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Thérapeutique

Publié le 12 juin 2016Lecture 6 min

Syndrome d’apnée obstructive du sommeil de l’enfant : place de l’orthodontie

Y. MUTEL, Orthopédie dento-faciale, Bordeaux

La connaissance de l’influence réciproque des troubles ventilatoires du sommeil (TVS) de l’enfant sur les dysmorphoses dento-maxillaires est ancienne(1). Paradoxalement, la reconnaissance de cette relation est récente et ce par l’effet révélateur de deux paramètres : l’augmentation importante de la prévalence des rhinites allergiques et le continuum potentiel des dysmorphoses avec les troubles obstructifs oropharyngés. Les deux catégories de dysmorphoses(3) les plus souvent concernées sont : les déficits volumétriques du maxillaire* et les rétrognathies maxillaires et/ou mandibulaires**.

Les déficits volumétriques du maxillaire   Globalement, l’étiologie relève plus de facteurs fonctionnels que génétiques. En effet, le principal pourvoyeur du frein de croissance du maxillaire est l’hypoventilation nasale. C’est essentiellement dans ses dimensions transversales que le maxillaire est touché, et ce d’autant plus que l’obstruction nasale est sévère, le pire étant bien entendu l’obstruction bilatérale et permanente. L’étroitesse modérée du maxillaire ne touchant que les zones alvéolaires est appelée endoalvéolie, et le déficit transversal basal, plus sévère et avec un palais très ogival, correspond à l’endognathie. Le schéma pathogénésique est le suivant : plus le nez est bouché sévèrement et fréquemment, plus l’enfant est obligé de développer une ventilation orale qui finit souvent par devenir permanente. La carence de recrute ment nasal pénalise alors le développement des fosses nasales et des sinus maxillaires. La ventilation orale altère le schéma de déglutition (s’additionnant parfois à une déglutition primaire préexistante) qui s’effectue langue basse. Cette dernière ne stimulant plus transversalement le palais, pénalise à son tour le développement nasosinusien, bouclant ainsi le cercle vicieux (figure 1). Outre les obstructions purement nasales, qu’elles soient d’origine anatomique, infectieuse et/ou allergique(4-6), cette catégorie est pour les cas les plus sévères le domaine des adénoïdiens. Dans ce cas, il est le plus souvent souhaitable de pratiquer l’adénoïdectomie (palatine et/ou pharyngienne) avant la mise en route du traitement orthodontique d’expansion maxillaire. Figure 1. Physiopathologie des dysmorphoses dento-maxillaires en rapport avec des troubles ventilatoires.   Traitement orthodontique La correction orthodontique est réalisée avec des dispositifs d’expansion transversale dont la capacité et l’amplitude de l’action expansive sont graduées selon l’importance de l’atteinte dimensionnelle. Dans les endoalvéolies, sont utilisés soit des dispositifs d’expansion amovibles (figure 2), soit des dispositifs fixes sur bagues, le plus connu étant le quad-helix (QH) (figure 3). Dans les endognathies, le dispositif de choix est le disjoncteur intermaxillaire (DIM) qui permet par une activation rapide une ouverture de la suture intermaxillaire. L’expansion obtenue peut dépasser 1 cm (figure 4). Figure 1. Plaque palatine amovible d’expansion transversale alvéolaire. Figure 3. Expansion transversale alvéolaire par quad-helix. Figure 4. Disjonction intermaxillaire.   Il est important de prendre en compte cette problématique et de soulager les enfants « prisonniers » de ce cercle vicieux car : – la ventilation orale est source de détérioration des parois de l’oropharynx et donc de leur collapsibilité, et de la survenue potentielle d’un futur syndrome d’apnée du sommeil (SAOS) ; – chez les adénoïdiens, l’obturation des voies aériennes supérieures (VAS) est déjà présente et donc potentiellement inductrice d’un SAOS de l’enfant ; – si en plus d’être endognathe, l’enfant présente également une rétrognathie, le risque de SAOS est fortement majoré (cela fait le lien avec le chapitre suivant).   Les rétrognathies   L’étiologie relève ici plus de l’hérédité(7). Les rétrognathies, a fortioribimaxillaires, sont sources de faible volume intrabuccal, favorisant la rétrobascule de la langue au cours du sommeil. Nous sommes donc potentiellement dans un contexte d’obstruction mécanique de l’oropharynx avec un risque immédiat de survenue d’un SAOS, qui chez l’enfant est considéré comme délétère dès que l’index d’apnées-hypopnées (IAH) est > 1 ou 2, selon les auteurs(8), et qui toucherait aujourd’hui au moins 2 à 4 % d’entre eux(9). Cela ne veut pas dire que tous les patients rétrognathes seront apnéiques, mais ils constituent une catégorie morphologiquement à risque, cette dernière étant fortement majorée s’il y a conjonction d’une endognathie maxillaire a fortioriavec un contexte adénoïdien. Cela doit inciter l’orthodontiste à élargir le champ de son anamnèse et à rechercher : ronflements et/ou sueurs nocturnes ? Sommeil agité ? Ventilation orale la nuit ? Problèmes scolaires ? Et à prendre en compte son observation clinique : obésité(10) ? Comportement de l’enfant : agité ? Somnolent ? Hypertrophie amygdalienne ? Avec faciès adénoïdien ?, etc. (figure 5). Le traitement de la rétrognathie mandibulaire doit être précoce : dès l’âge de 6 ans, avant 9 ans chez la fille et avant 11 ans chez le garçon.   Figure 5. Principes diagnostiques : observation globale.   Il est réalisé avec un dispositif destiné à produire une hyperpropulsion de la mandibule. Ce peut être un dispositif amovible de type monobloc hyperpropulseur (figures 6 et 7), ou amovible bibloc de type orthèse, ou fixe, couplé à des élastiques de traction intermaxillaire.   Figure 6. Rétrognathie mandibulaire. Figure 7. Rétrognathie mandibulaire : traitement par monobloc hyperpropulseur.   Lorsque la mandibule est verrouillée sagittalement par un recouvrement excessif des incisives et canines maxillaires (supraclusion) (figure 8), la correction verticale doit précéder l’action antéro-postérieure ou y être couplée. Si le patient est observant, le succès est le plus souvent au rendezvous (figure 9). Figure 8. Rétrognathie mandibulaire et sens vertical.   Figure 9. Évolution avec traitement d’une rétrognathie mandibulaire.   Les téléradiographies de profil de cet enfant âgé de 7 ans au début du traitement montrent un gain de 5 mm de longueur mandibulaire en un an d’hyperpropulseur nocturne ; la lèvre inférieure s’est avancée de 1,5 mm. En cas de non traitement ou d’échec, la rétrognathie relèvera d’une correction chirurgicale en fin de croissance : chirurgie d’avancée type Obwegeser pour la mandibule, type Lefort pour le maxillaire, couplées (bimaxillaire) en cas de birétrognathie.   Conclusion   La relation biunivoque entre les troubles ventilatoires du sommeil (TVS) de l’enfant et les dysmorphoses n’est plus à démontrer. Cela doit inciter l’orthodontiste à : – modifier son approche diagnostique (encadré 1) ; – engager les parents qui ne l’ont pas encore fait à solliciter une consultation pédiatrique, pneumo pédiatrique ou ORL ; – s’inscrire dans un exercice multi disciplinaire afin d’appliquer la bonne chronologie des actes (encadré 2). L’intérêt est réciproque car la prise en compte et le traitement de la pathologie oropharyngée favoriseront la stabilité de la correction orthodontique et optimiseront le rôle préventif de cette même correction.    

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