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ORL et Stomatologie

Publié le 13 oct 2015Lecture 7 min

Hémangiomes infantiles : quelle prise en charge ?

N. LEBOULANGER, Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciales pédiatriques, Centre de référence des malformations ORL rares, hôpital universitaire Necker-Enfants Malades, Paris

L’hémangiome infantile (HI) n’est pas une malformation mais une tumeur vasculaire bénigne, la plus fréquente de l’enfant. Il peut atteindre jusqu’à 10 % des nourrissons de moins de 1 an et jusqu’à 30 % des prématurés de petit poids de naissance (< 1 500 g).

Cette tumeur est plus fréquente chez la fille, surtout dans les formes syndromiques (association PHACE). D’autres facteurs de risque existent : la peau blanche et un contexte d’hypoxie anté- ou périnatale, notamment en cas d’anomalie placentaire. L’hémangiome infantile (HI) a une évolution très typique. En effet, dans l’immense majorité des cas, la lésion est présente à la naissance ou apparaît peu de temps après, puis augmente de volume rapidement pendant les 12 à 18 premiers mois de vie. Elle diminue ensuite lentement de taille, mais de façon constante et régulière. La très grande majorité des lésions ne sont plus actives à l’âge de 7 ans, ne laissant que d’éventuelles séquelles esthétiques : zones cutanées distendues ou reliquats fibro-adipeux. Jusqu’en 2009, on estimait que 10 % des enfants atteints d’HI présentaient des complications sévères secondaires à la tumeur. En effet, malgré sa parfaite bénignité et son évolution spontanément favorable, son pronostic peut être parfois sévère à la fois sur le plan fonctionnel (localisations palpébrales à risque d’amblyopie ou labiales responsables d’ulcérations douloureuses empêchant l’alimentation orale), esthétique (pointe du nez, face antérieure du horax chez la jeune femme), mais aussi vital (obstruction respiratoire en cas d’atteinte pharyngée ou laryngée). Jusqu’en 2010, les HI des voies aériennes nécessitaient souvent une prise en charge lourde et invasive, allant parfois jusqu’à la trachéotomie d’attente dont l’enfant ne pouvait être sevré qu’une fois la lésion ayant suffisamment et spontanément involué. L’effet spectaculaire des bêtabloquants, et plus précisément du propranolol, sur les HI du nourrisson, a été décrit par des équipes françaises, d’abord en 2008 sur les lésions cutanées, puis en 2009 sur celles des voies aériennes supérieures. Cette nouvelle thérapeutique a changé radicalement le pronostic de ces lésions.   L’hémangiome infantile L’HI appartient au groupe des tumeurs vasculaires bénignes et n’est pas une malformation vasculaire. Son anatomopathologie est sans équivoque (prolifération capillaire typique), et cela d’autant qu’il existe un marqueur spécifique (GLUT-1), mais étant donné l’aspect et le profil évolutif typique de cette lésion, une biopsie diagnostique n’est pas nécessaire la plupart du temps. En cas d’atteinte des voies aériennes supérieures, c’est la localisation sous-glottique qui, en général, entraîne le plus rapidement des manifestations cliniques. Cette région sous-glottique est physiologiquement la plus étroite, située du niveau du chaton cricoïdien, sous les cordes vocales, et avant le début de la trachée proprement dite. Elle est donc la plus susceptible d’être cliniquement parlante en cas de lésions réduisant le calibre des voies aériennes. La symptomatologie habituelle est celle d’un stridor, un bruit respiratoire isolé et/ou lors des prises alimentaires chez le petit nourrisson, qui apparaît en moyenne 2 mois après la naissance. L’enfant peut présenter une symptomatologie de laryngite, sensible à la corticothérapie, souvent précoce (avant l’âge de 6 mois) et à répétition. Les signes respiratoires et leur retentissement peuvent être très discrets et tardifs ou, au contraire, d’emblée importants (cornage, tirage, cassure de la courbe de poids) en fonction du degré et de la localisation de l’atteinte. Le diagnostic est réalisé lors d’une endoscopie complète des voies aériennes (figure). Une IRM peut être utile pour préciser l’extension de lésions volumineuses. Avant l’introduction des bêtabloquants, le traitement médical faisait appel aux corticoïdes, à la vincristine et à l’interféron, exposant à des effets secondaires sévères. La chirurgie était réalisée par voie externe ou par voie endoscopique (laser), avec nécessité, dans les cas les plus sévères, de pratiquer une trachéotomie.   Enfant de 4 mois ; région sous-glottique, vue endoscopique. Hémangiome glottique sous-glottique postérieur droit.   Prise en charge actuelle   Les bêtabloquants Ce sont des substances antagonistes de l’effet bêta-adrénergique des catécholamines. Leur usage en thérapeutique chez l’enfant comme chez l’adulte, essentiellement en cardiologie, a plus de 50 ans. En 2008, une équipe bordelaise a mis en évidence l’efficacité du propranolol sur des localisations cutanées d’hémangiome infantile. L’année suivante, les premiers succès sur des localisations laryngotrachéales ont été rapportés. Les bêtabloquants agiraient en inhibant la sécrétion de facteurs pro-angiogéniques, ce qui stopperait la prolifération cellulaire pathologique et induirait une apoptose forcée. En pratique, l’efficacité du propranolol sur les hémangiomes infantiles est spectaculaire, la régression de la tumeur pouvant commencer quelques heures après la première prise. Depuis 2009, environ 80 cas d’atteinte des voies aériennes supérieures traités par bêtabloquants ont été rapportés. La réponse au traitement est en général rapide et significative bien qu’une résistance (efficacité partielle en général) soit possible, et concerne 5 à 10 % des patients. Les mécanismes de cette résistance ne sont pas connus. Une rechute après arrêt trop précoce du traitement est également possible, mais en général la lésion régresse à nouveau sa réintroduction.   Adaptation du traitement Il n’y a pas d’âge minimal pour la mise en route du traitement, mais une hospitalisation de quelques jours est justifiée chez les nourrissons atteints de pathologies obstructives, parfois sévères, afin d’assurer leur sécurité tout en réalisant le bilan préthérapeutique qui a pour but de dépister une pathologie cardiovasculaire ou bronchique sous-jacente. En pratique, il n’a encore jamais été rapporté d’enfant atteint d’hémangiome infantile et présentant une contre-indication absolue aux bêtabloquants. L’introduction du traitement se fait à faible posologie, en 3 prises quotidiennes, par paliers, pour atteindre la dose efficace se situant en général entre 2 et 3 mg/kg/j. Les complications du traitement ne sont pas rares (bronchospasme essentiellement, cauchemars) mais peuvent en général être prise en charge sans trop de difficultés ; l’utilisation d’un bêtabloquant plus cardiosélectif (acébutolol) est alors possible. La plupart des auteurs préconisent désormais, pour les localisations aux voies aériennes, de maintenir le traitement jusqu’à la fin de la période de croissance de l’HI, c'est-à-dire jusqu’à 18 mois.   Indications actuelles La supériorité thérapeutique des bêtabloquants dans la prise en charge des HI des voies aériennes supérieures est maintenant admise et ils sont désormais indiqués en première intention dans les hémangiomes infantiles de l’enfant. La chirurgie est maintenant réservée aux patients présentant une contre-indication formelle aux bêtabloquants et ceux avec un petit angiome sous-glottique unilatéral pour lesquels un geste endoscopique unique permettra d’éviter un traitement médicamenteux de plusieurs mois. La corticothérapie à forte dose en cure courte a toujours sa place en cas de gêne respiratoire importante et lors de l’initiation des bêtabloquants, le temps que ces derniers agissent. Enfin, vers l’âge de 18 mois et en l’absence de pathologie cardiovasculaire associée, le traitement peut être arrêté du jour au lendemain.   En pratique Les bêtabloquants ont transformé le pronostic et la prise en charge des localisations laryngotrachéales des hémangiomes infantiles. La chirurgie n’est, sauf exception, plus proposée en première intention et est désormais réservée aux cas difficiles. Un traitement prolongé est nécessaire.

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