fractures avulsions et les fractures ostéochondrales sont secondaires à des traumatismes indirects, comme on l’observe au cours de pratiques sportives où une accélération explosive est déployée lors d’un saut (skateboarding par exemple)(5). À partir de l’âge de 3 ans, plusieurs centres d’ossification apparaissent dans la partie centrale de la rotule, avec une progression centripète délimitant en périphérie une collerette cartilagineuse où s’insèrent les différents éléments tendino-ligamentaires(1). La jonction ostéochondrale offre une résistance inférieure à celle des tendons s’insérant sur la rotule, constituant une zone de vulnérabilité mécanique qui aura tendance à rompre aux pôles patellaires à l’occasion d’une contraction brutale du quadriceps. C’est ainsi que s’expliquent les avulsions polaires (sleeve fractures). Ce mécanisme spécifique à l’enfant se voit également dans les avulsions des épicondyles du coude et dans les arrachements de la tubérosité tibiale, mais dans le cas de la rotule, il s’agit d’une fracture articulaire intéressant les deux versants de la rotule et le périoste. Au niveau du fragment arraché, l’ostéogenèse se poursuit (d’origine ostéochondrale et périostée) et aboutit à terme à une rotule allongée ou « double »(6).   Clinique L’examen retrouve une impotence fonctionnelle le plus souvent complète avec extension active du genou impossible, alors que l’extension passive reste subnormale. Lors d’un examen précoce, l’inspection et surtout la palpation permettent de détecter un écart interfragmentaire. Mais, le plus souvent, lorsque le blessé est vu tardivement, on observe un gros genou dont les reliefs anatomiques classiques ont disparu. Figure 3. Traitement d’une fracture du corps de la rotule par embrochage-haubanage.    L’inspection permet d’évaluer, en outre, l’importance des lésions d’impact cutané à la face antérieure du genou, qui conditionnent les modalités thérapeutiques. Dans la plupart des cas, le patient se présente avec un gros genou douloureux en rapport avec une hémarthrose importante diffusant aux parties molles avoisinantes et surtout un flessum articulaire actif. La ponction de l’hémarthrose n’est pas indispensable. Si celle-ci est effectuée, notamment si la radiographie est normale, une lipohémarthrose peut orienter le diagnostic vers une fracture ostéochondrale. Lorsque le déplacement est minime, les signes sont discrets et le diagnostic peut être manqué. L’enfant apprendra vite à lever la jambe en utilisant le fascia lata tout en s’aidant de la rotation interne du membre. Il en résulte un allongement de la rotule et, par conséquent, un affaiblissement de l’appareil extenseur(7).   Imagerie médicale La radiologie standard manque de sensibilité. Elle est en apparence normale lorsque le trait de fracture est strictement cartilagineux. Dans ces cas, l’échographie articulaire est un moyen simple et peu onéreux d’explorer l’appareil extenseur du genou, le cartilage et l’os, et d’en détecter toute lésion(8). Le scanner, l’IRM ou l’arthroscopie sont considérés par certains, et c’est souvent vrai, comme inutiles. Nous pensons qu’ils gardent une valeur médico-légale dans les rares cas de fractures ostéochondrales isolées. L’arthroscopie n’a pas sa place à titre diagnostique, hormis éventuellement dans le cas des fractures ostéochondrales isolées de l’enfant(9).   Traitement Le traitement des fractures de la rotule vise, d’une part, la réduction parfaite qui évite la formation d’un cal vicieux, source d’arthrose et, d’autre part, la stabilité du foyer fracturaire afin de permettre une rééducation rapide.   Traitement orthopédique L’épanchement et l’immobilisation étant deux fléaux pour les structures articulaires, le traitement orthopédique peut comporter la ponction évacuatrice de l’hémarthrose visant à diminuer la douleur, ainsi que la souffrance des éléments articulaires Une période d’immobilisation de 4 à 6 semaines est la règle. Figure 4. Traitement de sleeve fracture par embrochage-haubanage.  Elle utilise une attelle amovible postérieure de repos, genou fléchi à 5° ; on peut également recourir au plâtre cruro-pédieux. La mobilisation doit être précoce, douce, prudente et protégée. Elle débute après la phase hyperalgique, au 3e ou 4e jour, et ne doit pas dépasser 90° de flexion avant 45 jours. Sous plâtre, on commence une rééducation isométrique par contraction statique du quadriceps. Le lever avec appui partiel est autorisé sous couvert d’une attelle d’extension avec deux cannes de protection jusqu’à la 6e semaine. La consolidation est obtenue au bout de 45 jours. Un suivi radiographique est réalisé à la 2e, 4e et 6e semaine afin de vérifier la consolidation et l’absence de déplacement. En pratique, le traitement orthopédique n’est possible que pour les fractures réductibles et respectant l’appareil extenseur.   Traitement chirurgical Les fractures interrompant l’appareil extenseur, et en particulier les « avulsions », requièrent un traitement chirurgical pour en rétablir la longueur et abaisser une patella alta. Notre préférence va au haubanage en 8 appuyé sur deux broches verticales, il combine de façon optimale la rigueur de la réduction par broches et la compression dynamique par le fil métallique. La confection de ce montage doit ménager la vascularisation patellaire qui provient essentiellement de la face antérieure et du pôle inferieur(9). Elle requiert deux fragments osseux conséquents ; dans le cas contraire, il est possible de réaliser une réinsertion tendineuse par points trans-osseux en utilisant un fil résorbable de gros calibre(1,10). D’autres techniques innovantes ont été décrites de façons sporadiques, tels le vissage appuyé sur cerclage par fil métallique, le vissage percutané laparoscopique et la suture percutanée. Devant un defect cartilagineux important ou une fracture communitive, une patellectomie partielle est préférable à une ostéosynthèse précaire. La patellectomie totale est très controversée, notamment en phase aiguë ; elle doit être réservée aux fractures communitives échappant à toute ostéosynthèse.   Évolution Seuls un diagnostic précoce et un traitement adéquat permettent une récupération ad integrum de la fonction d’extension ; dans les cas contraire, l’évolution peut se faire vers : – un cal vicieux avec décalage à l’origine d’accrochage et de douleurs ; – une rotule en « banane » lorsque la consolidation d’une fracture comminutive moule la courbure de la trochlée fémorale ; – une patella « magna » secondaire a une consolidation hypertrophique aggravée par la persistance d’un diastasis. L’os excédentaire entre alors en conflit avec la trochlée. – une patella alta ; – une raideur du genou ; – une arthrose fémoro-patellaire.   Conclusion Bien que beaucoup moins fréquente que chez l’adulte, une fracture de rotule doit être recherchée chez l’enfant devant tout traumatise du genou, car son ignorance ou une prise en charge tardive peut compromettre le pronostic fonctionnel du système d’extension du genou. Elle survient le plus souvent chez des garçons entre 12 et 14 ans. Le pronostic dépend du type de fracture de rotule et de la prise en charge de celle-ci. L’examen clinique doit toujours être méthodique et exhaustif afin de rechercher des lésions associées.

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