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Hématologie - oncologie

Publié le 29 aoû 2010Lecture 8 min

Anémies de l’enfant : orientation diagnostique

E. LAINEY, O. FENETEAU, Hôpital Robert-Debré, Paris
L’examen du frottis sanguin, avec étude morphologique fine de la taille, la teinte, la forme des hématies et la présence éventuelle d’inclusions érythrocytaires, est une étape capitale en pédiatrie dans l’orientation diagnostique des anémies d’origines constitutionnelles, hémolytiques ou non, qui se révèlent le plus souvent tôt dans l’enfance. 
Les anémies résultent d’une diminution du taux d’hémoglobine par des mécanismes de destruction périphérique des globules rouges ou par défaut de production. L’hémogramme et les indices érythrocytaires ainsi que le taux de réticulocytes vont aider à la classification des anémies. Les autres données de l’hémogramme (plaquettes, leucocytes et la formule leucocytaire) sont également nécessaires, notamment dans le cadre des anémies d’origine centrale.   Anémies microcytaires Chez l’enfant, la microcytose est définie par un VGM < 70 fl (entre 6 mois et 1 an) et < 75 fl (entre 1 et 6 ans). Une insuffisance ou une anomalie de la synthèse de l’hème (ou de sa liaison avec le fer) et/ou des chaînes de globine provoqueront l’apparition de globules rouges microcytaires. Les anomalies de production entraînant une microcytose sont regroupées en trois grandes étiologies : l’anémie par carence martiale, l’anémie inflammatoire par stockage excessif du fer dans les histiocytes médullaires et les anémies liées à une anomalie quantitative de l’hémoglobine (α et β-thalassémies). La plupart des anémies microcytaires sont associées à une hypochromie. L’indice érythrocytaire le plus sensible est la TCMH (diminuée dans tous les cas d’α- et β-thalassémies), suivi de la CCMH, qui sera diminuée (< 30 %) dans les carences martiales. Une microcytose peut également s’observer dans les pathologies de la membrane érythrocytaire (sphérocytose et elliptocytose). Dans ce cas, la microcytose résulte d’une fragmentation excessive des globules rouges (elliptocytose) ou d’une perte membranaire (sphérocytose). Dans de rares cas, la microcytose est la conséquence d’une intoxication au plomb (inhibition des principales enzymes de la chaîne biosynthétique de l’hème), d’une anémie sidéroblastique congénitale (déficit en ALA synthétase) ou d’un trouble intrinsèque du métabolisme du fer (atransferrinémie congénitale, mutation du gène TMPRSS6…). Le tableau 1 récapitule les principales anomalies morphologiques des hématies rencontrées dans les anémies microcytaires.   Tableau 1. Principales anomalies morphologiques des globules rouges retrouvées au cours des anémies microcytaires de l’enfant (pour les catégories A,B, C… se reporter au lexique ci-dessous). Petit lexique des principaux termes employés en cytologie érythrocytaire Les hématies sont des cellules sanguines anucléées de 7μm de diamètre et de forme discoïdale.  Acanthocyte : hématie qui présente 5 à 10 spicules irrégulièrement disposés à sa surface.  Annulocyte (C) : hématie où seule la membrane érythrocytaire est encore visible (témoin d’une hypochromie majeure).  Corps de Howell-Jolly : corpuscule sphérique de même teinte que le noyau, correspondant à des restes chromatiniens.  Corps de Pappenheimer (G) : petits granules riches en fer, colorés en bleu au MGG et en vert au Perls et regroupés en petite grappe dans le cytoplasme.  Dacryocyte (E) : hématie présentant un prolongement effilé en forme de larme.  Drépanocyte : hématie en forme de faucille (lié à la précipitation de l’HbS).  Échinocyte : hématie dont la surface possède plusieurs projections fines et régulières.  Elliptocyte (D) : hématie présentant différents degrés de déformation elliptique (ovalaire, ellipse, bâtonnet), conséquence de modifications dans les interactions protéiques horizontales du cytosquelette membranaire.  Hématie cible (A) : hématie avec un centre coloré, entouré par une zone claire elle-même bordée par une zone colorée (lié à une augmentation surface/volume).  Hématie dense spiculée : hématie présentant à sa surface de très nombreux spicules fins, courts et réguliers.  Hématie « fantôme » (Hemighost/Ghost) : hématie partiellement ou complètement vidée de son contenu, dont une partie de la membrane est arrachée (déficit en G6PD).  Hématie « mordue » : hématie amputée d’une partie semi-circulaire (lié à l’action épuratrice de la rate).  Ovalo-stomatocyte : hématie nettement ovalaire présentant 1 ou 2 bandes claires transversales curvilignes.  Poïkilocytose : témoin de la grande variabilité de forme des hématies.  Polychromatophilie : coloration bleutée des jeunes hématies correspondant à leur richesse en ARN (témoin de la régénération médullaire).  Ponctuations basophiles (F) : granulations de taille variable, colorées en bleu au MGG et réparties dans l’ensemble du cytoplasme.  Schizocyte : hématie fracturée résultant d’une coupure accidentelle.  Sphérocyte (B) : hématie de diamètre réduit, d’épaisseur accrue, ne possédant pas de centre clair.  Stomatocyte : hématie présentant une dépression rectiligne centrale donnant une forme de bouche. Anémies normocytaires Les causes d’anémies normocytaires chez l’enfant sont multiples et regroupent des pathologies congénitales et acquises régénératives ou non. Le tableau 2 en récapitule les principales causes et illustre certaines des anomalies morphologiques rencontrées.  Tableau 2. A : Principales causes d’anémies normocytaires chez l’enfant. B : Principales anomalies morphologiques des globules rouges rencontrées au cours des anémies hémolytiques. Anémies macrocytaires Parmi les anémies macrocytaires acquises retrouvées chez l’enfant, citons les carences vitaminiques (B12, folates…), l’hypothyroïdie et certaines anémies hémolytiques auto-immunes (AHAI) avec intense régénération (conséquence du fort pourcentage de réticulocytes macrocytaires). Les enzymopathies — déficit en GPI (glucose phosphoisomérase), TPI (triose phosphoisomérase), etc. — peuvent également s’accompagner d’une macrocytose lorsqu’elles sont très régénératives. Les deux principales causes d’anémies macrocytaires congénitales arégénératives sont la maladie de Blackfan- Diamond et les dysérythropoïèses congénitales. La première ne donne pas d’anomalie morphologique évocatrice sur le frottis sanguin, la seconde s’accompagne d’une anisocytose et poïkilocytose avec présence de quelques dacryocytes et de rares érythroblastes pathologiques.   Anémies non isolées Les autres causes d’anémies macrocytaires pour lesquelles l’étude morphologique des hématies apporte une aide précieuse à l’orientation diagnostique s’accompagnent de cytopénies additionnelles (thrombopénie ± neutropénie). Citons les troubles héréditaires de la vitamine B12 et des folates (Imerslund, déficit en facteur intrinsèque, déficit en transcobalamine II, mutants Cbl C…) (macrocytes + hématies fragmentées), les aciduries orotiques (poïkilocytose majeure) ou les anémies thiamine-dépendante (macrocytose). Parmi les anémies de cause centrale, citons l’ostéopétrose (nombreux dacryocytes), les leucémies, les aplasies médullaires et les syndromes myélodysplasiques.  Figure 1. Exemples d’anomalies morphologiques des globules rouges. HN =Hématie normale. a : Insuffisance rénale aiguë. b : Pyknocytose infantile (pyknocyte). c : Porphyries congénitales (cristaux de porphyries). d : A-bétalipoprotéinémie (acanthocytes). e : Dysérythropoïèses congénitales (macrocytose, dacryocytes). f : Paludisme. g : Syndrome β-thalassémique majeure. h : Ostéopétrose (dacryocytes). i : Agglutinats de globules rouges. Enfin, le syndrome d’EVANS (agglutinats de globules rouges ou signes de cytophagie), le paludisme (trophozoïtes dans les globules rouges) et d’autres causes d’infections sévères (virales ou bactériennes) s’accompagnent d’anomalies morphologiques non spécifiques (figure).   Anomalies morphologiques des hématies sans anémie Des anomalies morphologiques peuvent être décrites sur un frottis sanguin sans être associées à une anémie. Ainsi, des échinocytes sont fréquemment présents en cas d’hypoxie ou de gastroentérite, des acanthocytes seront visibles en cas d’anorexie mentale, d’insuffisance hépatocellulaire, d’asplénie, d’hypercholestérolémie familiale ou encore de neuro-acanthocytose. Des stomatocytes sont retrouvés en cas d’insuffisance hépatocellulaire ou de prise de toxiques, et des hématies cibles en cas d’obstruction biliaire (déficit en LCAT). Parmi les pathologies héréditaires de la membrane érythrocytaire se présentant sans anémie, citons l’ovalocytose mélanésienne hétérozygote, qui s’accompagne d’ovalo-stomatocytes, et l’elliptocytose avec mutation hétérozygote du gène de l’α-spectrine, qui se caractérise par la présence d’hématies ± elliptiques.   Conclusion Seules quelques rares anomalies morphologiques sont spécifiques et permettent un diagnostic précis sur la simple observation des globules rouges (drépanocytes, cristaux d’hémoglobine C, ovalostomatocytes, hemighost). Il faut donc garder à l’esprit que la majorité des anomalies des globules rouges, potentiellement évocatrices d’une pathologie constitutionnelle, sont également retrouvées dans des pathologies acquises. Cependant, dans la majorité des cas, le tableau clinique est différent et l’intensité des anomalies morphologiques, le plus souvent moindre, permet d’établir aisément un diagnostic. L’interprétation des anomalies morphologiques peut néanmoins se compliquer lors de l’association de différentes pathologies héréditaires qui touchent à la fois la membrane, l’hémoglobine et/ou les enzymes érythrocytaires. De même, des pathologies acquises peuvent s’associer entre elles. Enfin, elles se surajoutent parfois à une pathologie héréditaire, modifiant alors la morphologie érythrocytaire (la carence en fer masque la présence de sphérocytes).  

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