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Néonatologie

Publié le 04 déc 2016Lecture 10 min

Dépistage de la surdité néonatale enfin une réalité !

S. ROMAN, A. FARINETTI, N. SARABIAN, J.-M. TRIGLIA, Service d’ORL pédiatrique, Centre régional d’évaluation de l’audition, CHU de la Timone Enfants, Aix-Marseille Université

Le dépistage systématique de la surdité néonatale en maternité en France est à présent obligatoire. Les principales étapes préalables à l’adoption de cette mission de santé publique ont été multiples et seront rappelées dans cet article. Les modalités pratiques de ce dépistage y seront précisées à travers l’exemple des régions PACA et Corse.

Ces dernières années, des articles ont été publiés sur cette thématique. Ils montrent, si besoin est, la longueur du chemin parcouru avant d’aboutir à cette généralisation du dépistage en France(1,2).   Les données du problème La surdité néonatale est un problème de santé publique en terme de fréquence, avec une prévalence en population générale variant entre 0,9 et 1,54 pour 1 000 naissances(3). Parmi les enfants transférés en réanimation néonatale ou unités de soins intensifs néonataux, cette prévalence est de 4/1 000(4). En terme de gravité, la description faite par Dauman(5) est pertinente et nuancée : « Un enfant sourd identifié avec retard risque de se développer plus lentement, sur le plan linguistique et cognitif, par défaut d’éducation auditive précoce ou rencontre trop tardive avec un adulte sourd. L’absence d’amplification auditive précoce, c’est-à-dire correctement adaptée dès les premiers mois ou en tout cas les toutes premières années, empêche l’enfant sourd d’apprendre à parler à une période clé de son existence et compromet ses chances de suivre une scolarité ordinaire. » En 1997, une étude épidémiologique rétrospective menée entre 1985 et 1993 dans une région du Royaume-Uni avant la généralisation du dépistage, montrait que l’âge moyen des enfants diagnostiqués était de 18,8 mois (8,6 mois pour les sourds profonds) et que l’adaptation prothétique était réalisée en moyenne à 32,3 mois (13,9 mois pour les sourds profonds)(6). Ces données illustraient le retard pris pour débuter une prise en charge précoce.  • La surdité néonatale est identifiable à un stade latent ou précoce grâce à un test simple, fiable et bien accepté par la population. En pratique, il existe deux méthodes auditives objectives, fiables, sensibles et non invasives. Ce sont l’enregistrement des potentiels évoqués auditifs automatisés (PEAA) et les oto-émissions acoustiques automatisées (OEAA). Les PEAA évaluent l’ensemble des voies auditives et sont notamment altérés en cas de dysynchronies auditives dont les prématurés sont à risque. Les OEAA évaluent le fonctionnement cochléaire, et présentent l’avantage majeur d’une durée d’examen réduite par rapport aux PEAA. • Les conséquences de la surdité sont différentes en fonction de l’âge de diagnostic et de la prise en charge. L’équipe de C. Kennedy(7) a étudié la communication orale et gestuelle de deux cohortes d’en fants sourds, identifiés avant l’âge de 9 mois pour les uns, et après pour les autres. À l’âge de 8 ans, le langage réceptif et expressif était significativement meilleur chez les enfants diagnostiqués plus précocement. D’autres études menées notamment chez les jeunes patients implantés cochléaires ont confirmé l’avantage d’une implantation précoce, qui implique un dépistage néonatal(8,9,10). • La stratégie de dépistage auditif néonatal a fait la preuve de son efficacité. Une étude de C. Kennedy a comparé l’âge diagnostique des enfants sourds issus de deux cohortes de nouveau-nés, l’une dépistée à la naissance, l’autre qui intentionnellement ne l’avait pas été(11). La proportion d’enfants sourds identifiés à l’âge de 6 mois était de 31 % et de 74 % respectivement sans et après dépistage systématique. • Pour être acceptable pour la collectivité, le problème des tests faussement positifs et de leurs conséquences doit être évalué. Une étude comparative menée aux Pays-Bas(13) sur deux groupes de familles, l’un dont les enfants ont eu un dépistage néonatal faussement positif (n = 154) et l’autre pour lesquels le dépistage néonatal a permis de conclure d’emblée à une audition normale (groupe contrôle, n = 288), a porté sur l’anxiété parentale et le comportement des parents. Aucune différence n’a été mise en évidence à l’âge de 6 mois, même si près de 60 % des parents du premier groupe reconnaissaient vérifier souvent que leur enfant entendait bien. Ce constat appliqué à notre pratique doit inciter à accompagner les parents après l’annonce d’un résultat non concluant, et à proposer un test de contrôle dans les 15 à 30 jours suivant la sortie de la maternité.   De l’expectative à la concrétisation Entre 2012 et fin 2014, le dépistage systématique des surdités permanentes néonatales est enfin devenu réalité. La première étape a été la parution au Journal officiel, le 23 avril 2012, d’un arrêté relatif à l’organisation de ce dépistage. Cet arrêté signifiait l’obligation de proposer un examen de repérage des troubles de l’audition avant la sortie de maternité pour tous les nouveau-nés. La deuxième étape a été la parution de la circulaire N°DGOS/R1/2013/144 du 29 mars 2013, qui fixait une augmentation de 18,70 € du GHS (Groupe homogène de malades) à compter du 1er avril 2013 correspondant à la somme due au titre du dépistage néonatal pour chaque nouveau-né. La troisième étape a été la parution de la circulaire N°SG/2013/195 du 14 mai 2013 qui accordait aux ARS une somme de 1,8 million d’euros sur le budget FIR 2013 (Fonds d’intervention régional), pour mettre en place ce dépistage au niveau régional, en s’appuyant sur un réseau de périnatalité ou une association régio nale (ARDPHE). Enfin, l’ultime étape a été la parution au Journal officiel, le 3 novembre 2014, du cahier des charges national du programme de dépistage de la surdité permanente néonatale, permettant son application à tout le territoire national et aux DOM-TOM selon des normes communes.   L’organisation du dépistage néonatal de l’audition est sous la responsabilité de chaque ARS. Celles-ci doivent contractualiser avec une ARDPHE et/ou un réseau de périnatalité pour déléguer la réalisation des missions suivantes : – coordination du dépistage avec le recueil de toutes les données statistiques (exhaustivité, etc.) ; – information et accompagnement des parents ; – orientation de l’enfant vers des explorations de l’audition complémentaires ; – formation des professionnels de santé. L’ensemble des données régionales issues du dépistage seront transmises à l’InVS (Institut national de veille sanitaire) pour permettre une approche épidémiologique cohérente au niveau national.   En pratique : l’exemple des régions PACA et Corse En régions PACA et Corse, les ARS respectives ont établi une convention dès septembre 2013 avec l’AREDEMAG (Association régionale d’études et de dépistage des maladies génétiques) pour la coordination et la collecte des données de ce dépistage. L’AREDEMAG a mandaté les services d’ORL pédiatrique des CHU de Marseille et de Nice pour assurer l’information, le contrôle qualité du dépistage, ses modalités pratiques dans les maternités et établir une liste de services d’ORL hospitaliers (CHG) et libéraux impliqués dans un réseau de dépistage et de diagnostic. À partir de 2014, le dépistage a progressivement été déployé dans les maternités des deux régions. Les conditions nécessaires pour valider officiellement l’entrée de chaque maternité dans le programme de dépistage étaient la présence d’un matériel de dépistage (1 appareil pour 1 000 nouveau-nés) et la formation des personnels « dépisteurs » sur les modalités pratiques du dépistage, dispensée sur site par le médecin d’un des deux services d’ORL pédiatrique de CHU. La stratégie de dépistage correspond à un protocole test-retest en maternité par des OEAA ou des PEAA. Les PEAA sont indispensables en cas de prématurité ou d’ictère hyperbilirubinémique (> 350 μmol/l) ou pour tous passages en réanimation néonatale ou unité de soins intensifs néonataux. La réalisation du test nécessite obligatoirement l’obtention d’un accord parental oral. Les parents sont ensuite invités à assister au test. Le personnel réalisant le test explique les principes et les raisons en s’appuyant sur la plaquette d’information téléchargeable sur le site du ministère de la Santé (www.sante.gouv.fr). Les testeurs précisent d’emblée aux parents que la détermination du statut auditif de leur enfant peut nécessiter un second test avant la sortie. Ainsi, si le premier test n’est pas concluant, le pédiatre est prévenu et il participe à l’annonce du résultat du second test. Si le premier test est concluant, l’annonce du résultat est faite par le personnel testeur et est systématiquement reprise par le pédiatre au moment de la délivrance du premier certificat médical lors de la sortie.   Quelles implications en fonction des résultats ? • Les premiers tests non concluants (NC) sur les deux oreilles sont répétés avant la sortie de maternité. • Les tests concluants (C) sur les deux oreilles signifient que l’audition est normale sur les deux oreilles. Le pédiatre explique la nécessité de suivre le bon développement langagier de l’enfant, et de consulter en cas de doute. • Les tests C sur une oreille signifient que l’audition globale est normale. Néanmoins, les pédiatres doivent proposer aux parents de faire contrôler l’audition de leur enfant vers l’âge de 6 mois. • Les tests NC sur les deux oreilles signifient que l’enfant est à risque de surdité. La sortie de la maternité doit se faire avec une prise de rendez-vous auprès d’un ORL du réseau pour réaliser un test auditif de contrôle (par OEAA ou PEAA) dans les 28 jours. Le pédiatre explique la nécessité du test de contrôle et, dans le même temps, rappelle que dans la majorité des cas ce nouveau test se révélera concluant. Les résultats sont consignés sur un carton de Guthrie, au même titre que les autres dépistages systématiques, et adressés à l’AREDEMAG. Ils sont également inscrits sur le carnet de santé et le dossier médical. En cas de refus des parents, le carton de Guthrie est renseigné de même que le dossier médical, et il est notifié sur le carnet de santé avec la formule « dépistage néonatal précoce non souhaité ». Les premiers résultats obtenus pour une année pleine de dépistage en PACA et en Corse en 2015 étaient de 93,8 % d’exhaustivité. La cible étant fixée à 90 %, ce premier critère est atteint. Il sera possible de l’améliorer car sur 43 maternités, 9 ne sont pleinement entrées dans le programme qu’en cours d’année 2015 ou ont connu des difficultés initiales. La prévalence de la surdité néonatale pour l’année 2015 était en deçà des chiffres admis autour de 1/1 000. Plusieurs explications à cela : à ce stade, nous n’avons pas assez de recul et certains diagnostics seront portés ultérieurement. Ensuite, il est vraisemblable qu’une action auprès du réseau soit nécessaire pour rappeler l’importance de la collecte des données. En pratique, le dépistage auditif néonatal systématique en maternité doit être considéré comme une réalité en France. L’efficacité de ce programme de dépistage sera jugée sur des données quantitatives exhaustives, d’âge au moment du diagnostic et d’autres paramètres. Une évaluation des bonnes pratiques cliniques en maternité est également nécessaire afin de garantir le respect et le choix de chaque parent à disposer de ce test.

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