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Pneumologie

Publié le 06 mai 2012Lecture 12 min

L’intérêt de la nébulisation dans l’asthme sévère de l’enfant

J.-P. CHAUMUZEAU, Groupe Aérosolthérapie (GAT) de la Société de pneumologie de langue française (SPLF), Paris
Les singularités de la maladie asthmatique de l’enfant reposent sur un certain nombre de critères (anatomiques, physiopathologiques, psychocomportementaux et thérapeutiques) qui vont se modifier avec la croissance pour se rapprocher au fil des ans de la problématique de l’asthmatique adulte. Pour la clarté de l’exposé, cette brève revue pratique ne concerne donc que le petit enfant, avant 4-5 ans, non ou tout juste scolarisé.
Qu’est-ce qui distingue la nébulisation des autres types de traitement inhalé ? L’aérosol est défini comme une suspension stable dans l’air de particules, liquides ou solides, dont la très petite taille (inférieure à 100 μm) assure une vitesse de chute négligeable inférieure à 0,5 m/s. C’est la technique de génération qui permet de distinguer : • Les dispositifs d’inhalation prêts à l’emploi (DPE) – Solution ou suspension en flacon pressurisé (spray) dont l’inhalation est conditionnée par l’inspiration, précédée ou non d’une pression manuelle ; – inhalateurs de poudre dont la désagrégation et l’inhalation sont déclenchées par l’inspiration forte. • La nébulisation qui est la transformation en aérosol prêt à être inhalé d’un liquide médicamenteux, généralement conditionné en préparations unidoses. Sur le plan pratique, il existe 3 types de générateurs d’aérosols :  – les nébuliseurs pneumatiques qui fonctionnent sur le principe de l’effet Venturi : aspiration puis projection à grande vitesse contre un déflecteur du liquide qui se fracasse en une multitude de microgouttelettes ; Ils sont soit à usage unique, branchés sur un circuit de gaz comprimé mural, soit réutilisables branchés sur un compresseur électrique ; – les nébuliseurs ultra-soniques où les particules sont formées à partir des fontaines de cavitation engendrées par les vibrations à haute fréquence transmises au liquide par un quartz piézo-électrique ; – les nébuliseurs à membrane (ou à tamis) où les particules sont émises par les vibrations d’une membrane métallique percée d’orifices micrométriques, positionnée au contact de la surface de la préparation liquidienne.   Quand parler d’un asthme sévère chez l’enfant Même si cliniquement, en pratique, cela semble simple et tomber sous le sens, il n’est pas si évident de s’entendre sur la définition de l’asthme, a fortiori chez le tout petit : « Plus de trois épisodes de sifflements dans l’année avant l’âge de 2 ans ». Cette définition est reprise par la HAS (Asthme de l’enfant de moins de 36_mois : diagnostic, prise en charge et traitement - mars 2009) qui précise « quels que soient l’âge de début, la cause et l’existence ou non d’une atopie_». On sait par ailleurs que « tout ce qui siffle n’est pas asthme » et que d’autres tableaux cliniques doivent aussi faire évoquer un asthme (toux à l’effort ou nocturne, sifflements persistants bien tolérés du «_happy wheezer »). Un certain consensus s’est établi sur les critères définissant la sévérité de l’asthme. Il s’agit donc bien d’un asthme persistant sévère si : – les symptômes (dyspnée, toux, sifflements) persistent > 2 jours par semaine et/ou 2 nuits par mois; – l’inhalation de â2-mimétiques à courte durée d’action est nécessaire > 4 jours par mois ; – le retentissement sur la vie quotidienne est important : • malgré un traitement classique habituel, bien administré (corticothérapie inhalée à dose optimale en 2 prises quotidiennes avec chambre d’inhalation munie d’un masque) depuis au moins 3 mois, • après avoir éliminé toute pathologie associée ou aggravante traitée et maîtrisée et toute exposition allergénique récurrente. Outre ces critères bien protocolisés, il faut porter attention aux manifestations pratiques quantifiables : – réveils nocturnes ; – jours d’absence de la crèche ou de la maternelle ; – cures de corticoïdes per os ; – appels urgents au généraliste ou au pédiatre ; – éventuellement hospitalisation. Par ailleurs, il faut se méfier de l’asthme intermittent sévère sans symptômes intercritiques et responsable de crises inopinées, subites et intenses.   Qu’est-ce qui différencie le petit enfant de l’adulte en matière de traitement inhalé ? Dans les toutes premières années de la vie, la petite taille et l’immaturité relative de l’appareil respiratoire, d’une part, et les limites psycho-comportementales et cognitives, d’autre part, viennent interférer avec les procédures diagnostiques et le choix des techniques thérapeutiques. Les difficultés à cet âge s’articulent autour : – de l’anatomie des voies aériennes; – des modalités ventilatoires ; – des possibilités de coopération et de compréhension. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine de la maladie asthmatique. Par exemple (liste non limitative) : – la respiration nasale est prédominante et le nez étant un très bon filtre, la pénétration et la déposition intrapulmonaire s’en trouve considérablement réduite. Par ailleurs, l’utilisation d’un embout buccal est inenvisageable, seul un masque facial est utilisable (encore doitil être bien appliqué sur le visage pour assurer l’étanchéité) ; – le volume courant étant très réduit et la fréquence respiratoire élevée, le débit d’aérosol généré par le nébuliseur se révèle facilement excédentaire et l’efficacité réduite en raison des pertes excessives ; – le diamètre des voies aériennes étant particulièrement faible, l’impaction des particules est élevée, avec dépôt de l’aérosol plutôt central et proximal, et par voie de conséquence la pénétration distale très réduite ; – toute coordination main-respiration est par définition irréalisable (il est déjà bien d’arriver à obtenir la bonne tolérance et l’acceptation du masque sur le visage) ; – tout contrôle volontaire effectif des mouvements respiratoires est impossible, ainsi que toute apnée volontaire ; aucune mesure simple de la fonction respiratoire n’est réalisable en pratique courante avant 4-5 ans dans les meilleurs cas. Les seules techniques utilisables à cet âge sont donc, soit l’aérosol- doseur pressurisé avec une chambre d’inhalation munie d’un masque, soit la nébulisation avec masque (ni poudre, ni spray isolé, ni embout buccal). Il est intéressant par ailleurs de noter que si l’on corrige ou exprime la posologie du médicament administré par voie inhalée non plus en mg mais en % par kg du poids corporel, la dose déposée dans les voies aériennes intrathoraciques est assez indépendante de l’âge (par rapport à ce que l’on observe chez un adulte).   Les indications de la nébulisation chez le petit enfant asthmatique D’une manière générale, la nébulisation s’impose pour trois raisons de principe : – l’impossibilité de se servir d’autre chose ; – la nécessi té de posologies élevées ; – l’utilisation d’un médicament non disponible sous une autre forme. Deux cas de figure dans l’asthme : • La prise en charge de la crise La nébulisation s’impose : – en cas d’exacerbation (symptômes durant plus de 24 h) avec hypoxémie et a fortiori en cas d’asthme aigu grave qui ne répond pas au traitement habituel. En l’absence d’hypoxémie, la prise de â2 à courte durée d’action avec une chambre (une bouffée par 2 kg de poids sans dépasser 10 à 12 bouffées par prise) est souvent équivalente à une nébulisation ; – quel que soit le cas de figure, la brutalité inhabituelle d’installation et/ou l’intensité particulière de la dyspnée et/ou l’absence d’amélioration rapide impliquent la nébulisation dès que possible de â2-agonistes d’action rapide. En pratique : salbutamol : 2,5 mg si < 16 kg - 5 mg si > 16 kg, ou équivalent en utilisant de préférence l’oxygène comme gaz vecteur du nébuliseur pneumatique (en raison de l’hétérogénéité des rapports ventilation/perfusion possible en pareille situation). À renouveler éventuellement en fonction de l’évolution clinique. Il n’y a pas de limite d’âge inférieure à la nébulisation des â2+ chez le nourrisson. L’adjonction d’un anticholinergique n’a pas montré d’efficacité supplémentaire décisive chez le nourrisson. Il n’y a aucune indication des corticoïdes inhalés en cas de crise, même à fortes doses (contrairement à la corticothérapie systémique). • La corticothérapie inhalée au long cours Elle se justifie par l’amélioration de la qualité de vie et pour prévenir le remodelage bronchique, la dégradation progressive de la fonction respiratoire et la pérennisation de la maladie à l’âge adulte : – lorsque les critères de gravité sont présents (cf. ci-dessus) ; – lorsque les autres thérapeutiques habituelles se révèlent inefficaces ou insuffisamment efficaces. L’action de la corticothérapie nébulisée dépend principalement : – d’un dépôt pulmonaire suffisant (particules ≤ 3 μm, aérosol monodispersé homogène ; masque facial bien positionné) ; – d’une bonne rétention sur le site de déposition bronchique (liée à la lipophilie de la molécule) ; – de l’affinité de la molécule pour les récepteurs intracytoplasmiques aux glucocorticoïdes permettant une liaison prolongée. Les effets secondaires Ils sont locaux ou systémiques. • Locaux, d’autant plus marqués que la posologie est élevée : – enrouement, toux ; – candidose buccale (muguet) ; – hypertrophie de la langue (rare mais spécifique de la nébulisation chez le nourrisson). Ils incitent à bien rincer la bouche et le visage après la séance et à éviter l’application de crèmes grasses sur la peau qui potentialisent l’absorption transcutanée des corticoïdes. • Systémiques Aucun corticoïde inhalé n’étant inactivé dans le poumon, les effets systémiques indésirables dépendent de l’importance et de la rapidité du passage systémique (absorption pulmonaire et fraction déglutie), de l’efficacité du métabolisme hépatique (effet de premier passage) et de la fixation protéique (seule la fraction libre étant métaboliquement active). En pratique le risque est très faible. L’impact sur le métabolisme osseux est négligeable aux doses usuelles. Seule la croissance régulière doit faire l’objet d’une surveillance accrue et vigilante, même si la taille finale n’est pas véritablement affectée et les posologies élevées étant rarement durablement reconduites. Prescription – Remboursement • Les corticoïdes inhalés peuvent être prescrits par tout médecin inscrit au tableau de l’ordre. • Les â2-agonistes inhalés pour nébulisation doivent être prescrits par un médecin spécialiste pneumologue ou pédiatre (mais tout médecin intervenant en situation d’urgence peut les administrer). • La prescription d’un traitement nébulisé nécessite deux ordonnances : une pour le médicament et une pour le système de nébulisation. • Il n’y a pas de demande d’entente préalable. • L’appareil de nébulisation est remboursé par la Sécurité sociale sur la base d’un tarif de location hebdomadaire renouvelable. • Les consommables (tuyaux, masques, nébuliseurs) sont achetés et remboursés sur la base du tarif de la LPPR. • Les médicaments sont remboursés sur les bases communes en vigueur. Comment se procurer le matériel ? Les médicaments sont , bien entendu, délivrés par le pharmacien. Le matériel de nébulisation, quant à lui, peut être délivré, soit par l’officine pharmaceutique de proximité, soit par un prestataire de matériel médico-technique à domicile. Les avantages et les inconvénients de chaque procédure dépendent du contexte individuel et géographique que l’on peut schématiquement résumer dans le tableau 2 mais qui fait de chaque situation un cas d’espèce.   EN PRATIQUE • Deux molécules sont disponibles en France : le dipropionate de béclométasone et le budésonide, en suspension unidose. • Le schéma thérapeutique ne peut être que personnalisé en fonction de l’allure évolutive de la maladie et des souhaits de la famille. • La posologie est déterminée de deux manières différentes : – soit en adoptant un protocole « ascendant » en débutant à faible dose par 24 h puis en augmentant en fonction des besoins. Cette démarche est applicable aux asthmes peu sévères ou aux familles « corticophobes » ; – soit en adoptant un protocole « descendant » beaucoup plus habituel, en débutant à forte dose par 24 h et en diminuant très progressivement. • Deux séances par jour sont aussi efficaces que 4 et beaucoup mieux acceptées par l’enfant comme par la famille (voire 1 séance par jour en phase de stabilisation). • Ne jamais utiliser un nébuliseur ultra-sonique pour administrer un corticoïde inhalé (technologie mal adaptée aux suspensions). • La prescription doit être prolongée. Il s’agit d’un traitement de fond dont la durée ne peut être inférieure à 8 semaines avant de pouvoir s’assurer de l’efficacité et d’envisager de réutiliser un dispositif prêt à l’emploi adapté à l’âge. • Il n’y a pas d’âge limite pour mettre en route une corticothérapie inhalée par nébulisation, la corticothérapie par voie orale prolongée devant rester exceptionnelle avant 3 ans.

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