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Syndromes et maladies rares

Publié le 19 juil 2009Lecture 8 min

Le syndrome de Klinefelter : vers une meilleure prise en charge médico-psychologique

A. LUBIENSKI, K. GUENICHE, M. POLAK Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris

Le syndrome de Klinefelter (47XXY) représente la plus fréquente des anomalies génétiques chez le garçon mais reste paradoxalement peu connu. Par ailleurs, les estimations indiquent que la majorité des sujets porteurs ne serait jamais diagnostiquée. Cela interroge, d’une part, sur les raisons de cette absence de diagnostic et, d’autre part, sur le devenir des hommes atteints. On peut penser qu’un meilleur repérage des conditions médicales et psychologiques associées au syndrome pourrait en faciliter le dépistage et permettre d’améliorer la prise en charge des patients.

 
Définition Le syndrome de Klinefelter (SK) doit son nom au Docteur Harry F. Klinefelter Jr qui a décrit, le premier, une cohorte de neuf patients associant une gynécomastie, une absence de spermatogenèse et un taux de FSH élevé (1). Le syndrome a ensuite été isolé sur le plan chromosomique par P.A. Jacobs et J.A. Strong (2) : le SK se caractérise par la présence d’un chromosome X surnuméraire dans les caryotypes masculins. Les sujets atteints présentent le caryotype 47XXY au lieu du caryotype 46XY attendu chez le garçon. Si l’atteinte est homogène dans 85 % des cas, on retrouve des formes dites « en mosaïque » dans lesquelles toutes les cellules ne sont pas touchées (3). La prévalence du SK est estimée à environ 1 garçon sur 600. Les circonstances de découverte sont variables. Selon F. Kebers et coll. (4), un caryotype réalisé au décours d’une grossesse à risque ou devant une malformation congénitale permet, dans de rares cas (10 %) d’établir le diagnostic. Durant l’enfance et à l’âge adulte, le diagnostic peut être évoqué lors d’une consultation pour retard de développement, hypogonadisme, gynécomastie ou infertilité (26 %). Selon ces estimations, près des deux tiers des SK ne seraient pas diagnostiqués. Ces données sont confirmées par l’étude de A. Bojesen (5) estimant à 17 % le taux de diagnostics réalisés compte tenu d’une prévalence du syndrome de 1 sur 600. Absence de phénotype spécifique, hypofertilité inexplorée…, les raisons de cette importante absence de diagnostic restent hypothétiques. Il nous est par ailleurs impossible de nous prononcer sur la qualité de vie des hommes concernés. Près des deux tiers des syndromes de Klinefelter ne seraient pas diagnostiqués. Étiologie Le chromosome X surnuméraire dans le syndrome de Klinefelter résulte habituellement d’une absence de disjonction des chromosomes sexuels au cours de la première ou de la deuxième division méiotique chez l’un ou l’autre parent (6).  Figure 1. Syndrome de Klinefelter. Si l’origine du syndrome de Klinefelter est attribuée dans des proportions similaires, tantôt à la méiose maternelle, tantôt à la méiose paternelle, certaines études suggèrent une augmentation des risques avec l’avancée de l’âge maternel (7). S’agissant d’une anomalie acquise, les parents doivent être rassurés pour les naissances ultérieures qui ne présentent pas davantage de risques que dans la population générale. Les parents doivent être rassurés : les naissances ultérieures ne présentent pas davantage de risques que dans la population générale. Tableau clinique Les signes cliniques associés au syndrome de Klinefelter sont variables tant dans leur forme que dans leur intensité. En dépit de cette grande variabilité des tableaux cliniques, pouvant couvrir tous les degrés pathologiques jusqu’à la normalité, certains signes peuvent être repérés dans la plupart des cas (8). Aspects médicaux Le diagnostic peut être évoqué en période néonatale devant une verge de développement insuffisant ou une cryptorchidie. Les enfants avec SK n’ont pas de signes faciaux dysmorphiques caractéristiques. La croissance de ces enfants s’accélère entre 5 et 8 ans aboutissant à une taille finale moyenne de 179,2 cm ± 6,2 cm. Une disproportion avec long bras et longues jambes peut attirer l’attention. Le diagnostic peut être évoqué devant des petits testicules dont la consistance à la palpation peut être anormale. Plus tard, lors de la puberté, c’est l’apparition d’une gynécomastie, traduisant un certain degré d’insuffisance de la fonction endocrine du testicule, qui mène au diagnostic, ou encore un retard pubertaire, ou une puberté lentement évolutive. À l’âge adulte, c’est souvent une infertilité qui fera poser l’indication de la pratique d’un caryotype conduisant au diagnostic de SK.   Aspects psychologiques Certaines études s’accordent à décrire un ensemble de traits cognitifs et comportementaux caractérisant les patients ayant un syndrome de Klinefelter.  Au niveau psychomoteur, les enfants SK peuvent présenter une réduction des capacités de coordination, de vitesse de mouvement, de dextérité et de force physique (9).  Quant aux apprentissages, il existerait dès l’âge de 3 ans un retard d’acquisition du langage associé à une pauvreté du vocabulaire, des difficultés d’expression orale et dans l’apprentissage de la lecture (4).  Au niveau cognitif, les sujets SK se situent généralement dans la moyenne basse avec des variations importantes. Le quotient intellectuel verbal est le plus souvent significativement diminué, tandis que le quotient intellectuel de performance se situe dans la norme. Ainsi, des difficultés cognitives sont repérables dès l’enfance, notamment au niveau du développement du langage et de l’adaptation scolaire, et peuvent, lorsqu’elles s’associent à d’autres signes cliniques, évoquer le diagnostic de syndrome de Klinefelter. Toutefois, une étude récente réalisée auprès d’adultes SK (10) révèle un niveau intellectuel équivalent à celui d’une population témoin. Ce résultat indique que l’abaissement du QI observé chez les enfants n’est pas prédictif de l’efficience intellectuelle future, les difficultés cognitives de l’enfance pouvant être compensées par des stratégies efficaces et/ou améliorées à la faveur d’une prise en charge adaptée.  Concernant les aspects affectifs et relationnels de la personnalité, les enfants et les adolescents ayant été diagnostiqués lors d’une amniocentèse ou à la naissance montrent une tendance marquée à la timidité, la passivité, une irritabilité émotionnelle et une tendance au repli et à l’isolement social (4). Si ces données apparaissent suffisamment repérables pour qu’on ait pu évoquer l’existence d’une « personnalité klinefeltérienne » (11), elles doivent être considérées avec prudence, tant les facteurs intervenant dans le développement psychologique sont multiples et insuffisants à eux seuls pour prédire la qualité du fonctionnement psychique. Le quotient intellectuel verbal est le plus souvent diminué, tandis que le quotient intellectuel de performance se situe dans la norme. Prise en charge Médicale, incluant l’infertilité potentielle La plupart des patients avec SK sont infertiles, cependant il existe des cas de fertilité spontanée, surtout dans des cas mosaïques. Des techniques de procréation médicalement assistée, telles que l’extraction intratesticulaire de spermatozoïdes (« testicular sperm extraction ») et l’ICSI (« intracytoplasmic sperm injection ») peuvent fournir les solutions pour obtenir une fertilité. Certains protocoles actuels proposent d’inclure des adolescents, dont les spermatogonies sont encore présentes, afin de proposer des congélations à visée de fertilité ultérieure. Le traitement par testostérone peut, à l’adolescence, compenser l’insuffisance testiculaire endocrine qui se manifeste plus particulièrement après l’âge de 14 ans. Certains, notamment les auteurs anglo-saxons, proposent ce traitement par testostérone dès l’âge de 12 ans. Le traitement par testostérone peut, à l’adolescence, compenser l’insuffisance testiculaire endocrine. Psychologique Sur le plan psychologique, l’accompagnement des parents au moment de l’annonce diagnostique et, le cas échéant, un suivi au long cours de l’enfant sont susceptibles de faciliter l’intégration du diagnostic et d’en prévenir les effets potentiellement délétères. Par ailleurs, devant des difficultés d’acquisition du langage et/ou un retard scolaire, un suivi orthophonique et un soutien scolaire favoriseront l’adaptation scolaire des enfants SK. Concernant l’inhibition intellectuelle, affective et sociale rapportée par les auteurs, une étude en cours suggère que cette inhibition a une fonction défensive, notamment à l’adolescence, face à l’angoisse suscitée par un syndrome touchant les fondements génétiques de l’identité sexuelle. Pour se développer au mieux, l’adolescent pourrait, pour un temps, jeter un voile sur le SK, recouvrant du même coup la curiosité intellectuelle et la capacité à tisser des liens(12). Le traitement par testostérone, initié à la puberté, en favorisant l’identification virile de l’adolescent, pourrait permettre de soulager l’inhibition et avoir des effets positifs aux plans intellectuel, affectif et social. Cette hypothèse permet de rester optimiste quant aux chances pour l’adolescent de se développer de façon satisfaisante, l’inhibition rapportée pouvant être transitoire et réversible. Conclusion Concernant 1 garçon né sur 600 en moyenne, la prévalence du syndrome de Klinefelter est relativement importante. En l’absence de dépistage, la plupart des sujets touchés par le SK ne bénéficient d’aucun suivi. Pourtant, les études portant sur les patients ayant été diagnostiqués précocement mettent en évidence l’existence de difficultés de développement et d’adaptation pouvant être atténuées ou résolues par une prise en charge médicale et psychologique adaptée. Généralement, des signes cliniques tels que l’hypogonadisme, l’infertilité et la gynécomastie associés à une personnalité marquée par l’inhibition permettent d’évoquer le diagnostic de SK.  

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