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Allergologie - Immunologie

Publié le 21 mai 2014Lecture 9 min

La BPCO existe-t-elle chez l’enfant ?

Guy DUTAU, Toulouse

Si la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) est bien connue en pathologie d’adultes (mais très souvent méconnue par les patients eux-mêmes), c’est une affection qui ne figure pas dans les traités de pneumologie pédiatrique(1). La principale raison de ce constat tient au fait que la BPCO est surtout observée chez les fumeurs actifs de longue date et que ce facteur de risque n’existe pas chez les enfants, même si le début du tabagisme actif est un fléau chez les adolescents(2). Toutefois, chez l’adulte, même si le tabagisme en est la cause dominante, la BPCO n’est probablement pas une maladie mais un syndrome. C’est encore plus vrai chez l’enfant où plusieurs affections autonomes (mucoviscidose, bronchectasies, séquelles de viroses respiratoires, certaines formes d’asthme sévère, etc.) ont en commun d’associer un syndrome ventilatoire obstructif et des lésions emphysémateuses.

  Définitions Il faut d’abord indiquer quelques définitions avalisées par des conférences de consensus ou des réunions d’experts. La BPCO se caractérise par une diminution irréversible ou partiellement réversible des débits expiratoires sans variation depuis plusieurs mois(3,4). Elle est parfois associée à un déclin accéléré du VEMS. Secondaire à une inflammation progressive des voies aériennes, elle est liée au tabagisme actif dans 9 cas sur 10. On estime que 20 à 30 % des personnes qui fument plus de 20 cigarettes par jour développeront une BPCO. En dehors du tabagisme actif, les autres causes de BPCO sont les expositions professionnelles à des polluants tels que les gaz toxiques, les solvants, les produits de la mine, les poussières de silice(4). Jusqu’à présent, le terme de BPCO a été exclusivement utilisé chez l’adulte. La bronchite chronique (BC), manifestation la plus fréquente de la BPCO, est définie par une toux chronique avec production de sécrétions, pendant au moins 3 mois par an depuis plus de 2 années consécutives. Toutefois, la BC et la BPCO ne sont pas synonymes, la BC étant seulement un facteur de risque (certes important) de la BPCO. Au cours de la BPCO, l’inflammation chronique des bronches et les surinfections bronchiques provoquent un remodelage de bronches qui diminue le passage du flux aérien. Il en résulte un essoufflement d’abord à l’effort, puis au repos. Une destruction progressive de la zone alvéolaire ou du tissu pulmonaire (emphysème) s'ajoute à l’obstruction bronchique. Au bout de quelques années d’évolution, une insuffisance respiratoire chronique va se constituer avec hypoxie et retentissement sur la circulation artérielle pulmonaire (hypertension artérielle pulmonaire) et, à terme, sur la fonction cardiaque droite. Le GINA (Global Initiative for Asthma)(5) et le NAEPP (National Asthma Education and Prevention Program)(6) rappellent que l’asthme, quelle qu’en soit la gravité, est une affection inflammatoire chronique des voies aériennes, associée à une hyperréactivité bronchique. Aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant, l'anomalie de base est l'inflammation bronchique. Mais attention cependant à ne pas confondre asthme et BPCO, car il s’agit d’affections différentes (inflammation à lymphocytes CD8, cellules T helper de type Th1 et neutrophiles, sans fibrose sous-épithéliale au cours de la BPCO ; lymphocytes CD4, cellules T helper Th2, éosinophiles et fibrose sous-épithéliale dans l’asthme(7)). La période étudiée ici, l’enfance et l’adolescence, va arbitrairement jusqu’à 18 ans.   Étude analytique Plusieurs pathologies de l’enfant et de l’adolescent présentent quelques similitudes cliniques avec la BPCO de l’adulte car elles comportent un syndrome ventilatoire obstructif plus ou moins fixé (ou en aggravation progressive), une hyperréactivité bronchique non spécifique (HRB-NS) et des lésions d’emphysème. Ce sont principalement la dysplasie broncho-pulmonaire (DBP), la mucoviscidose (MCV), les dilatations des bronchiques (DDB) primitives ou secondaires, le déficit en alpha1-antitrypsine (AAT), probablement certains asthmes sévères avec obstruction bronchique fixée, qui peuvent conduire à une insuffisance respiratoire chronique (encadré 1). Les principales caractéristiques de ces affections sont résumées sur le tableau.   Dysplasie broncho-pulmonaire En 1967, la DBP a été décrite comme une affection pulmonaire due à l’oxygénothérapie et la ventilation artificielle utilisée pour le traitement de la maladie des membranes hyalines. Par la suite, sa définition a été remaniée pour tenir compte des progrès techniques de la ventilation artificielle nécessaire au traitement de cette affection complexe, multifactorielle, où se combinent une atteinte pulmonaire primitive (maladie des membranes hyalines) et des complications iatrogènes (barotraumatismes, volotraumatismes, infections bronchiques, oxygénothérapie)(8). Les progrès des techniques de ventilation et le traitement par le surfactant exogène ont permis de voir émerger une nouvelle forme de DBP avec oxygéno-dépendance progressive et, anatomiquement, une meilleure aération pulmonaire, une atteinte inflammatoire et une fibrose moins marquées(9). Le devenir à très long terme (au bout de 20 ans et plus) des enfants actuellement atteints de BDP pose une question sans réponse (figures 1 et 2, encadré 2).   Figure 1. Dysplasie broncho-pulmonaire chez un nourrison de 3 mois. Distension thoracique avec hyperclarté pulmonaire, côtes horizontales, plages d’atélectasie.   Figure 2. Dysplasie broncho-pulmonaire chez un nourrison préterme ventilé. Opacités pulmonaires diffuses alternant avec des zones plus claires.  Mucoviscidose Autrefois maladie confidentielle, uniquement connue des pédiatres, la mucoviscidose est devenue une affection de l’adulte en raison des progrès considérables de sa thérapeutique au cours des 30 dernières années(10). Il n’y a pas eu d’avancée thérapeutique décisive, mais la coordination des soins et la multidisciplinarité ont permis une amélioration de la médiane de survie qui dépasse actuellement 30 ans alors qu’elle était inférieure à 5 ans au début des années 1960(10). Les points importants ont été : – la codification des techniques de kinésithérapie respiratoire (accélération passive et active du flux expiratoire) ; – l’utilisation des extraits pancréatiques gastro-protégés permettant une nutrition qualitativement normale (120 % des besoins théoriques) ; – la détection précoce et l’antibiothérapies efficaces de l’infection à pyocyanique ; – les aérosols de désoxyribonucléase recombinante (rhDNase), etc. Ces actions coordonnées ont permis aux enfants, puis aux adultes de mener une vie aussi normale que possible sur le plan scolaire, physique et professionnel, moyennant certains aménagements (encadré 3). Le symptôme constant, très précoce, est un emphysème obstructif responsable d’une hyperclarté pulmonaire diffuse et bilatérale sur laquelle viendront se greffer, au cours de l’évolution, des images réticulées ou réticulo-nodulaires, puis des lésions des bronches proximales, des dilatations bronchiques (DDB), des impactions mucoïdes, des troubles ventilatoires. L’examen tomodensitométriques du poumon (TDM) permet de détecter très tôt l’obstruction bronchiolaire. Les experts proposent de réaliser une TDM à 6-7 ans, 12 ans puis 15-17 ans, sauf événement imprévu(9) (figure 3 A et B). Figure 3. A. Radiographie thoracique d’une jeune fille atteinte de mucoviscidose (réalisée avec son soutien-gorge par pudeur), montrant un emphysème diffus et diverses opacités para-hilaires (bilatérales), hilo-basales droites, axilaires droites. B. Mucoviscidose en TDM. Opacités diverses : hilaires (hypertrophie ganglionnaire à gauche), DDB au sein d’un lobe rétracté (à gauche) concernant la lingula, opacité postérieure droite excavée.    Bronchectasies en dehors de la mucoviscidose Plusieurs étiologies sont possibles : DDB primitives (en baisse de fréquence depuis 30 ans et probablement confondues avec d’autres pathologies) ; DDB secondaires à des infections ORL ou à une rhinosinusite (syndrome sinopulmonaire) ; déficits en IgA associés ou non à un déficit en sousclasses d’IgG ; syndrome des cils immobiles avec (syndrome de Kartagener) ou sans situs inversus(11). Il faut citer les séquelles respiratoires de rougeole et surtout de coqueluche, dont l’incidence a augmenté au cours des dernières années par transmission du germe des jeunes adultes non protégés par la vaccination aux nourrissons non encore vaccinés. Ces affections comportent des lésions comparables à celles de la mucoviscidose, une obstruction bronchique et des plages emphysémateuses (figures 4 et 5). Figure 4. La TDM montre des bronchectasies kystiques diffuses.  Figure 5. Petit poumon clair unilatéral ou syndrome de Swyer-James et Mac Leod (séquelle de virose de la petite enfance ayant détruit la ventilation collatérale de façon unilatérale).    Déficit en alpha1-antitrypsine Le déficit homozygote en alpha1- antitrypsine (AAT) est une maladie génétique, responsable d’une atteinte progressive respiratoire et hépatique. L'AAT est une glycoprotéine codée par un gène localisé sur le chromosome 14, gène polymorphe dont les allèles ont été classés en normal (M), déficient (Z, S) et déficient complet (nul). Le risque de développer une maladie ne concerne que les sujets de phénotype nul-nul, Znul ou ZZ, avec des symptômes variables selon le génotype et d’un individu à l’autre. Le déficit en AAT est responsable d’une atteinte de l’élastase, avec comme conséquence une perte de l'élasticité du tissu pulmonaire et un emphysème d’apparition précoce (avant 30-40 ans), ce qui le différencie de la BPCO. Le tabagisme actif aggrave considérablement la maladie, le tabagisme passif probablement aussi. Asthmes sévères L’asthme sévère (AS) persistant (stade IV selon la classification du GINA(5)) ou stade III (selon la classification pédiatrique(12)) représente 5 à 10 % des asthmes. Il se caractérise le plus souvent par un syndrome obstructif peu ou non réversible sous bêta 2-stimulants. Bien que classiquement la BPCO (patients plus âgés, toux grasse) et l’AS se distinguent (patients jeunes, toux sèche, allergie IgE dépendante)(12), il existe probablement des formes de transition, mais surtout chez les asthmatiques adultes, facilitées par le tabagisme, la consommation de drogues, l’exposition aux polluants professionnels ou autres. Bronchites récidivantes L’expérience professionnelle montre que les bronchites récidivantes de l’enfance sont très souvent retrouvées à l’interrogatoire des patients atteints de BPCO. Dansdeux études cas-témoins effectuées chez des jeunes adultes, les symptômes d’asthme (toux et sifflements), un syndrome ventilatoire obstructif à l’EFR, et un test à la métacholine positif sont significativement plus fréquents chez ceux qui ont des antécédents de bronchiolite sévère dans la petite enfance(14,15). À ce chapitre s’ajoutent : – les bronchectasies secondaires à certaines adénoviroses graves ; – le syndrome de Swyer-James et Mac Leod ou petit poumon clair unilatéral secondaire à des infections respiratoires de la petite enfance, entraînant une perte unilatérale de la collatéralité bronchique et, par conséquent, un trouble du développement parenchymateux avec hypoplasie artérielle pulmonaire acquise (figure 6). Figure 6. Séquelles de coqueluche chez un grand enfant : atélectasie du lobe inférieur droit au sein de laquelle on distingue bien les clartés tubuliformes des bronches dilatées. Distension compensatrice du lobe supérieur droit.  Synthèse • Si les diverses affections sus-indiquées sont évidemment distinctes et ont une histoire naturelle différente, elles se manifestent par des symptômes similaires (toux, gêne respiratoire, syndrome obstructif peu ou non-réversible, une HRBNS)(13). • Leur physiopathologie fait intervenir une inflammation bronchique, un remodelage des bronches plus ou moins marqué, un rôle constant des infections virales et bactériennes, des troubles de la production et de la rhéologie du mucus, des anomalies immunitaires locales (ou à traduction locale), des lésions emphysémateuses. • Au plan thérapeutique, les β2-mimétiques et les anticholinergiques sont les traitements de base pour leur action bronchodilatatrice, avec les corticoïdes inhalés pour leur action anti-inflammatoire. Les anticholinergiques ont également d’autres modalités d’action : inhibition de la prolifération des cellules musculaires et de la dégranulation mastocytaire. L’action sur la motilité ciliaire est controversée. • Le déficit en AAT peut également bénéficier d’un traitement substitutif, ainsi que certains déficits en sous-classes d’IgG. • Au total, pour répondre à la question posée, la BPCO existe chez l’enfant et l’adolescent à condition de lui donner un sens différent de celui qui est le sien en pneumologie d’adulte. Alors que la BPCO de l’adulte est une affection presque autonome où le tabagisme actif et la bronchite chronique représentent 90 % des cas, la « BPCO de l’enfant » est un syndrome multifactoriel. • Étant donné l’augmentation de l’espérance de vie des enfants atteints de ces diverses affections, le tabagisme actif fait peser un risque important à ces patients qui verront s’aggraver leurs lésions de bronchopathie chronique. C’est dire l’importance d’une prévention par l’éducation sanitaire (tabac, drogues récréatives), l’orientation professionnelle (si possible), la prévention des affections respiratoires aiguës (vaccin antigrippal). • Finalement, pour répondre à la question posée, il n’existe pas chez l’enfant une BPCO, mais des BPCO, ou plutôt des « bronchopneumopathies chroniques ».

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